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lundi 21 octobre 2024

 

L’enfant rivière












Isabelle Amonou,

Ed Dalva, 5/01/2023, 304 pages


Si le roman débute par la description d’une situation plutôt angoissante, une inquiétude liée au réchauffement dans un pays proche de la calotte glaciaire et bien placé pour avoir à gérer les crues du St Laurent, ce qui apporte un élément de plus à cette dystopie, les difficultés vécues par la population  sont d’une toute autre nature que je tairais afin de ne pas divulgâcher, il faut juste savoir que le lecteur aura deux centres d’intérêt : la situation globale dans une région en détresse, et la perte de Nathan, disparu à l’âge de quatre ans par une mère que ne peut parvenir à faire le deuil.

L’héroïne zoé, se révèle être un personnage très intéressant : descendante des algonquins par sa mère, et bien que reniant cette origine, elle possède les qualités d’une femme élevée en pleine nature, chasseuse, sachant apprivoiser le terrain quel qu’il soit, capable de manier les armes avec dextérité, contrairement à ce mari de retour après quelques années passée en France, revenu à l’occasion de l’enterrement de son propre père.

Bien que riche en informations en tous genres : origine de Zoé, alcoolisme d’une mère algonquine qui dut renier sa culture et oublier sa langue, présence massive de migrants dans le pays, tensions du couple avant la séparation, enfance difficile de l’héroïne liée à des difficultés de communication avec le père, L’ensemble du roman m’a tout de même paru long : beaucoup de dilution qui rend la lecture interminable. Quelques scènes cependant, ont retenu mon attention, scènes parfois violentes.

Mon conseil de lecture : bien lire les passages décrivant les relations entre les personnages ainsi que le portrait moral de ces personnages, cela peut aider à comprendre beaucoup en ce qui concerne la disparition de l’enfant.

De ce roman il me restera l’essentiel, je ne regrette donc pas de l’avoir découvert.

jeudi 17 octobre 2024

 

Les gratitudes











Delphine de Vigan

Ed JC Lattès, 6/03/2019, 192 pages, 



Ce merveilleux roman m’a happée dès les premières lignes, d’abord parce qu’il introduit dès le départ la notion de « gratitude », ensuite parce que je me suis très rapidement attachée à cette charmante personne, Michka que l’on a envie de protéger, d’aider, qui, malgré ses difficultés de communication, transmet son ressenti par le canal du « non-dit » ainsi que par les opinions qu’elle partage en toute discrétion. Petite violette discrète au milieu des herbes hautes, elle nous amène à faire plus ample connaissance de Marie, sa voisine, de Jérôme, orthophoniste.

Les personnages posés, on se retrouve confronté à des situations que nous avons connues ou que nous connaîtrons : la difficulté de se voir vieillir, de perdre sa mémoire, et dans le cas de Michka, ses mots, une difficulté de restitution des idées malgré une tête encore pensante capable de lire le Monde, capable d’évaluer les épreuves subies par son entourage. Et puis vient l’épreuve du placement en maison de retraite qui ne peut laisser indifférent : savoir que la personne va devoir abandonner son milieu de vie, son confort, devoir faire des concessions, accepter de partager sa vie avec des personnes qui lui sont étrangères, tout recommencer à un âge ou on ne devrait pas avoir à s’adapter à nouveau…

Le tout repose sur un lit de gratitudes, comme le dit si bien Delphine de Vigan, car chaque personnage dans cette histoire, réalise le devoir qui est le sien : la reconnaissance : reconnaissance de Marie, à qui Michka a autrefois tendu la main, reconnaissance de Jérôme à l'égard de Michka  qui lui suggère d'exprimer ses regrets, reconnaissance de Michka  à la recherche de son passé et épaulée par Marie et Jérôme.

Un beau roman où se côtoient, douceur et violence, bonheur et amertume sur fond d’une belle délicatesse.

Je regrette de n’avoir pas fait plus vite cette magnifique découverte !

dimanche 6 octobre 2024

 Les âmes fragmentées













Charlotte Monserrat

Ed Anne Carrière, 3/02/2023, 246 pages


Ce livre nous emmène dans un monde qui peut faire frémir parce que pas si éloigné que le monde dans lequel nous vivons. Bien sûr, nous ne sommes pas encore rémunérés en unités carbones, et nous n’avons absolument pas la possibilité de déflorer la mémoire d’autrui, mais ce monde décrit par Charlotte Monserrat semble bien être l’aboutissement de situations comme nous en connaissons aujourd’hui. Ce monde, on le découvre très progressivement, par informations insérées dans le récit avec parcimonie, ce qui donne une certaine finesse au roman et brise la monotonie que l’on pourrait ressentir à la lecture de certains passages, notamment un passage un peu ésotérique décrivant une cérémonie avec pratique chamanique.

Bienvenue dans ce monde ou, point positif, l’homophobie n’existe pas, bienvenue dans un monde où la richesse est plutôt rare, ou la pauvreté est répandue, où manger varié est un luxe.

Et puis il y a une intrigue : Véro, notre héroïne qui « dérushe » les sphères pour extraire les mémoires de défunts qu’elles renferment, observe sa propre personne dans des scènes érotiques avec le docteur Becker, inventeur du procédé qui permet de capturer les mémoires. Becker, bien que s’étant suicidé, est toujours au cœur des polémiques. On accompagne donc notre héroïne dans sa recherche de la vérité, déterminée à élucider les mystères qui portent atteinte à son identité, qui occultent les raisons qui expliquent certains de ses choix, qui l’empêchent d’être elle-même. Si l’on constate que les personnages sont plutôt statiques en début de roman, on constatera que l’action se fait plus rapide voire violente à l’approche du dénouement.

Ce livre en dit long sur l’importance de l’identité, sur le non-dit, sur le nécessaire travail de deuil.

Un bon roman qui analyse en profondeur, les réactions des individus.

 

 

samedi 21 septembre 2024

 Ce qu'il reste à faire













Marie de Chassey,

Ed Alma, 1/09/2023, 144 pages


Ce qu’il reste à faire, c’est écrire un billet sur ce roman que j’ai trouvé déprimant au point de ne pas le lire avant de m’endormir au risque de passer une mauvaise nuit. Il est court, heureusement, car je crois que j’aurais abandonné avant la fin.

Un roman déprimant au cours duquel on assiste à la progression d’un cancer incurable et agressif, chez une jeune femme qui n’a pas 25 ans, d’autant plus déprimant que la narration reste à un niveau descriptif, sans dialogue, un roman dans lequel on n’insuffle de la vie que dans les faits et gestes de la mère, Florence, qui s’agite, range, cuisine, fait des choix pour sa fille qui ne semble plus n’être que sa chose.

Je comprends tout de même que l’auteure souhaite partager le quotidien d’une femme qui masque son anxiété par l’action, qui expose les douloureux moments que l’on partage face à la maladie, face au deuil inévitable, face à l’impuissance de l’entourage à soulager la patiente, face au refus de la voir quitter le foyer pour l’hôpital.

J’ai lu ce roman parce qu’il faisait partie de la sélection des 68 premières fois, je n’aurais certainement pas, de moi-même, cherché à le lire.

Question de tempérament et de choix de lecture.

 

Notre Dame de Paris












Georges Bess, 

Ed Glénat, 8/11/2023, 208 pages.


Enthousiasmée par les critiques de cette bande dessinée, je me suis empressée de la réserver dans ma bibliothèque préférée. J’ai accueilli ce lourd volume avec quelques doutes : noire et blanc, épais, j’ai mis du temps à me décider à l’ouvrir.

Le charme a cependant opéré dès les premières pages, face à ces somptueuses planches dépourvues de couleur certes, mais si belles, aux personnages si vivants, aux visages tellement expressifs !

Je me suis replongée dans l’histoire d’Esmeralda, roman que j’ai dévoré voici quelques années maintenant, mais resté si présent dans ma mémoire, l’une de mes œuvres favorites et je me suis sentie rapidement à mon aise, la bande dessinée me rappelant certains passages ou certains personnages que j’avais oubliés, et me permettant de revivre d’autres épisodes que j’avais appréciés.

Le scénario me paraît fidèle au roman, j’ai eu quelques doutes sur les tours auxquels pouvait se livrer la petite chèvre d’Esméralda, mais en sollicitant ma mémoire, il me semble qu’il ne s’agit aucunement de l’imagination de l’auteur.

Les personnages sont en revanche moins beaux que ce que j’imaginais, ce fait est sans doute dû à l’influence de la comédie musicale, il ne faut pas espérer voir évoluer le poète Gringoire sous les traits du beau Bruno Pelletier, celui de George Bess possède les traits des individus de l’époque, et il n’est pas très attirant, Phoebus apparaît comme une brute sans finesse, Frollo porte sur lui un air sournois qui lui va à ravir, quasimodo est très réussi, Clopin est parfaitement imaginé, immense, puissant, dominateur et Esméralda... divine.

Le dessin est ciselé et d'une finesse inouïe, les vues superbes.

Cette bande dessinée est une merveille qui m’a donné envie de relire le roman, et de me procurer cette œuvre d'art qui mérite de faire partie de ma bédéthèque !

 

dimanche 8 septembre 2024

 Ce que je sais de toi













Eric Chacour,

Ed Philippe Rey, 24/08/2023, 302 pages



J’aurais pu refermer ce roman après quelques pages parcourues, l’emploi de la deuxième personne du singulier perturbant chez moi,  la prise d’information, moi qui ai parfois tant de difficulté à pénétrer au cœur des livres. J’ai donc insisté et je pense avoir eu raison. Le « tu » s’estompe tout en captant l’attention du lecteur : tu, cela signifie que l’on est en présence d’un témoin, mais qui est-il ? il faut arriver dans la deuxième moitié du récit pour le découvrir, bien que quelques indices rares et noyés dans le tout peuvent permettre de se faire une idée, c’est le côté quelque peu mystérieux que j’ai apprécié.

L’histoire en elle-même a excité ma curiosité, le contexte faisant office de terreau qui allait précipiter l’action : l’Egypte, la guerre des 6 jours, l’arrivée des salafistes, le brassage de population de ce pays, les coutumes et les mœurs qui interdisent toute ce qui est supposé être déviance.

C’est dans ce contexte qu’évolue Tarek, médecin qui consacre une partie de son temps au service des plus démunis dans le quartier des chiffonniers du Caire, là où débute l’intrigue. On le verra évoluer.

Roman original dans la présentation des personnages : le héros, Tarek, semble ne faire que passer, il agit un peu comme un acteur de film muet, se révolte -t-il ? oui, ressent-il de l’amour ? Oui,  mais c’est le témoin expose ses sentiments, qui décrit la société, prison sociale ou l’on se marie, ou l’on vit dans une communauté forte des règles que l’on ne peut transgresser sans se brûler les ailes.

La deuxième partie du roman m’a tout de même paru longue, avec beaucoup plus de passage décrivant la psychologie du personnage, ses décisions, sa recherche de la vérité.

Le roman termine sur une note apaisante.

Un très beau premier roman à l’écriture ciselée que je conseille vivement.

jeudi 29 août 2024

 

Les armes de la lumière












Ken Follett 

Ed Robert Laffont, 5/10/2023, 772 pages



C’est avec une certaine tristesse que je referme mon livre, parce qu’il s’agit du dernier tome des piliers de la terre, une série de romans que j’ai particulièrement appréciés. On comprendra aisément pourquoi ce tome était le dernier : Ken Follett nous a régalés en couvrant de grandes périodes historiques, son travail est complet et montre une belle évolution de la société entre le moyen-âge et la période napoléonienne, aussi, que pourrait-il écrire encore qui entrerait dans cette série ? Un roman sur les deux guerres ? Absolument pas, cela constituerait un doublon, les trois volets « du siècle » prennent le relais.

Merci à ce grand auteur de nous avoir régalés durant 23 ans. Ce dernier volume apporte de grands changements : On ne parle que très peu de la cathédrale de Kingsbridge, bien qu’elle s’érige toujours fièrement et génère une certaine activité, on a toujours, parmi les personnages, des bons et des mauvais, j’ai d’ailleurs commencé à lire en me demandant qui allait être le "gros méchant" de l’histoire, et il m’a semblé légèrement plus délicat que les monstres du passé, quoique très manipulateur et calculateur. C’est la signature de l’auteur, c’est une façon de faire réagir le lecteur, c’est un moyen de souligner les injustices de l’époque.

On se retrouve cette fois, dans l’univers des drapiers et des tisserands, dans un contexte ou l’ouvrier voudrait des droits, où les nantis ne sont pas prêts à abandonner leurs privilèges et leur pouvoir de décision, où l’on craint la contagion française, malade de sa révolution, où l’on va faire connaissance de cet empereur détesté des anglais, où la guerre va faire rage …

Ce volet est excellent, la documentation est approfondie et l’exposé admirable.  Le déroulement de la guerre, à laquelle prennent part la plupart de nos héros, est parfois un peu long, la stratégie, les mouvements de troupes et le combat ne faisant pas partie des sujets que je préfère.

Concernant la pratique religieuse, on en a terminé depuis longtemps avec les querelles entre protestants et catholiques (cf une colonne de feu), place à la scission entre méthodistes et anglicans.

Cette période m’a paru extrêmement difficile à vivre, la justice ne se montrant que très peu clémente à l’égard des contrevenants, les jugements très sommaires, aucun avocat, des peines lourdes, la justice entre les mains de quelques individus qui non contents d’amasser toujours plus de richesse, détiennent un pouvoir quasi sans limite.

On constatera également les retombées économiques de la révolution et de la politique napoléonienne que l’on devine, bien qu’il ne soit pas fait mention du blocus continental que l’empereur infligea à l’Angleterre.

J’ai beaucoup appris en lisant ce dernier roman, comme dans les autres. Et j’attends avec impatience le prochain, qui sait, peut-être une autre série verra-t-elle le jour ?