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lundi 27 juillet 2020



Le cafard


Ian Mc Ewan
Ed Gallimard


Quelques années après la lecture de la métamorphose de Kafka, je découvre avec ravissement ce roman de Ian Mc Ewan dont le début est très prometteur. Il m’a tout de même fallu une certaine adaptation pour réaliser que cette fois, Grégor Sams devenait Jim Sams et que la transformation s’inversait : ce n’était plus une transformation d’homme en cafard mais une métamorphose de cafard en homme et qui plus est en premier ministre.



Non content d’inverser les processus de métamorphose, l’auteur opère également une métamorphose économique en inversant le trajet habituel de l’argent ce qui créera une situation absurde isolant le Royaume uni du de l’union européenne voire du reste du monde. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Un référendum ? une grosse surprise qui allait bouleverser une bonne partie de la population anglaise et assurer des heures et des heures de travail, de négociations, de spéculation, de planification, de manipulations et de mensonges…


Quoique parfois difficile à suivre, ce récit mettra de façon géniale en évidence la panade politique dans laquelle le gouvernement anglais s’est vautré. 


L’image du gouvernement constitué de cafards me semble très parlante et montre combien certains avaient intérêt à mettre la pagaille pour émerger. je ne m’étendrai pas pour vous permettre de vous rendre compte par vous même.


Cette histoire est écrite de main de maître et vaut vraiment le détour !


lundi 20 juillet 2020

Eden Spring


Laura Kasischke
Ed livre de poche



Documents à l’appui, Laura Kasischke nous raconte l’histoire d’une secte, et pas n’importe quelle secte, une communauté religieuse qui naquit en 1903 alors que son guide spirituel, Benjamin Purnell, s’installa avec cinq fidèles à Benton Harbor, Michigan. 

Puis ce furent des centaines d’adeptes qui arrivèrent des quatre coins de la planète pour appliquer les commandements du gourou : laisser pousser ses cheveux, ne pas les tailler en carré, ne pas manger de viande, ne pas avoir de relations sexuelles. 

Ce dernier commandement sera en totale contradiction avec les principes du maître puisque ce dernier s’entoura d’une cour de jolies jeunes filles toutes vêtues de blanc qui durent se plier au bon plaisir du jeune homme qui leur promettait d’échapper à la mort telle que nous la connaissons puisque les gens de la maison de David, c’est ainsi qu’il baptisa sa communauté, resteraient sur terre après la fin des temps toute proche, et n’auraient plus besoin de prier puisque Dieu serait désormais parmi eux, les élus. 

A ce charisme qui lui permit de contrôler ses adeptes, s’ajoutaient des qualités d’homme d’affaire qui l’amenèrent à créer Eden Springs, un parc d’attraction qui devint célèbre, sur le modèle duquel se construisit Disney World.


La maison de David devint alors une communauté des plus dynamiques, vivant de la vente des fruits des vergers initiaux, des recette du parc d’attraction, connue par ses équipes de base-ball, attirant de nouveaux adeptes qui à leur tour participèrent à son enrichissement.


Laura Kasische placera dans cet environnement, des personnages fictifs pour faire revivre cette secte avec une excellente intrigue : l’histoire d’un corps dans un cercueil, livré par la secte à une fossoyeur à qui on dira qu’il renferme une femme de 68 ans morte d’apoplexie, mais le cercueil s’ouvrant au moment de la mise en terre, laissera apparaître celui d’une jeune fille de 16 ans, portant sur le cou des marques de strangulation.


Un excellent roman ou se succèdent les documents historiques, très souvent des témoignages de membres de la secte, et le récit très bien écrit qui sait mettre en évidence le charisme du maître, le désarroi de certains fidèles, l’endoctrinement de la part de celui qui se disait le 7ème messager de Dieu.



Plaidoyer pour l'altruisme


Matthieu Ricard
Ed pocket



L’altruisme… De quoi s’agit-il exactement ? Sa définition et sa mise en œuvre ne sont pas si simples. Mathieu Ricard tente une approche de cette notion dès le début de son essai pour essayer de le définir, s’appuyant sur quelques philosophes, sur des exemples qui montreront ce qu’est l’altruisme et ce qu’il n’est pas et sa différence avec la compassion. 


Une certitude : l’altruisme n’est pas inné, il est le fruit d’un cheminement, il exclut toute partialité, et pour pouvoir s’épanouir, il  ne nécessite pas obligatoirement de sacrifice. On comprendra alors qu’il n’est pas facile à mettre en œuvre dans notre société de consommation où l’individualisme semble aller croissant car il demande  réflexion, méditation, travail sur soi.


Puis Mathieu Ricard montre que l’altruisme existe à travers des expériences et des études qui le montrent, il tente de lui faire une place dans le milieu scolaire, dans les gouvernements, incitant le public à la coopération tout en exposant le bien fondé de cette coopération entre individus, n’hésitant pas à citer en exemple, le monde animal qui n’est pas exempt d’action pouvant faire penser à l’altruisme.


Un livre difficile à lire parce qu’on se demande bien comment y arriver à cet altruisme quand on cite les gouvernements, les collectivités et les groupements humain, que pouvons-nous faire ? L’altruisme ne commencerait-il pas par une prise de conscience de la fragilité de notre planète (l’auteur en parle), et l’altruisme, je l’ai cherché et je l’ai trouvé parfois, principalement durant le confinement durant lequel de belles actions ont été constatée, mais où on a tous pu constater avec effroi, que l’altruisme est une notion qui semble étrangère aux pollueurs, aux bruyants, aux semeurs de gants, de masque et de lingettes, aux réquisitionneurs de papier toilette et de nouilles peu soucieux du bien commun. 

Faudra-t-il souhaiter l’effondrement annoncés par les spécialistes de collapsologie pour repartir sur des bases nouvelles et changer les esprits ? 

Voilà, je viens sans doute d’écrire l’expression de mon ras-le-bol, mais rassurez-vous, je ne suis pas si pessimiste, et je sens bien une évolution globale et une volonté des populations de respecter l’environnement qui sera celui de leurs enfants dans un avenir proche. et l'altruisme ne se concerne pas uniquement la sauvegarde de notre planète.


En lisant entre les lignes, j’ai envie d’affirmer que ce livre, intéressant par certains aspects et amenant à une réflexion sur soir, mériterait également le titre de plaidoyer pour le bouddhisme, ce qui semble logique si on connaît l’auteur.


Je me félicite d’avoir terminé cet essai, parce que les essais ne font pas partie de mes lectures préférées, et parce que celui-ci fut long, très long à lire et que j’ai failli lâcher plusieurs fois. Par son intermédiaire, l'auteur aura sans aucun doute réussi à semer quelques graines qui ne demande qu'à germer.



jeudi 16 juillet 2020



Fin de ronde


Stephen King
Ed livre de poche



Je referme ce troisième volet de la trilogie Bill Hodge que j’ai adorée, au moins pour les deux premiers tomes. Le troisième me laisse pensive. Je sais bien que c’est du Stephen King, qu’il faut s’attendre à moultes prouesses de la part de ce passionné de fantastique, et j’ai accueilli avec un enthousiasme teinté de réserve, le fait que Brady puisse coloniser les individus de ce poison démoniaque qui le hante, d’ailleurs, ce n’est pas ce fait qui m’a gêné, c’est plutôt le côté confus du récit : quand on a lu le premier tome il y a deux ans, on a des difficultés à renouer avec les personnages, on ne sait plus trop qui est qui, et cela perturbe le suivi de l’histoire, autre fait un peu gênant qui vient peut-être de moi, j’ai eu des difficultés à cerner certains personnages qui servaient d’intermédiaire à l’assassin qui les avait hypnotisés.
Concernant le suspens, il y en a moins que dans Monsieur Mercedes qui avait réussi à me nouer agréablement (j’aime bien avoir peur en lisant un roman).


Si l’on oublie ces considérations de ma part, je peux dire que j’ai tout de même passé un bon moment de lecture en me demandant comment notre trio allait percer le mystère d’un Brady plus psychopathe que jamais quoique décédé, comment notre héros Bill Hodges, allait se sortir de ce cancer qui le ronge et comment il viendrait à bout de ce Blob infernal que constitue le psychopathe de service. 


Je me demande d’ailleurs si une suite ne serait pas possible mais ne pouvant justifier cette affirmation sans spoiler, je croise les doigts et attends patiemment de voir si Stephen King nous propose une nouvelle suite de ce thriller haletant bien que le dernier volet s’intitule fin de ronde, l’espoir est toujours permis.


Les cœurs imparfaits


Gaëlle Pingault
Ed Eyrolles



Barbara est professeur de français en université, Charles, médecin, professeur en neurologie, Lise, aide-soignante. Mais qu’ont-ils donc en commun, ces trois personnages que tout semble opposer ?Un mal de vivre certes, mais surtout des stratégies pour gérer ce mal de vivre : Charles tente de sortir des sentiers battus en empruntant les routes de la fantaisie qu’il s’est interdite jusqu’alors, Barbara cherche le contact et trouve refuge auprès d’une de ses étudiantes tout en pratiquant l’immersion dans le milieu qu’elle s’était juré de ne pas fréquenter, à savoir, l’Ehpad ou se trouve sa mère qu’elle déteste, on en découvrira la raison. Cette immersion, elle la doit à Charles capable de communiquer sans  jugement et établissant une relation propre à apprivoiser Barbara la rebelle. Lise pratique le yoga et s’échappe pour méditer dans la nature, se dévoue à ses malades et mise sur la bienveillance pour ne pas craquer.


L’intérêt du roman réside dans l’évolution de chacun de ces personnages et leur progression, comment ils parviennent à lâcher prise, ce qui fait de ce récit un bon roman feel good.


On apprendra beaucoup sur l’histoire de Charles et de Barbara : le passé glorieux d’un brillant neurologue réfugié désormais dans cet Ehpad ou il effectue le suivi des personnes âgées devenues dépendantes, l’enfance difficile de cette professeure de lettres qui fortuitement, apprend un secret de famille jalousement gardé par sa mère et la tante qu’elle adorait et qui emporte toutes ses croyances sur son passage. Son mal-être lié à cette enfance sans amour.

On comprendra l’importance des relations humaines, de la communication, du besoin des différences d’autrui pour s’enrichir, pour grandir et s’épanouir.


Par ailleurs, d’autres thèmes sont abordés dans l’histoire : l’accompagnement des personnes âgées, les conditions de travail des personnels soignants et le manque de moyens des établissements de soins, l’usure du couple, avec quelques soupçons de littérature toujours bienvenus dans un roman.


Une histoire enrichissante, presque un roman de travail sur soi.



Un loup quelque part


Amélie Cordonnier
Ed Flammarion



Drôle de roman, qui mérite la palme de l’originalité quant au sujet traité. Une lecture bien surprenante dès le départ. Ne connaissant rien au sujet d’enfants métis qui naissent blancs et qui sont susceptible de foncer voire devenir noirs, je me suis empressée d’aller vérifier si ce phénomène était possible et courant. 
J’ai alors pu constater que l’auteure était bien documentée sur la question. Pour exposer le problème, elle présente une femme que l’on peut qualifier de femme Lambda puisqu’elle n’est pas nommée contrairement à ses enfants et son mari ou tout autre personnage rencontrés au court du récit. Femme Lambda qui pourrait être vous mesdames, ou moi…Femme Lambda qui doit soudainement admettre une situation peu banale, et on n’en doutera pas, plus que contrariante : son bébé de cinq mois va pigmenter jusqu’à devenir noir, ce qui mène notre héroïne à une véritable révolution intérieure jusqu’à en devenir folle de rage, de désespoir, qui va se livrer à des actes de maltraitance malgré elle sur cet enfant, prête à rompre avec son entourage. Et ce bébé cache un autre secret de famille, un fait tout aussi grave que je tairais.



Tout au long de ce livre, je me suis sentie à la fois révoltée par ce coup du sort que subit cette femme, révoltée également par son comportement, agacée parfois par son refus d' accepter les faits, par ses délires, par les idées saugrenue qui germent dans son esprit même si on comprend que  l'inconscient ne trie pas les idées et ne s’embarrasse pas de la notion de délire pour dicter les actes d'un individu. 


Puis j’ai compris…ce roman est une description du travail de deuil : deuil d’un enfant qui sort de la destinée qu’on lui trace en tant que parent, deuil d’une vie tranquille si on imagine les écueils rencontrés au quotidien quand on est un couple blanc et qu’on élève un enfant de couleur, les questions, les regards, les contrariétés qui surgissent jour après jour, deuil de ce que l'on a jusqu'ici construit et que l'on voit s'effondrer comme un château de cartes.


On ne manquera pas de constater que l’éternelle question de l’instinct maternel se pose à nouveau. Existe-t-il réellement ? Il sera permis d’en douter en lisant ce roman, oui elle aime son fils, elle le montre dès le début, puis elle le rejette parce qu’elle ne se reconnaît pas dans cet enfant.



J’ai apprécié ce roman, toutefois, sans vraiment parler de monotonie, j’ai trouvé que l’histoire s’éternisait sur le problème de cette femme incapable de réagir, pour qui l’aide psychologique survient tard, qui ne reçoit aucune aide d’un mari absent, qui ne mesure pas l’étendue du problème et ne s’aperçoit pas de la relation que la mère entretient avec son enfant.

Un livre qui n'est pas exempt de  ce suspens qui pousse le lecteur et que je ne regrette pas d'avoir lu.





Le chien de Schrödinger


Martin Dumont
Ed Delcourt

Martin Dumont raconte … l’histoire d’un père aux abois, l’histoire d’un homme qui avait pour dessein de fonder une famille, d’un homme doux, compréhensif, bienveillant, qui apprend la fugacité du bonheur, un père qui a fait le deuil d’une vie de couple et s’est dévoué à son fils, Pierre, pour quelques années heureuses...


Mais Pierre est malade, une de ces terribles maladies que la médecine n’a pas les moyens de maîtriser. 
Le deuil, il le vit avant : deuil d’un fils qui lui apportera les moments heureux que tout un chacun est en droit d'espérer.


On assistera à son combat, son questionnement, son impuissance à soulager Pierre, et enfin ce pieux mensonge qui pourrait lui assurer une mort heureuse : l’édition d’un premier livre qui ferait de lui un grand écrivain. Un choix : lui conserver au moins ce rêve et adoucir sa fin de vie. Choix qui prête à discussions avec des arguments recevables de la part de chaque personnage en fonction de son vécu.

Belle réflexion sur l’accompagnement des malades en fin de vie, intelligente description des états d’esprit d’un être humain qui passe par une épreuve réveillant toutes sortes de sentiments, de contradictions, sur l’impuissance à communiquer de l’entourage dans de telles circonstances.


Un roman poignant et laissera dans la tête du lecteur, quelques questions et et lui donnera l’occasion d’interpréter la fin selon son besoin d’apaisement.