La mort est mon métier.
Robert Merle
Ed folio 1/06/1972
384 pages
Je ne pourrai retrouver une certaine paix intérieure que
lorsque j’aurai couché sur le papier mes réflexions au sujet de ce livre
effroyable, d’autant plus effroyable qu’il s’agit là d’une biographie romancée
et qu’on n’est pas dans le thriller, mais bien dans la description d’actions
réelles de la part de bourreaux qui surent mettre leur intelligence voire leur
génie au service du mal et de l’horreur.
Un écrit démodé après sa parution, parce que la littérature
concentrationnaire gênait des personnes qui avait vécu la seconde guerre
mondiale, et qui a toutefois survécu sans manquer de lecteurs, affirmera Robert
Merle parce que les personnes qui après les années 70 ont lu ce livre n’ont en
général pas vécu cet enfer. Il reste donc un écrit majeur et indispensable au
devoir de mémoire.
Cette biographie romancé nous livre le parcours de Rudolf
Hoess, commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau entre 1942 et 1945. Un
personnage que l’on ne peut absoudre mais dont le cheminement est concevable
quand on prend connaissance des éléments déterminants de son enfance. Une enfance
juste qu’à l’adolescence aux côtés d’un père qui entretient dans le milieu
familial, une austérité maladive, baignant ses enfants dans une pratique
religieuse de fanatique, faisant subir à l’enfant Rudolf, harcèlement et
mauvais traitement moral, lui demandant un comportement parfait afin qu’il
expie les fautes d’un géniteur obnubilé par la crainte de voir sa progéniture faire
ne serait-ce qu’un pas de travers, ce qui ne peut laisser un individu indemne.
Elevé dans un contexte d’obéissance absolue à un être supérieur,
il s’engage naturellement dans l’armée et devient un bon petit soldat qui
apprend à exécuter les ordres sans réfléchir, son chemin semble bien tracé. On remarquera
dès lors, une absence quasi totale d’empathie chez ce personnage et on
comprendra aisément les raisons pour lesquelles sa hiérarchie après la prise de
pouvoir d’Hitler, lui refusera une affectation sur le front russe pour lui
confier une « action spéciale », Himmler ayant constaté cette absence
d’émotion et cette obéissance aveugle à l’autorité supérieure.
Et l’horreur est décrite, mais cette fois, contrairement à
beaucoup d’écrits de cette littérature concentrationnaire, nous nous retrouvons
dans les coulisses, du côté organisateurs de l’enfer : les déportés ?
une gestion comme une autre, un cheptel que l’on envoie sans émotion vers l’abattoir,
des hommes, des femme, des enfants éliminés sans aucun remort. Ce qui devait
nécessiter une organisation sans faille.
Témoignage terrible que l’auteur a reconstitué en se
servant de documents issus des écrits du psychologue qui interrogea Rudolf Lang
(nom du personnage dans le livre) et des traces écrites laissées lors du procès
de Nuremberg.
Un écrit édifiant, quoique difficile à lire et qui ne peut
laisser indemne.