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jeudi 25 juillet 2024

 

Perséphone












Benjamin Carteret

Ed Charleston, 20/03/2024, 624 pages

Je viens de terminer un très, très, très, très gros coup de cœur ! je sors de cette lecture, la tête dans l’olympe, sous le charme des Dieux (certains, pas tous), et ma tête regorge de culture mythologique.

J’ai eu la chance de rencontrer l’auteur, Benjamin Carteret, un jeune écrivain qui nous promet de très belles heures de lecture s’il poursuit en ce sens ! La table ronde à laquelle j’avais assisté m’avait déjà mise en appétit face à ce roman que je n’avais pas encore ouvert. C’est un premier roman qui révèle le caractère titanesque du travail de l'auteur.

Dès les premières pages, j’ai senti que j’allais passer de confortables moments de lecture, retrouvant l’ambiance de Circé, d’amour et Psyché et autres récits où mortels et Dieux mêlent leurs vies où le récit fait la part belle au fantastique, un fantastique de toute beauté, fait de fleurs et de feu, de foudre et de magie. Baigné dans le divin, on ne sera pas surpris des querelles intestines de nos Dieux engendrés par la jalousie d’Héra, la fourberie d’Hermès, la toute-puissance de Zeus.

Pour entrer dans l’histoire, il vous faudra vous rappeler la genèse du monde bien qu’elle soit rappelée à travers les paroles des divinités : au commencement, était Chaos qui donna naissance à l’Erèbe (obscurité) et Nyx (la nuit), Chaos à qui succèderont Gaïa (Terre) et Ouranos (Ciel), Chronos, né de l’union de Ciel et Terre, qui trancha le sexe d’Ouranos pour libérer Gaïa.

Sans ces divinités, pas de Déméter, pas de Perséphone, pas d’Hadès, Divinités de Terre, opposées aux divinités du ciel sur lequel règne Zeus qui interdit la langue de Terre, officialise la langue du Ciel et assure la domination du ciel sur toutes choses.

Puis l’on s’attache à deux êtres divins : Déméter, fille de Chronos et Rhéa, et sa fille Korê, future Perséphone, dans leur travail en lien étroit avec Gaïa, dans leur révolte contre la domination de Zeus, dans leur errance. Suivre l’évolution de Korê/Perséphone est un plaisir de chaque instant, on y verra le travail, la volonté, le féminisme avant l’heure, la rébellion d’une immortelle qui ne manque ni d’intelligence, ni de personnalité.

J’ai eu, par moment l’impression d’assister au débat de nos politiques : intrigues, jalousie, coups bas, manigances, criminalité, ces Dieux ne sont pas des être d’amour et de miséricorde, et bien que les fleurs poussent sous les pas de la déesse du printemps, on n’est pas au pays des bisounours, d’autant plus qu’une grande partie du roman se passe dans l’Hadès. Certains passages sont grandioses et fascinants.

Concernant la mythologie, j’ai été comblée par les connaissances mythologiques dispensées dans cet écrit : jamais je n’avais lu autant de détails sur les enfers et leurs différents territoires, sur le parcours des âmes, sur les êtres qui habitent ces terres. Je ne connaissais pas non plus certaines créatures rencontrées dans le roman, j’ai d’ailleurs photocopié la cosmogonie d’Hésiode que j’ai consultée à maintes reprises pour situer les personnages et comprendre la généalogie des Dieux. Je vous conseille de faire de même.

Un dernier petit mot sur un aspect du livre cher à Benjamin Carteret et que l’on retrouve tout au long du livre : le miracle de la parole performative qui sied si bien aux divinités et leur confère la toute-puissance, le fait qu’une action, qu’un fait se réalise du fait même de son énonciation. Cela donne aux héros un pouvoir immense que l’on ressent aisément.

Si vous aimez la mythologie, ne passez pas à côté de ce livre qui est une merveille. Merci à Benjamin Carteret de nous régaler de la sorte.

samedi 13 juillet 2024

 

Le gardien de Téhéran













Stéphanie Pérez,

Ed Plon, 6/09/2023, 240 pages


J’ai apprécié ce livre toutefois j’ai le sentiment d’être mitigée, j’ai donc eu besoin d’un temps de réflexion avant de pouvoir écrire cette critique car quelque chose me gêne dans ce roman. Peut-être ai-je eu des difficultés à cerner l’objectif de l’autrice : voulait-elle raconter l’histoire d’Iran, la dictature des pahlavis et la terrible révolution islamique ?

Voulait-elle parler simplement d’œuvres d’art célèbres ? désirait-elle mettre en valeur ces peintures par contraste avec l’ignorance des mollahs ? Je n’ai aucune réponse à ces questions.

Le roman n’en demeure pas moins intéressant même si ce ne sont pas les peintures qui m’ont interpellée, car il se trouve que lorsque le Shah d’Iran a été exilé, et que l’ayatollah Khomeini a pris le pouvoir, j’étais ado et je ne m’intéressais pas plus que cela à l’actualité. Toutefois la révolution islamique, on ne pouvait pas passer à côté, j’ai le souvenir d’image effroyable dans le journal : femme accroupies, voilées, corps dissimulé sous l’étoffe grise ou noire, le rouge étant interdit, (c’est d’ailleurs la première fois que j’entendais parler de Tchador) , réduites au silence. Dans ce récit, l’auteur s’applique à mettre en évidence les horreurs vécues par le peuple iranien : plus personne ne voulait du Shah, de son indécent mode de vie luxueux et de sa dictature, tous ont espéré la démocratie qu’ils n’ont jamais vu venir. Les peintures, comme tout le reste de la culture sont voués à l’oubli, la musique est interdite.

Le personnage principal, Cyrus, personnage fictif dont j’ai apprécié la sensibilité, sera créé pour faire le lien entre deux mondes : le monde des arts et le monde politico-religieux du pays. Un personnage qui apparaît bien taciturne, sans personnalité du moins le croit-on, c’est sans doute ce qui lui permettra de survivre aux crises, d’esquiver les coups, et, personnage silencieux et ouvert, de s’éveiller à un monde qu’il ne connaît pas, le monde de Picasso, Warhol, Gauguin et beaucoup d’autres.

Une dernière question que je me pose, c’est de savoir si l’environnement était bien choisi ? Sans doute, car il fallait que les œuvres soient menacées de destruction pour que l’on comprenne leur importance, mais je trouve tout de même que la révolution et la violence décrite ainsi que le bain de sang estompe la problématique de l’art. Il faut donc se focaliser sur le musée et ses œuvres pour pouvoir apprécier la description des toiles, leur histoire, leur valeur.

Je vous ai livré ma pensée sur un roman à lire, un roman que l’on aborde avec son ressenti, un beau roman que je suis heureuse d’avoir découvert.

samedi 6 juillet 2024

 

La chambre des diablesses












Isabelle Dusquesnoy

Ed Pocket, 2/02/2023, 448 pages


Encore un coup de cœur, ce qui ne m’étonne guère car j’avais déjà beaucoup aimé l’embaumeur, roman historique, une littérature que j’apprécie particulièrement, mais cette fois il s’agit de beaucoup plus qu’un roman s’inscrivant dans une période donnée : Isabelle Duquesnoy livre en détail, un événement : l’affaire des poisons dont on parle encore de nos jours, et un personnage : Catherine Monvoisin, dite la Voisin, sage-femme (on devra plutôt dans son cas, la qualifier d’accoucheuse, avorteuse, puis diseuse de bonne aventure, guérisseuse, sorcière, et empoisonneuse, cette dernière fonction, on l’apprendra en lisant son histoire, sera celle qui fera sa célébrité des siècles après son trépas sur le bûcher en ce 22 février 1680.

L’histoire commence à cette date précise, et dès les premières lignes, le ton est donné, le personnage cerné : une femme au vocabulaire riche, peut-être pas celui auquel on s’attend quand on sait qu’elle fréquente le milieu mondain de l’époque, un vocabulaire fleuri, de ceux qui font sourire par la richesse des expressions dont on devine sans difficulté le sens, même lorsqu’on ignorait de telles expressions.


Premier point d’accroche du lecteur : un humour noir qui n’est pas sans rappeler les propos des personnages de Michel Folco (un loup est un loup, et les tomes suivants).


Mais le personnage de la Voisin ne se réduit pas à son langage, on comprendra entre les lignes combien son intelligence lui permettra d’improviser des solutions adaptées à ses clients, combien elle saura tirer profit de la nature et de tout ce que celle-ci lui offrira pour son commerce.


Personnage ambigu, capable de se dévouer pour guérir, elle n’a toutefois qu’une idée en tête : s’enrichir sur le dos des gens de la noblesse. La fin justifiant les moyens, elle deviendra experte dans la fabrication de philtres en tous genres, fabriqué à partir de substances secrètes qu’il valait mieux éviter de porter à la connaissance de la clientèle, se livrera avec son compère l’abbé Guibourg, prêtre défroqué, tout ce que l’on peut rencontrer de plus corrompu, à des messes noires et des trafics d’enfants de la rue.


Je ne parlerai pas de ses nombreux amants mais j’ai trouvé que cela apportait encore du « croustillant » à cet exposé passionnant que nous offre l’autrice.


Question histoire, le livre contient vraiment de quoi rassasier tout lecteur féru d’histoire, les personnages ont réellement existé, une partie du récit racontant l’histoire de la voisin, une autre apportant des connaissances sur sa fille, Marie-Marguerite, emprisonnée suite à la condamnation de sa mère, et du fond de sa cellule, adresse des lettres à M de la Reynie, lieutenant de police redouté de la population, dans le but de se disculper de crimes dont on l’accuse, sa seule erreur étant sans doute d’être né dans un milieu propice à la sorcellerie, et d’être devenue malgré elle, assistance de l’empoisonneuse.

La chambre des diablesses est un tribunal créé par Louis XIV afin de mettre fin au scandale des empoisonnements allant jusqu’à le viser. Lire ce roman est une belle manière d’approfondir ses connaissances sur cet événement. Quelques documents ajoutés à l’exposé permettent de constater que les faits ne sont pas le fruit de l’invention de l’autrice. J’ai particulièrement aimé l’exposé que fait la Voisin à sa fille sur la condition de la femme à cette époque, qu’elle soit issue du milieu aisé ou non.

Un livre que je conseille vivement, sauf si l’on craint de ne pas supporter quelques scènes bien trashs. On réalisera que la violence quotidienne dans la population de l’époque était largement supérieure à celle d’aujourd’hui. Les gens étaient ils plus « durs » et plus à même de la supporter ? c’est une question que je continue à me poser.

samedi 22 juin 2024

 

Petites choses












Benoît Coquil

Ed Rivages, 23/08/2023, 224 pages


On n’imagine pas que de si petites choses puisse provoquer un tel ouragan dans le monde entier, et déchaîner de telles passions, et pourtant ! Si l’auteur nous offre un roman écrit sur un mode « effet papillon », c’est que le sujet s’y prête aisément, voyez plutôt :

Si Gordon Wasson, banquier à l’origine, et que rien de prédisposait à s’intéresser aux champignons, ne s’était pas intéressé au sujet, sa femme, Tina,  le qualifiant de mycophobe, si un très léger désaccord, dans ce couple uni, ne s’était pas invité  au sujet des mycètes, si Tina, d’origine russe, pour qui les champignons n’auraient aucune difficulté à devenir une religion, n’avait pas commencé à rassembler ses connaissances dans un livre sur les champignons, s’il n’avaient pas entendu parler du psilocybe utilisé pas les chamanes pour ses pouvoirs hallucinogènes, il ne se seraient sans doute jamais décidés à partir à la conquête du champignons dans les montagnes mazatèques ou les reçoit la chamane María Sabina. Je tais la suite, mais sachez que notre héros, le psilocybe possède une belle destinée…

Cette petite chose, vous l’avez déjà rencontrée en vous promenant, vous l’avez peut-être même prise en photo, car sa présentation en « grappe » produit un très bel effet esthétique, il possède vraiment toutes les qualités pour devenir une star internationale. Je ne l’aurais jamais cru !

Benoît Coquil dans cet écrit, biographie et exposé bien romancés, a vraiment su capter l’attention du lecteur : deux êtres dont le parcours est digne d’intérêt, un sujet qui déchaînera des passions, un constat sur le devenir d’un groupe humain perdu au milieu de nulle part, une excellente documentation, tous les ingrédients d’un très bon récit sont présents.

Je conseille ce roman qui mérite d’être lu par le plus grand nombre, on y apprend beaucoup.

A propos, êtes-vous mycophile ou mycophobe ?

lundi 17 juin 2024

 

La guérison des daltons












Goscinny et Morris

Ed Dargaud, 28/06/2001, 48 pages


Nous sommes au New-York scientific institute, Le professeur Otto Himbeergeist arrive d’Europe pour exposer sa théorie : tous les criminels sont des malades susceptibles de guérison. Il fait le pari de guérir les bandits les plus notoires et demande de rencontrer quelques spécimens dont le far-West regorge… Et là, on a une petite idée de la suite, surtout quand on voit notre héros confié au cow-boy solitaire le plus qualifié pour choisir des patients.

Et qui seront ces patients ? Nos célèbres bandits, ceux qui sèment la terreur dans l’Ouest : les Daltons…

La caricature commence dès le début avec un psychologue qui s’adresse aux individus qu’il rencontre en les amenant à parler de leur enfance, et qui les retourne comme des crêpes, avant de rencontrer Lucky Luke et nos célèbres despérados : un Jo plus teigneux que jamais, un Averell toujours très affamé, une bande des quatre en pleine forme.

Un volet sans surprise en ce qui concerne les gags qui font tout de même rire : gourmandise et bêtise du plus grand, extrême nervosité du cerveau de la famille, un Lucky Luke imperturbable et résistant à toute analyse, qui a tout de même quelques soucis avec son cheval, sans oublier Rantanplan qui nous sert quelques réjouissances de son cru. On sourit face aux récits d’enfance des Daltons, des banquiers, des piliers de bar, des directeurs de prison.

Une fin prévisible signée par des auteurs décidés à divertir les lecteurs jusqu’à la dernière page.

Un bon scénario à la Goscinny !

dimanche 16 juin 2024

 

L'inuite












Mo Malo

Ed Martinière BL, 5/04/2024, 416 pages


Je me suis lancée dans cette lecture en pensant qu’il s’agissait d’un thriller. J’ai donc attendu longtemps, les scènes qui allaient me faire frémir, attiser ma curiosité, j’aurais voulu me retrouver aspirée dans le roman, mais rien de tout cela… Il s’agit plutôt d’un policier assez classique, un très bon policier que je ne regrette pas d’avoir découvert.

Il met en scène pas moins de trois personnages principaux : Bjorn Westen, policier inuit, Tim ostersan, policier danois, et notre héroïne, celle que l’on appelle « l’inuite » sage-femme aux origines mystérieuses.

Trois meurtres font l’objet des investigations : un meurtre perpétré au Danemark, deux assassinats commis dans une petite ville du Groenland.

Pour ajouter une note de stress la lecture, l’auteur imagine que les deux enquêteurs ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête : remaniement de l’organisation de la police décidé plus haut, il serait bon que Bjorn fasse ses preuves, tentative d’éviction de Tim, on lui confie une affaire non résolue et classée, du moins le croit on…

Ces enquêtes qui se croisent et s’entremêlent ne sont qu’un prétexte, car l’intérêt du roman réside dans la culture inuite et son cortège de coutumes, de superstitions, de liens familiaux, on est donc très vite introduit dans ce froid pays blanc, et informés du scandale des vingt-deux enfants inuits séparés de leur famille dans les années 50, dans le but de les « éduquer » à la mode danoise et donc de les priver de leur culture.

 J’ai parfois ressenti de l’ennui quand le texte s’éloignait de l’enquête pour exposer le ressenti des personnages, et pourtant ces passages étaient indispensables à la compréhension de cette société particulière dont les tempéraments sont sculptés par le grand froid et les conditions de vie difficiles.

Une qualité pour s’assurer d’une lecture efficace dans ce roman : la concentration et la mémorisation des noms : beaucoup de noms inuits et danois, de nombreux personnages dont les prénoms se répètent de génération en génération, de quoi s’y perdre, j’ai d’ailleurs à plusieurs reprise fait marche arrière dans le livre pour être certaine de bien comprendre.

Cela faisait longtemps que je désirais lire un roman de Mo Malo, voilà qui est fait, toutefois je ne suis pas certaine d’avoir commencé par ce dernier roman, je pense donc m’attaquer aux premiers.

J’aime beaucoup ces romans des pays froids où le chamanisme est toujours actif, ce qui donne au récit une petite part de mystère et un soupçon de fantastique.


#LINUITE #NetGalleyFrance 

lundi 3 juin 2024

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Les trente-six chats de Marie Tatin




Sylvie Chausse, François Crozat

Ed Milan, 1/09/2009, 26 pages


Marie Tatin est une adorable grand-mère qui vit dans une maison impeccable où tout brille et où règne l’ordre et où la poussière n’est pas la bienvenue. Marie Tatin confectionne de merveilleuses tartes, mais hélas, elle n’a pas personne à qui parler et faire goûter ses tartes. Elle a bien du « chat-grin ! Elle va voir la cartomancienne qui la conseille : elle doit préparer un plat à la plaine lune, le poser sur sa terrasse et dire trente-six fois « Minou »

Elle se chat-rge donc de concocter le plat magique.

Alors trente-six minets arrivent pour faire la fête avec Marie qui décide de leur proposer une de ses bonnes tartes…

A que voilà un album chat-rmant aux couleurs chat-oyantes même si dans la maison, tout chat-vire : ça chat-hute, ça se chat-ouille, ça se chat-maille, quel chat-rivari ! … Un album à lire pour apprécier la belle histoire de Marie Tatin, mais aussi pour le plaisir des yeux : des chats, des chats et encore des chats. Les amateurs de la gent féline y prendront du plaisir !