La religieuse
Denis Diderot
Ed folio, Garnier Flammarion
Bien-sûr, ce récit est une fiction, puisque le témoignage de Sœur Ste Suzanne, alias, Suzanne Simonin, est destiné à être lu par un certain marquis de Croismare dans le but de l’attendrir et le faire revenir de Normandie afin d’égayer la bonne société parisienne.
Toutefois, comme le signale l’auteur de la
préface, Robert Mauzi, « que de patrimoines furent sauvés par une vocation
opportune ; et que d’enfants naturels refoulés dans le néant des cloîtres ! »
Cette pauvre Suzanne Simonin rassemble à elle seule, les deux conditions,
enfant naturel devant expier les fautes de sa mère, et bien gênante pour la
succession. En lisant les horreurs perpétrées par les sœurs de Longchamps, j’ai
été tentée de me dire qu’il ne s’agit que d’une fiction, et que Diderot ajoute du sensationnel
au témoignage de Suzanne, mais en fouillant un peu, on apprend que ce récit est
inspiré de l’histoire de Marguerite Delamarre, religieuse qui alimenta les conversations
vers 1750, et que Diderot a pu s’inspirer de sa propre sœur, entrée au couvent
et devenue folle.
Si je m’en tiens au roman sans trop me poser de question, je peux affirmer
que cette lecture m’a fait passer par des sentiments de pitié, de révolte, de
colère, de tristesse. La mère supérieure de Longchamp est un monstre. certes,
au XVIIIème siècle, on ne parle pas de psychologie, toutefois on était capable d’empathie
et de compassion. Rien n'excuse donc le comportement de tels tortionnaires. Le tort de Suzanne, ce fut de ne pas se sentir appelée au affaires religieuses pour
son plus grand malheur, car quel être humain est capable de résister aux
souffrances physiques et morales qu’elle se voit infliger ? De ce point de
vue, ce roman est marquant et ne peut laisser indemne.
Faut-il y voir des prémices de rébellion contre la religion ? La révolution française approche, les philosophes remettent en question le fait religieux et s’élèvent contre l’oppression générée par l’Eglise. Oppression plus qu’évidente dans le roman de Diderot, le couvent y devient un microcosme de l’Eglise, avec sa hiérarchie, les croyances quelle insinue, le contrôle des pensées des individus, l’austérité, l’abus de pouvoir lié à cette hiérarchie.
Le personnage de Suzanne est très intéressant, Jeune femme cultivée, intelligente,
certaine de son « non engagement », résolue à défendre ses idées
contre vents et marée, argumentant finement pour le plus grand plaisir du lecteur, résistante et parfois ingénue, elle constitue à elle
seule toute la trame du roman.
Ce récit, s’il peut parfois heurter la sensibilité d'un lecteur, n’en demeure
pas moins un roman incontournable bien qu’il ne soit pas toujours de lecture
facile, certaines tournures de phrases pouvant sembler ambiguës au gens du XXIème siècle que nous sommes, et
le vocabulaire propre au cloître et à la pratique religieuse difficile à
assimiler.
Je ne regrette pas ce moment de lecture édifiant renfermant d'intéressantes notions de philosophie ainsi que des dialogues très riches et intéressants.
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