Pages

dimanche 27 mars 2022

 Le supplice de la banane




Madlena Szeliga, Emilia Dziubak, Cécile bocianowski (traduction)

Ed Albin Michel, 14/10/2020, 96 page



Mise en garde : Si vous êtes végétarien ou végan, vous risquez de devenir zérotariens à la lecture de ce livre, et ça risque de vous amener quelques légers problèmes de santé...

Il y est question de ce que l’on fait subir aux légumes et aux fruits lorsque l’on découpe, tranche, mouline, écrase, émince, ébouillante, cisaille, épluche... c’est vrai quand on y pense, on a là tout le champ lexical du tortionnaire !

Ainsi donc, l’auteur témoigne de la souffrance des végétaux : la carotte que l’on épluche lentement, que l’on écorche et dépèce, devrait-on dire, l’artichaut que l’on déshabille sans se poser d’ailleurs de question quant à  sa pudeur, et tout cela pour lui arracher le cœur ! Le chou que l’on décapite, que l’on désolidarise de sa racine, que l’on met dans un sac pour que sa tête roule et s’entrechoque avec les autres têtes de chou qui ne demandaient qu’à grandir, douillettement accrochées à leur racine, avez-vous seulement déjà prêté l’oreille aux cris affreux du chou que l’on commence à trancher ? et la framboise ?... Remarquez que la framboise n’a pas vraiment le temps de souffrir, elle est projetée sur des lames qui tournent à grande vitesse, et s’en est fini, ce n’est pas la déconfiture, mais la compote ! En parlant de compote, on devrait avoir beaucoup de respect pour la pomme que l’on mange vivante et que l’on cisaille et broie sous les terribles instruments que sont nos dents.

Bon j’arrête là la description des horreurs, mais je pose une question : peut-on continuer à s’horrifier lorsqu’on lit un bon thriller de type Granger et ne pas avoir une pensée pour ces pauvres fruits et légumes que l’on assassine et à qui on fait subir de tels supplices, encouragés par les médias qui nous recommandent d’en torturer au moins cinq par jour ?

Ce livre va apporter un changement radical dans ma vie ! fini de tourmenter les beautés de la création, je me tourne vers le régime minéral : briques à la sauce cailloux, fricassée de gravier et autres purées de vase (si si ! celle de la baie du Mont St Michel est très prisée !) Crumbles d’ardoises du lac de Guerlédan au sable et son coulis calcaire de Champagne... vous voyez, avec un peu d’imagination, on peut créer de belles recettes qui épargneront le massacre !

C’était ma minute délire, je me suis bien amusée grâce à ce livre original qui fera la joie des 7 à 99 ans.

lundi 21 mars 2022

Ar-Men

L'Enfer des enfers






Emmanuel Lepage
Ed Futuropolis, 16/11/2017, 96 pages


Là ou prend fin la terre, bien plus loin que la baie des Trépassés, plus loin encore que là où s’agitent les vagues du Raz de Sein capable d’engloutir hommes et bateaux, proche tout de même de la chaussée de Sein, là où les naufrages étaient monnaie courante, où, sous la main de l’homme est né un phare mythique : Ar-Men, baptisé à juste titre, l’Enfer des enfers, qui s’élève fièrement dans ce milieu hostile où de courageux ouvriers ont travaillé pour ériger ce titan lumineux, véritable prouesse humaine construite sur un rocher, dans une mer déchaînée.

C’est son histoire que nous conte Emmanuel Lepage dans cette superbe bande dessinée aux pages ocres et bleutées. Ce dessinateur de talent ne s’est pas contenté de raconter l’histoire du phare, de sa conception à sa construction, non, il y met son âme de Breton, y ajoute de bien belles légendes, enveloppe son récit de mystère, nous mêle aux difficiles conditions de vie des gardiens de phare, ces hommes solitaires et courageux, particulièrement Germain, le héros, peut-être pas gardien de phare par hasard...

Lecteurs qui passez par-là, plongez-vous dans ce livre passionnant, à vous la ville d’Ys et le roi Gradlon, faites connaissance de l’enfant de la mer, et prenez garde au Bag-Noz ou bateau de nuit, vaisseau fantôme qui vient chercher les trépassés. Mythe et vérité se mêlent, et Ar-Men devient alors beaucoup plus qu’un phare de pierre, il entre dans la légende du pays breton.

Pour compléter cette lecture, peut-être alors aurez-vous envie de venir voir la pointe sud de Bretagne riche de ses couchers de soleil magnifiques après lesquels, si vous observez bien, vous verrez au loin, s’allumer Ar-Men.

mardi 15 mars 2022

 Ubasute





Isabel Gutierrez

Ed La fosse aux ours, 19/08/21, 124 pages


Un livre à lire dans un endroit tranquille et paisible pour en goûter l’écriture et la savourer. Un livre poétique que, pour ma part, j’ai eu besoin de lire à voix haute pour m’imprégner de ce texte magnifique.

Un livre poignant, la fin d’une vie, et le déchirement, la séparation. Un court roman qui retrace la vie d’une femme qui se sait perdue, et qui, selon une tradition ancestrale japonaise, demande qu’on l’abandonne dans la montagne où elle vivra ses derniers instants. Elle va donc commencer une ascension, portée sur une chaise sanglée dans le dos de son fils. S’ensuivra un récit « confidence » de la mourante à son fils avec qui elle entre en communication. Et c’est dans cette situation extrême que les deux êtres parviendront sans doute à se comprendre.

C’est aussi le roman d’une vie, qui prend sa source dans le sein maternel, la vie d’une femme avec ses croyances, ses choix, son amour, sa relation avec ses parents, ses deuils, les émotions qu’elle justifie, les souffrances qu’elle décrit.

Un roman très original et très bien écrit, et dont la lecture a été perturbée parce que je ne comprends pas, et c’est peut-être une question stupide, pourquoi Marie, de culture Européenne, vraisemblablement française si l’on en juge par les prénoms des personnages, respectera rigoureusement une tradition japonaise alors que rien dans le roman, ne laisse supposer une quelconque relation entre l’héroïne et l’empire du soleil levant. Ce fait est venu parasiter ma lecture, d’autant plus que l’on est en droit de se sentir éprouvé par la dureté de cette coutume qui exige d’un enfant devenu adulte, qu’il emmène sa mère pour un voyage sans retour. C’est certainement ce qui fait de ce récit, un roman marquant et qui ne laisse pas indemne, un roman qui amène à se poser maintes questions en cours de lecture. Un premier roman que je ne regrette pas d’avoir lu.

lundi 14 mars 2022

 Le carnet des rancunes












Jacques Expert

Ed Calmann Lévy, 2/02/22, 414 pages


On assiste donc aux vengeances multiples d’un personnage bien hors du commun : il nourrit des rancunes à l’égard des gens qui, depuis cinquante ans, ont gravement menacé son équilibre et son estime de soi.

Amusant au départ, on a bien envie de sourire à certaines vengeances, on a presque envie d’admirer son art de foutre la pagaille dans une familles, puis on se dit que c’est quand même curieux, cette collection de préjudices graves qui amène un individu à blacklister de la sorte, pas très équilibré tout cela ! Mais bon, pourquoi pas ? C’est un roman après-tout ! Et l’on poursuit, comme capté par le roman de façon parfois malsaine, on a envie de connaître le dénouement, surtout quand on vous annonce que la faute de cet homme, celui qu’on garde pour la fin afin de savourer une vengeance aux petits oignons, est gravissime. Qu’a-t-il pu bien faire pour attiser de la sorte un désir de vengeance impitoyable ?

De l’amusement et du suspens, oui, au début et jusque vers le milieu, puis de la longueur, normal quand le héros fait figure de chat qui joue avec sa proie, mais longuet tout de même, avec trop de répétitions, un amour parfait au-delà du raisonnable, y a un truc...

Un bon moment de lecture d’un roman divertissant, mais à mon humble avis, de qualité moyenne : si le plan semble construit de façon rigoureuse et bien pensé, n’y cherchons pas une écriture ciselée.

Je vais toutefois, par curiosité, me pencher sur les autres romans de cet auteur.

samedi 5 mars 2022

 Le sang des Belasko












Chrystel Duchamp

Ed l'Archipel, 14/01/21, 240 pages



Gros coup de cœur !

A l’heure où je commence à écrire ces lignes, je n’ai pas encore terminé la lecture de ce roman, pourquoi ? me demanderez-vous à juste titre !  Parce que, fascinée par ce récit que je me suis décidée à poursuivre entre quatre et six heures du matin, j’ai fait un choix : celui de garder les quarante dernières pages pour plus tard, histoire de faire durer le plaisir.

Ce roman est entré en possession de ma personne, j’ai laissé pénétrer le mystère, la violence, les états d’esprit des personnages, véritables bombes à retardement dont l’explosion était programmée de longue date, et dont la mise sous pression avaient commencé dès la naissance sans doute : hostilités dans la fratrie, peut-être provoquées par les géniteurs, interdictions non comprises par les enfants, cave énigmatique épaississant le mystère, maison vivante et maléfique, qui retient les âmes prisonnières, forçant frères et sœur à un huit clos bien angoissant, parcours chaotique des uns, échec des autres, et l’auteur donne au lecteur, l’occasion de « gratter le vernis » pour s’apercevoir que personne n’est innocent, ni coupable d’ailleurs.

Je crois que relisant ce que je viens d’écrire, je ne peux m’empêcher de retourner vers ce livre qui a encore des vérités à me confier.

La lecture est maintenant terminée, les quarante dernières pages m‘ont encore beaucoup appris. Je connais à présent le lourd secret de la famille Belasko. Mais une question subsiste : malédiction , gènes ou manipulation ? Me poser cette question me rappelle agréablement le livre que je viens de refermer.

Je crois que je vais me procurer les autres livres de cette autrice géniale, capable d’écrire de tels romans dont l’action est étudiée avec tant de minutie. Une grande artiste de l’écriture !

 

 

mercredi 2 mars 2022

 Dix âmes, pas plus







Ragnar Jonasson
ed Martinière, 14/01/22, 352 pages


Qu’est ce qui a bien pu l’amener à rompre avec son amie, sa mère, ses habitudes ? un choix de vie ? son destin tout simplement ? Il fallait toute de même de sérieuse motivation pour aller dans ce coin perdu au milieu de nulle-part, là où les éléments sont capables de se déchaîner, forçant les gens à s’enfermer, là où elle allait être ravitaillée par les corbeaux, là où elle espérait rencontrer une communauté accueillante dans ce village de Skalar, isolé au fin fond de l’Islande.

Accueillie par une femme sympathique, elle se voit confier un poste d’enseignante dans une classe de deux élèves, deux petites filles. Mais si l’accueil du premier jour est correct, elle devra être acceptée par certains personnages plutôt antipathiques, elle aura a sonder les dix âmes présentes sur ce territoire, elle entendra des témoignages, vrais ou pas, elle sentira bien le non-dit chez ces gens-là.

Oui c’est vrai, de l’action, il y en a peu, et c’est ce qui fait le charme de ce roman, pas vraiment angoissant sauf peut-être pour notre héroïne qui sera le témoin d’événement surnaturels, qui devra forcer des portes afin de percer le mystère qui plane sur ce bout de terre glacée.

Les passages en italique, peut-être destinés à fournir des indices m’ont plutôt agacée et j’ai fini par les lire très rapidement, estimant qu’ils apportaient bien peu au roman.

Bon roman d’ambiance avec une fin trop rapide qu’on dirait expédiée pour en terminer avec le récit, une résolution trop facile et une conversion des habitants sans transition. C’est dommage.

Je n’ai toutefois pas été trop déçue par le dénouement. Un livre qui se lit rapidement et ne demande pas trop d’efforts, sauf peut-être pour la mémorisation des noms propres.