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dimanche 27 décembre 2020

 

Les impatientes












Djaïli Amadou Amal

Ed Emmanuelle Collas


Bienvenue au club des bonnes épouses, coépouses serait plus approprié... Mais au fait, qu’est-ce qu’une bonne épouse ? 


la bonne épouse, c’est la femme qui se retrouve mariée à un homme qu’elle n’a pas obligatoirement choisi, mais qui obtempère en dépit de la violence notoire du promis, en dépit de l’indifférence qu’elle manifeste à l’égard de du futur conjoint, arrangeante parce que son union va faire prospérer le commerce, cordon bleu  qui fait la cuisine à toute heure du jour ou de la nuit pour l’époux (et qui ne mangera pas certains mets réservés au maître, qui ne se plaindra pas si le maître de maison la bat, car c’est bien de sa faute si telle est la situation, elle a dû l’énerver (et on ne se plaint pas, ce ne sont qu'enfantillages), et c’est également la faute de sa mère qui l’a trop écoutée et trop gâtée, c’est aussi la femme qui sait arranger son intérieur pour être agréable à Monsieur, se maquiller, s’habiller pour plaire (seulement à son époux !), et c’est celle qui sait se montrer patiente puisqu’ainsi parle le Coran.


Voici ce que l’on apprendra à travers ce récit témoignage qui dénonce à juste titre la situation révoltante des femmes victimes et impuissantes à faire valoir leurs droits et lutter contre la brutalité, la soumission qui conduisent au désarroi dans ces sociétés ou sont bafoués les droits de l’homme.


A titre d’exemple et de modèle, l’auteure choisit trois femmes qui tenteront de se révolter, Ramla, promise d’abord à un homme qu’elle aimait et qu’elle avait choisi pour voir ensuite son père changer d’avis et la marier pour une question d’intérêt à un riche commerçant, Safira, sa coépouse que le désespoir de se voir reléguée conduira à des actions qui ne seront pas sans conséquence, et Hindou, mariée de force à ce cousin violent et alcoolique qu’elle déteste. 


Trois portraits type qui exposent leur situation sans issue, tradition et soumission des femme tant financière que religieuse, sans instruction puisque cela aussi leur est plus que difficile d’accès, prises dans un engrenage de coutumes qu’elles n’osent pas contester face à l'institution que représente "la magnanime gent masculine" qui prend soin des épouses, les gâte, les nourrit, les protège et qui lui doit le respect.


Un récit à mettre entre toutes les mains, témoignage de cet esclavage moderne que bien sûr, l’on soupçonne, sans forcément réaliser ce qui se passe réellement. Je dois avouer que j’ai reçu une grosse claque en lisant ce roman que je ne suis pas près d’oublier.


Ce que je ressens à présent, c’est de l’impuissance et un grand questionnement : quand les choses bougeront elles et comment ? Sans doute grâce à de tels témoignages et dénonciation de ces violences faites aux femmes.

samedi 26 décembre 2020

 

Dans le ventre du Congo











Blaise Ndala

Ed Seuil


Blaise Ndala offre bien plus qu’un roman à travers cet écrit très dense, certes, mais d’une grande richesse : Histoire d’un Congo où de grands rois guerriers se succédèrent, obéissant à un protocole et à des règles émanant des Dieux et de la Nature, histoire du partage de ces terres, avec l’homme blanc responsable de la ségrégation dans les villes du pays, histoire du colonialisme, plus particulièrement de la colonisation du Congo.

 

Deux héroïnes, une foule de personnages, un méli-mélo parfois très casse-tête d’histoires, de parcours de personnages qui apparaissent, disparaissent pour réapparaître alors que l’on avait oublié leur identité et leur nom, des bons, des moins bons, des êtres respectueux d’autrui quelle que soit la couleur de peau, des individus qui n’aiment du Congo, que l’ivoire et le bois, des épisodes de sorcellerie, des prophéties, une fuite pour échapper à ces prédictions, qui se transforme ni plus ni moins en enlèvement, le tout sur un délicieux fond de rumba avec quelques discours et témoignages où un humour très fin transparaît pour le plaisir du lecteur.

 

Tout commence par une ébullition politique à Bruxelles, alors que se prépare l’Exposition universelle de 1958, Que l’on érige l’Atomium, et qu’il faut à tout prix présenter au public, un village congolais avec de vrais Congolais dont la princesse Tshala, fille du roi des Bakuba dont on perdra la trace.

 

Quelques années après, nous sommes en 2004, la nièce de Tshala arrive à Bruxelles et se met en recherche : elle promet à son grand-père de retrouver la trace de la princesse.

 

Deux itinéraires donc : d’abord celui de la princesse que l’on découvre dans la première partie, suivi de celui de la Nièce, Nyota qui ne cessera de louvoyer et de se battre pour comprendre ce qu’est devenu sa tante et retrouver les personnes qu'elle avait côtoyées.

 

Un écrit difficile à lire : beaucoup de personnage dont les noms aux consonnances congolaises sont souvent difficiles à retenir, parfois des individus qui surgissent d’on se sait où, car il est facile de perdre des informations importantes dans les méandres de ce récit.

 

Je dois avouer que j’ai parfois éprouvé des difficultés pour suivre le fil de cette histoire qui m’était étrangère parce qu’appartenant à une autre culture, mais je me suis accrochée par amour de la langue française : aucun doute, l’auteur manie la langue de Molière de façon tout à fait délicieuse, empruntant dans chaque partie, le style qui convient, ainsi l’on ressent l’agitation politique lors de la préparation de l’Exposition universelle, on se sent tout petit au récit de l’épopée des ancêtres de la princesse, on imagine parfaitement les personnages qui discourent qu’ils soient musicien virtuose de la rumba ou pygmée dans l’exposition. 

 

Bien au-delà des mots, Blaise Ndala a su partager son ressenti avec le lecteur, brisant la monotonie d’un récit qui aurait été trop long sans ces prouesses littéraires.

 

Je remercie Les éditions Seuil et Babélio pour ce partenariat

 

 

dimanche 20 décembre 2020

 

De bonnes raisons de mourir
















Morgan Audic

Ed Albin Michel, Livre de Poche.


Plus qu’un roman, et c’est là l’objectif de Morgan Audic : présenter au lecteur un thriller suffisamment complexe pour accrocher et faire de ce récit un page-turner, avec une double enquête, l’une officielle, travail d’un duo, Joseph Melnyk et Gallina Novak, jeune officier de police,  duo improbable par leurs réalités de vie qui diffèrent, l’autre que l’on pourrait qualifier de clandestine, œuvre de quelque obscur politicien véreux à souhait qui agit dans l’ombre pour satisfaire son désir de vengeance et qui emploie Alexandre Rybalko, ancien de Tchétchénie, séparé de sa femme et de sa fille, tête brûlée qui ne craint rien ni personne, et surtout pas la radioactivité ambiante.


 Ce qui est très intéressant, c’est de voir progresser les enquêteurs à leur rythme, de trouver des indices qui se complèteraient s’ils se rencontraient. C'est la un des avantages du lecteur, cette espèce d'ubiquité qui permet de se placer en spectateur des évolutions de chaque personnage).


Ce thriller très bien imaginé constitue une ligne directrice pour documenter le lecteur :

Nos deux policiers ont en effet été mutés dans la zone la plus dangereuse de cette pauvre Terre, après 1986, alors que des acteurs de l’apocalypse ont donné un avant-goût de ce que serait la fin des temps dans cette zone, désormais « no man’s land » où plus rien ne tournera jamais rond, où les organismes perturbés des êtres, humains, comme animaux,  ne constitueront plus jamais cette merveilleuse machine qui permet la vie, où la radioactivité demeurera pour encore des milliers d’années, ou l’on se livrera à des trafics en tous genres qui mettront en péril le reste du monde par l’intermédiaire des matériaux subtilisés dans cette zone, et qui seront revendus dans le monde entier, où des touristes morbides et voyeurs assoiffés d’extrême viennent constater les dégâts pour pouvoir se vanter d’avoir vu... 


Ce récit autour d’une des plus grandes catastrophes est l’élément principal qui fera de ce roman, un documentaire sérieux, on y révisera également des bribes de l’histoire de l’URSS, de la guerre froide, et de la situation après le morcellement à l’origine de la situation instable en Ukraine, le tout beaucoup plus digeste que si l’on devait ingurgiter un gros documentaire sur la question, ce qui ne m’a pas empêchée d’aller rechercher des informations supplémentaires en cours de lecture, particulièrement sur la guerre du Donbass.


Les personnages quant à eux, ont tous une histoire et quel que soit leur comportement, on comprendra parfaitement ce qui les a façonnés dans un pays ou règne la corruption, où, suite à un régime plus qu’autoritaire, on ne sache plus quelle conduite adopter, on ait perdu certains repères qui indiquaient le chemin de la sérénité.


Un roman édifiant, quoique difficile à digérer, même pour la lectrice de thriller que je suis, non pas à cause des meurtres de psychopathe auxquels on assiste, mais en raison de cette documentation sur Tchernobyl, qui m’a beaucoup appris mais qui hélas ne relève pas de la fiction et qui s’avère anxiogène bien que nécessaire pour informer et alerter le plus grand nombre.


Je terminerais par dire mon plus profond respect pour ces hommes qui sauvèrent la planète et qui sont morts dans l’ombre.

 

 

dimanche 13 décembre 2020

 Nickel Boys











Colson Whitehead

Ed Albin Michel - Audiolib



L’avenir semblait se tracer pour lui sans difficultés sur une route porteuse d’espoir, un garçon doué pour les études, à l’écoute des messages de paix de Martin Luther- King... 

Sa seule erreur : être noir dans l’Amérique des années soixante, plus particulièrement en Floride, où, bien que des lois aient été votées, que la ségrégation soit abolie, que les noirs étaient désormais sensés être considérés comme des américains à part entière, les mentalités évoluaient difficilement. 

Elwood se retrouve donc au mauvais endroit, au mauvais moment, et alors que la porte de l’université lui était grande ouverte, avec une promesse de belles études, c’est à la Nickel académie qu’il échoue, institut qui redresse les mauvais garçons, qui maltraite, affame, bat, tue... institut où au prix d’efforts surhumain, on peut progresser dans les échelons de la discipline pour espérer sortir de cet enfer. Et Elwood se souvient...

... Son passage à la maison blanche, lieu éloigné de l’établissement où l’on recevait les sanctions, la mauvaise nourriture donnée aux noirs, les promesses d’une liberté impossible à obtenir, les règlements de compte dont il ne fallait surtout pas se mêler, le symbolique match de boxe que les blancs devaient enfin remporter et à travers lequel l’auteur montre que cet institut était le reflet de ce qui se passait aux Etats-Unis à cette époque (et bien des années après !) , la pseudo liberté qui permettait de sortir pour aller travailler pour les blancs à moindre coût, les efforts désespérés de sa grand-mère pour le sortir de là... Un récit où la notion de temps semble de pas exister, ou les situations s’éternisent et empêchent de voir le bout du tunnel.

Un roman d’autant plus perturbant qu’il est fondé sur un fait réel : la Dozier School for boys en Floride sur le terrain de laquelle on découvrit dans les années 2010, un cimetière clandestin ou furent enterrés plusieurs dizaines d’élèves.


Un récit d’autant plus poignant qu’il est documenté, l’injustice envers l’être humain suintant à chaque page tournée, faisant de cet institut un véritable camp de concentration ou les noirs subissaient les châtiments de la part d’adultes revêtant leur cagoule le soir pour rejoindre les rangs du tristement célèbre Ku Klux Klan.


Des romans sur ce problème racial aux Etats-Unis, j’en ai lu quelques-uns, tous assez révoltants et mémorables, mais celui-ci est marquant et inoubliable.


Merci à Colson Whitehead pour ce récit si bien écrit qui mérite amplement son prix Pulitzer.

 

 

 


mercredi 9 décembre 2020

 L'atelier ombres et lumière












François Chetcuti

Ed Mango Jeunesse


Fabriquer des objets pour taquiner la lumière avec trois fois rien, voici donc ce que propose ce livret agréable au toucher avec sa couverture rigide et ses pages épaisses. 

Des boîtes lumineuses, des lanternes de jardin, des vitraux, des disques animés, sans oublier le théâtre d’ombres qui raviront petits et grands et occuperont parents et enfants des heures durant. Quelques activités demandent du matériel de récupération (briques, emballages), les autres demandent un matériel facile à se procurer. L’ouvrage est très bien expliqué et imagé, de sorte que l’on peut se référer aux photos si on rencontre des difficultés avec le texte.

Les réalisations sont généreusement présentées et donnent envie de s’activer pour obtenir des objets et décorations similaires.

La collection comporte d’autres exemplaires certainement très intéressants.

Je remercie les éditions Mango et Babélio pour cette belle découverte.