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dimanche 30 décembre 2018


Un bonheur que je ne souhaite à personne.


Samuel Le Bihan
Ed Flammarion

Voici un roman bluffant : Samuel Le Bihan, en l’écrivant, l’a modelé façon témoignage, c’est à s’y méprendre. Une personne de mon entourage l’ayant lu,  n’est pas parvenue à comprendre qu’il s’agissait d’un récit fictif. 


Ce roman est d’autant plus surprenant que le personnage principal est une femme et l'auteur a su se mettre dans sa peau et exprimer son ressenti. Etant lui même  le père d’un enfant autiste,  il connaît le problème et a pu sans difficulté le transférer chez Laura, son héroïne.

Laura donc, organise sa vie avec deux enfants : Ben, adolescent et césar, autiste. Elle ne cache rien de sa vie, de son combat, de ses difficultés pour élever cet enfant différent, se battant pour qu’un jour, les portes de notre société lui soit un peu plus ouverte.  Elle s’active, crée une association qui pallie quelque peu les carences de l’Etat en ce domaine et se montre capable d'actions pour le moins extravagantes dans l'intérêt de son enfant.

Un roman criant de vérité à lire absolument si on veut comprendre ce qu’est la vie de ces familles qui se retrouvent finalement bien seules avec leur enfant handicapé, se heurtant aux problèmes d’éducation que cela suppose, confrontés au regard des autres parfois sévères, sinon indifférents, sachant que leur enfant ne pourra jamais être intégré.

L’histoire termine sur une note positive qui fait beaucoup de bien, elle aide le lecteur à comprendre qu’on peut voir évoluer un enfant moyennant des efforts énormes certes, et que cet enfant sait être source de joie et de bonheur, même si on ne le souhaite à personne !

    

mardi 25 décembre 2018


 De force


Karine Giebel

Ed Belfond, Pocket


  Je termine ce roman de Karine Giebel et je me sens encore toute retournée par  cette histoire. C’est ma faute, il faut l’avouer, ayant lu auparavant deux romans de l’auteure, je savais à quoi m’attendre concernant la dose d’horreur que je risquais de recevoir en pleine figure… c’est sans doute mon karma de lectrice qui veut cela : j’aime bien les émotions fortes, avoir un peu peur, passer une grande partie de roman à me demander comment les personnages vont s’en sortir… et là je dois dire que j’ai été servie copieusement question frayeur, dégoût, surprises et suspens !

Ou l’on assiste donc à la longue descente aux enfers d’Armand Reynier, professeur et chirurgien réputé, sale bonhomme imbu de sa personne qui croit qu’avec du fric, on peut tout acheter.
L’histoire commence après un prologue que l’on n’est pas en mesure de comprendre, avec l’agression de sa fille chérie, Maud, 20 ans,  par un homme qui tente de la violer. La mignonne voit sa dernière heure arrivée. Elle est sauvée par Luc, garde du corps de son état. Ce premier chapitre, je l’ai lu en serrant les dents, le corps raidi car témoin d’une scène horrible. Je me suis même dit que si tout le livre était comme ça, je ne tiendrai pas le coup… et puis le récit s’apaise en ce qui concerne la violence physique, mais pas la violence morale, car l’agression n’est qu’un premier avertissement au professeur Reynier qui sera victime d’un harcèlement d’un bout à l’autre du roman.

Le criminel : on ne sait rien de lui au début, puis on découvre petit à petit, à travers l’histoire du père et de sa fille qu’il a des comptes à régler, qu’il a décidé de prendre son temps pour faire souffrir de toutes les façons possibles.
Et là, le lecteur ne peut plus lâcher le livre, il se réveille en pleine nuit en s’interdisant d’y retourner.
Madame Giebel possède donc toujours autant de talent, sachant manipuler les ingrédients de la peur qui s’immisce progressivement chez les héros comme chez le lecteur. J’ai bien écrit les héros car dans cette histoire, il m’a semblé que chacun était un personnage principal, chacun reçoit sa dose de violence et se montre capable d’actes ou de paroles répréhensibles à l’intention des uns ou des autres, chacun est à certains moment la cible, le centre d’intérêt ou l’objet de profondes réflexions.

Puis vient la suspicion : comment le harceleur connaît-il si bien cette famille ? serait-ce une personne résidant dans la villa du professeur ? qui le renseigne ? autant de questions qui demeurent sans réponse jusqu’à la fin et qui font de ce roman un fameux page-turner.

J’ai eu bien des difficultés à trouver un autre thriller digne de ce nom après cette lecture, peur de m’ennuyer dans un autre qui serait forcément plus fade. Pas deux Giebel à suivre quand même ! d’abord parce que mes nerfs auraient peut-être du mal à le supporter, ou bien parce que je deviendrais complètement addicte et ne parviendrais plus à lire autre chose, et parce que je me réserve le plaisir de lire  d’autres romans de cette auteure en les éparpillant dans le temps pour plus de plaisir. C’est très curieux ces sentiments contradictoires : effrayée mais attirée, cela résume bien ma situation émotionnelle face aux écrit de Karine Giebel.

Je ne peux pas écrire « à lire absolument » car ce genre de littérature doit rester le choix de celui qui décide de s’y plonger. Je dirai plutôt lisez le si vous aimez les sensations fortes et ressentir de la peur en lisant.

dimanche 23 décembre 2018


Le livre des morts


Glenn Cooper
ed livre de poche et le Cherche midi


     Je me suis décidée à commencer ce roman qui attendait patiemment dans ma PAL depuis au moins 5 ans et je regrette amèrement de l’y avoir laissé séjourner si longtemps ! Le héros, agent spécial du FBI, m’a semblé digne d’intérêt avec juste ce qu’il faut de déséquilibre comme tout héros policier qui se respecte : alcoolique à ses heures et même un peu plus, désobéissant et suffisamment ouvert pour faire avancer son enquête. 
Le sujet de l’enquête qui pouvait prendre des tournures de banale recherche d’un assassin se voit compliquer de meurtres multiples dans des régions de Etats unis fort éloignées les unes des autres, et de procédés qui n’ont aucun point commun, et le plus qui incite à ne plus lâcher le livre, ce sont les retours dans l’histoire classique dans la littérature policière, mais toujours agréable pour le maintien du suspens, d’abord dans  le moyen-âge sur l’île anglaise de Wight, dans le milieu monastique où il se produit un phénomène étrange, puis après-guerre avec Churchill et  les liens qui s’établissent entre les gouvernements anglais et américains au sujet d’une découverte mystérieuse, que le lecteur découvrira lui-même par petite touches d’information délivrées avec parcimonie. Et surviennent d’alléchantes rumeurs sur fond de zone 51, d’extraterrestres et de phénomènes mystérieux survenus dans les années 40 aux Etats-Unis, plus connus sous le nom d’affaire Roswell.  Il faudra donc relier tout cela…
Une chronique de ce roman affirmait que l’on découvre l’assassin dès le deuxième chapitre… oui, on le découvre vite, mais je pense que c’est parce que ce roman est construit pour que le lecteur prenne connaissance de l’évolution de l’enquête et puisse avoir un regard sur les intentions du coupable. J’ai trouvé très divertissant d’observer notre agent du FBI patauger en comprenant de suite pourquoi il pataugeait, un peu comme les enquêtes de Columbo finalement, sauf que dans cette histoire, on n’a pas vraiment d’informations quant à l’issue pour chacun des personnages.
J’ai donc passé de délicieux moments de lecture dans ce roman, et je compte bien lire la suite sans tarder. Bien contente de savoir désormais ce qu’est le « livre des morts » .

lundi 17 décembre 2018




Petit pays


Gaël Faye
Livre de poche


Je referme ce livre, pleine d’admiration pour cette écriture merveilleuse et cette plume chargée de poésie, et débordant d’un respect infini pour un jeune écrivain qui a su raconter. 
Raconter son enfance burundaise dans un milieu privilégié, son éducation, sa famille, ses amis, sa jeunesse, ses bonheurs, ses contrariétés dans une ambiance familiale souvent tendue, son regard d’enfant sur le pays, les événements qui s’y préparent.
 Une première partie qui parfois fait sourire, une première partie pleine de cette innocence des enfants qui revêt bien souvent des aspects comiques … et puis… l’horreur qu’aucun être humain ne devrait vivre, des pages qui vous amènent à vous demander quelle folie peut s’emparer des individus. Des pages terribles que vous ne pouvez oublier, même si bien des scènes sont blanchies et rapportées avec quelques détails qui permettent au lecteur de réaliser le vécu des populations, sans trop insister sur la cruauté de ces massacres. 

Ce livre était sans doute nécessaire à ce jeune auteur pour lui permettre d’exorciser ces démons qui ont pu le posséder. 
Certains personnages ne s’en sont d’ailleurs pas relevés après ces événement terribles. 

Je n’ai pas l’intention d’écrire plus car ce récit me donne plus envie de me recueillir et de garder mon ressenti pour moi-même. J’ai beau savoir que le monde est malade, je tombe toujours des nues lorsque je prends connaissance de tels événements. 

Je ne regrette pas cette lecture , difficile à supporter sur la fin, mais nécessaire, ne serait-ce que par solidarité avec son auteur.

mercredi 21 novembre 2018


On la trouvait plutôt jolie


Michel Bussi
Ed pocket , presse de la cité


Une famille d’émigrés, un fonctionnaire de police blasé, un jeune lieutenant zélé, une cause, celle des migrants, sans aucun doute un problème réel dans la région de Marseille, voici  de quoi écrire un policier correct. 

Oui mais… j’ai passé une grande  partie du roman à me poser des questions au sujet de quelques incohérences dans le récit  et ça m’a énervée, d’abord parce que s’il y a un genre littéraire qui ne supporte pas les incohérences, c’est bien le roman policier, ensuite  parce que ce n’est pas la première fois que je relève ce genre d’erreur dans un livre de Michel Bussi : j’en avais relevé deux qui étaient flagrantes dans nymphéas noirs, et cela est venu à chaque fois perturber ma lecture, et dans ce roman, je note une incohérence au sujet des lieux de crime, une autre  concernant un soi-disant secret que Leyli notre héroïne craint de voir découvrir dans son minuscule appartement, hasard douteux concernant la survenue d’un personnage dans la dernière partie, et trop de non-dit dans le récit au nom de la mise en scène que l’auteur s’attache à nous présenter, ces mises en scène sont fréquentes  dans ses romans, mais trop c’est trop, ça devient lassant. 

Je n’ai pas non plus apprécié ambiguïté du personnage de pétar , ambiguïté révélée sur la fin et non explicitée, ce qui laisse sur sa faim.

Toutefois ce roman se lit très facilement et je n’ai pas le droit de dire que je me suis ennuyée durant cette lecture, mais ce dont je suis certaine, c’est que je j’hésiterai désormais à me lancer dans la lecture d’un roman  de cet auteur.

dimanche 18 novembre 2018



Une colonne de feu


Ken Follet 
Ed Robert Laffont



   J’avais beaucoup aimé le premier volume des piliers de la terre, m’étais sentie plus mitigée pour le deuxième volume (un monde sans fin), et j’ai adoré ce troisième volet que je ne peux m’empêcher de recommander.

Je suis de suite entrée dans l’histoire grâce à l’un des personnages principaux : Ned Willard qui vient retrouver  à Kingsbridge, celle qu’il aime et qu’il souhaite épouser, sauf que son entourage en a décidé autrement, dès le début, on sent une inimitié entre les partis, on imagine alors que l’auteur promet une suite certainement mouvementée… 

Les personnages, nombreux sont assez rapidement présentés et le lecteur se fait alors le juge des actions et des décisions de chaque camp. Il faut dire que nous sommes en 1558, que des foyers protestants se cachent pour célébrer leur culte (messe en anglais, prise de parole par les fidèles durant le culte, partage de communion, rejet des reliques et représentations divines) en opposition aux pratiques catholiques. 
Marie Tudor sévit alors et envoie au bûcher ceux qu’elle déclare hérétiques à l’instar des inquisiteurs qui sévissent un peu partout en Europe. Mais Marie la sanglante meurt et c’est Elisabeth Ière qui lui succède, un règne long qui explique en grande partie pourquoi aujourd’hui le royaume uni est en majorité protestante. 

Le roman est extrêmement bien documenté et moi qui avais fait une grosse impasse sur les guerres de religions au collège, je dois dire qu’après cette lecture, la question protestante, de même que les liens entre les souverains, la famille de Guise et les intrigues de la cour de France comme d’Angleterre n'ont plus de secret pour moi.

Il est intéressant de voir comment la question protestante est traitée suivant le pays ou l’on se trouve, car Ken Follet ne se contente pas de raconter l’histoire du protestantisme en Angleterre, il fait voyager ses personnages en les mettant en relation avec des Espagnols, des Français, développe une action dans les pays bas et même sur mer et dans les îles du "Nouveau Monde".

Par ailleurs ce roman semble très complet et aborde divers thèmes qui méritent que l’on y intéresse : la condition de la femme, le protocole à la cour, la clandestinité des protestants, les combats navals, les services secrets de l’époque, la question de l’esclavage,  le commerce… des sujets variés sont abordés , ce qui a pour effet de ne jamais laisser le lecteur s’ennuyer avec de quelconques longueur ni d’avoir envie de sauter des pages.


Les personnages, comme dans les premiers volumes, sont soit attachants, soient odieux, et alors que dans le premier tome si ma mémoire ne me trahit pas , on suit les actions d’un individu à la méchanceté sans limite, dans ce troisième volet, on peut affirmer qu’ils sont plusieurs, ces personnage à qui, tout au long du roman, on souhaite vraiment le revers de fortune tant il sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Je vous laisse les découvrir.

Deux parcours très intéressants de personnalités historiques qui m'étaient inconnues : Marie Stuart et Elisabeth première, constituent un point de départ pour approfondir la connaissance de ces femmes. Parallèlement à ma lecture, je n'ai pu m'empêcher de consulter quelques documents sur les personnages du roman qui ont existé : William cécil, les ducs de Guise, les rois qui se sont succédé, et quelques autres qui interviennent en fin de roman. Et encore un fois j'ai pu constater combien ce roman était fidèle à l'histoire.

La question protestante me paraissait compliquée, et grâce à cette pépite, je me sens aujourd’hui plus cultivée sur cette période de l’histoire que je ne connaissais pas et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai appris.

mercredi 3 octobre 2018



Du tout au tout



Arnaud Le Guilcher 
Ed Robert Lafont


   Si comme moi vous aimez rire, vous appréciez un tantinet d’originalité dans un roman, vous vous délectez particulièrement de l’œuvre de Boris Vian pour raison de surréalisme, vous adorerez cette pépite qui m’a fait rire, sourire, verser quelques larmes, m’attendrir, me pâmer d’admiration face aux variations lexicales de cet auteur à qui je souhaite une belle et longue œuvre !

Pierre, il s’appelle juste Pierre, (zut ça ne marche pas !) ,  sensible à l’extrême, devenant une fontaine larmoyante dès qu’il se retrouve face à la beauté, est engagé par César de la Mer et  cherche sa vocation sans le sanctuaire de l’art, vocation qu'il ne tardera pas à trouver puisqu'il découvre une chanteuse hors norme qu’il va aider à se lancer dans une carrière musicale prometteuse. Oui mais voilà : César est vieux , ruiné et va devoir laisser la direction de Poséidon, cet endroit paradisiaque ou les employés peuvent s’exprimer, à une multinationale. Et là, c’est la fin des haricots et autres plantes qui généreusement dispensaient leur oxygène dans cet éden du travail.

Délicieux roman avec un gag toutes les cinq lignes, des acrobaties langagières à profusion, des éléments bien surréalistes qui rappellent étonnamment l’écume des jours, l’herbe rouge et l’arrache cœur, avec un artiste omniprésent dans l’histoire : Jacques Rel, chanteur populaire dans cette société,  un chat qui gonfle ou diminue en fonction de son ressenti , des fleurs bizarres, des nymphes des fontaines qui passent leurs journées à plonger dans le bassin du jardin de Poséidon,  une transformation des lieux de vie et de travail en fonction des événements, une évolution dans l’attitude des personnages et dans leurs relations…  

Et un message , une critique acerbe du monde de l’entreprise et du travail.

S’il te plaît Babélio, laisse-moi lui faire une place en plus des autres livres pour l’île déserte (je sais, c’est une belle PAL que je vais emmener), mais j’aurai vraiment besoin de ce livre pour m’y replonger et rire encore et m’attendrir à nouveau…
Il y a de fortes chance pour qu’il figure tout en haut du top 10 de mes livres de l’année !

lundi 20 août 2018



La symphonie du hasard T3


Douglas Kennedy
Ed Belfond

   Nous voici donc a la fin des aventures d’Alice Burns, fin temporaire si l’on en juge par la mention « à suivre» qui vient refermer  ce troisième tome. 

La période Irlandaise s’est tragiquement terminée et Alice devra faire un deuil en ne comptant que sur elle même et surtout pas  sur sa mère qui a bien des problèmes à résoudre et pour laquelle il est même dangereux de se pencher sur ceux de sa fille sans la blesser, sans compter sur son père, ni sur l’influençable Adam, son jeune frère, ni sur Peter l’aîné, qui n’a pu qu’observer ce dont les hommes sont capables, et s’est trouvé confronté à la violence, la torture, la perte d’êtres chers. 

Malgré quelques longueurs parfois, ce troisième volet amène le lecteur à poursuivre la route auprès d’Alice, à côtoyer les acteurs de sa reconstruction, à analyser les relations qu’elle entretient avec les personnes qu’elle rencontre et la façon dont elle communique dans une société dont le principal souci est l’argent et le pouvoir par l’argent. On y retrouve comme dans les autres romans de Douglas Kennedy, une critique de la société américaine.

Ce troisième tome m’a malgré tout moins emballée que les deux premiers, lenteur dans l’action sauf peut-être à la fin. J’attends tout de même le quatrième tome par curiosité pour savoir ce que deviendra Alice et son entourage. 

samedi 11 août 2018





La symphonie du hasard - Livre 2



Douglas Kennedy
Ed Belfond




   Où l’on suit notre Alice dans son parcours parsemé d’embûches, Alice, indépendante, déterminée, et qui mène sa barque plutôt efficacement. Pour le bonheur du lecteur, elle continue ses études en Irlande, pays contrasté, magique et maléfique, magnifique et disgracieux, paisible et belliqueux. Douglas Kennedy communique parfaitement ce ressenti et avec notre héroïne, tantôt l’on respire en visitant le Connemara, tantôt on, étouffe en traversant Belfast ou en cherchant un logement dans quelques zones défavorisées de Dublin. Et l’on retrouve les thèmes et les sujets d’étude chers à l’auteur : critique de la société, mentalité des gens, habitudes.

Si le premier tome est parfois longuet, ce deuxième volume, malgré la difficile installation d’Alice dans ce pays qu’elle ne connaît pas, regorge d’action, de rencontres bonnes ou mauvaises, d’événements (nous sommes dans l’Irlande en guerre des années 70), de joies et de grande tristesse. Certains faits relatés par des connaissances de l’étudiante peuvent même s’avérer insoutenables.

Qui termine ce deuxième tome se jettera sur le troisième, c’est exactement ce qui m’est arrivé à une certaine heure de la nuit, on ne peut absolument pas rester sur cette fin surprenante et bouleversante, c’est tout ce que je peux dire !

Voilà, à présent je découvre le troisième tome, sans aucun doute celui de toutes les réponses aux questions qu’un lecteur peut se poser.

jeudi 9 août 2018



La symphonie du hasard


Douglas Kennedy, 11/2017
Ed Belfond


  Où l’on suit le parcours d’Alice Burns, adolescente parfois naïve qui s’aperçoit  assez rapidement que la vie n’est pas toujours rose et que le genre humain est parfois impitoyable. Elle y croit pourtant, au grand amour, elle l’a rencontré, plusieurs fois, elle fera des bouts de chemin durables et mémorables, ou pas … 

  Mais ce dont elle se montre certaine, c’est qu’on ne choisit pas sa famille, que si elle avait pu, elle n’aurait certainement pas élu cette mère juive possessive et culpabilisante et ce père instable, aussi instable qu’un pays d’Amérique Latine, politiquement, dans les années 70. 
  
  Ce père qu’elle ne voit pas beaucoup bien qu’il soit omniprésent dans sa vie pour diverses raisons que je vous laisse découvrir et qui produit le piment de ce roman en trois volumes.  

  Elle n’a pas choisi non plus son frère Adam qui pour une raison obscure au début de cette saga, est en prison, je suppose que je le saurai dans le troisième tome, elle n’a pas plus choisi son frère Peter, celui qui oscille entre la mère et qui semble hériter de l'instabilité du père. 

  Tout cela, c’est la symphonie du hasard ! Mais a-t-elle vraiment choisi ses amis ? On se le demande bien, puisqu'exilée à Old Greenwich ou elle ne se plaît pas, elle se fait des amis de fortune, une sorte de petite bande qui subit le harcèlement de gosses de riches dans le collège où on l’a inscrite.

  Puis vient la période de l’université, passage quasi obligatoire dans la bonne société américaine que Douglas Kennedy ne se prive pas de critiquer dans ce roman et dans bien d’autres dont il nous a régalés. L’université donc, où l’on crée des liens, avec les profs, avec les étudiants regroupés en fraternités toutes plus originales les unes que les autres. 

L’auteur nous livre un aperçu de la vie en campus, qui plus est dans les années où l’on s’exprime, ou l’on communique des idées pacifistes contre le gouvernement de la guerre du Vietnam, du Watergate, et contre la politique étrangère désastreuse de l’époque.

  Et Alice dans tout ça ? Alice, étudiante brillante, goûte à sa liberté, fume, boit, se bat, baisse parfois les bras, surtout lorsqu'elle paie pour les erreurs de son père, lorsque son indépendance lui est reprochée sous diverses formes, et qu'elle constate que tout se sait sur la campus, que les professeurs, comme les élèves sont informés de presque tous ses faits et gestes.

  Ce premier tome peut paraître long, car Douglas Kennedy y campe des personnages au passé parfois compliqué, ou au présent perturbé, mais lorsqu'on commence le deuxième tome, on s’aperçoit que c’était nécessaire pour comprendre le chemin emprunté par Alice. L’écriture est très fluide et l’histoire se lit bien malgré quelques longueurs.

  A l’heure où j’écris ce texte, je termine le deuxième tome, et je peux affirmer que cette saga vaut vraiment le coup que l’on s’y plonge.

jeudi 2 août 2018




Pour vous servir


Véronique Mougin
Ed flammarion


Nom : Joyeux (qualité dont elle aura sans aucun doute besoin dans l’exercice de sa profession).
Prénom : Françoise.
Profession : femme de ménage, femme d’entretien, parfois conseillère voire confidente, chargée des courses, cuisinière, … en  tout cas taillable et corvéable à Merci.

Accompagnant de la susnommée employée : Michel Joyeux, cuisinier de son état qui en aura vite ras le bol des manies, exigences, et débordements des patrons souvent incapables de reconnaître son travail.

S’il s’agit d’un roman, c’est sans aucun doute un écrit fort bien documenté qui me rappelle une grande tante qui a travaillé dans la haute société parisienne entre 1940 et 1980 et qui nous racontait la petite histoire de ces gens friqués, et moi petite fille, j’adorais ces récits, c’est sans doute la raison pour laquelle j’ai eu envie de lire ce livre. Mais ce n’est peut-être pas l’unique raison : les gens très fortunés font pour moi partie des mystères de la création : leur apprend-on dès leur plus jeune âge à mépriser ? quelles sont exactement leurs valeurs ? qu’est-ce que l’amitié pour eux ? Est-ce une notion basée sur les rapports d’argent ? Bien-sûr, il ne faut pas généraliser. 

Toutefois l’histoire de Françoise et de ses places successives me semble très édifiante. Son histoire professionnelle est constituée de chapitres s’ouvrant sur la présentation du poste qui lui est attribué, son salaire, ses obligations, et se refermant sur une règle qu'elle établit pour elle même et  dont elle devra tenir compte au long de sa carrière si elle veut éviter les ennuis. 
des employeurs dont l'étendue de la fortune est inconcevable  pour le commun des mortels, elle en rencontre de toutes sortes : depuis les richissimes châtelains qui curieusement ont beaucoup de travail lorsque Françoise se voit obligée de harceler Monsieur au sujet d’une éventuelle augmentation, (mais  elle rit quand madame voit pour la première fois une paire de gants de caoutchouc), en passant par la Tatie Danielle de service, les gens biens qui ne voient pas ce que leur rejetons font de leur agent de poche, la notaire illuminée qui écoute la messe en latin tout en vitupérant contre les Africains, les Asiatiques et les arabes, prête à dénoncer les sans-papiers, la mère de famille qui s’aperçoit (un peu tard ) qu’élever des enfants, c’est difficile voire impossible… j’en passe, je laisse aux lecteurs de cette pépite le soin de découvrir les aventure de Françoise qui garde en toutes circonstance son humour. Cet écrit de Véronique Mougin est admirable, on croirait une autobiographie, et plusieurs fois, je me suis surprise à retourner le livre dans tous les sens, à la recherche de quelque indice qui auraient pu expliquer le pourquoi de ce roman : vécu de l’auteur, témoignages venant de relations, travail dans ce milieu avant de se convertir pour devenir écrivain ? Rien de tout cela. Il faut tout de même savoir que Véronique Mougin , en tant que journaliste, semble s’intéresser particulièrement au social et a publié deux ouvrages : femmes en galère et les SDF, que je lirai certainement si je trouve ces livres.

J’avais adoré « où passe l’aiguille » publié en 2018, je me suis délectée en lisant ce premier roman qui paru en 2015. J’espère que l’auteur nous prépare encore quelques romans et continuera longtemps à manier son humour souvent décapant qui empêche de refermer ses livres.

samedi 14 juillet 2018


Vivons plus vieux en bonne santé.


Sophie Cousin, Véronique Coxam
Ed Quae

   Qu’attendais-je de ce livre ? Quelque recette miracle pour conserver une éternelle jeunesse ? Ou encore la carte au trésor qui me mènerait à la fontaine de Jouvence ? Hélas il n’en fut rien !  Ce livre est sans aucun doute destiné à des personnes d’un certain âge,  qui n’ont pas de radio, pas de télé, pas d’internet, pas de journaux, et qui vivent à mille milles de toute terre habitée, qui ne savaient pas qu’on vieillit, que ça finit par craindre au niveau du calcium, qu’on ride, que ça marche moins bien là-dedans, que nos hormones se font la malle pour cause de ménopause,  qu’on voit moins bien, qu’on entend moins bien, qu’on perd une partie du goût… et  à des personnes qui n’ont jamais entendu dire qu’il fallait boire (de l’eau et du thé vert), qu’il était impératif de consommer des fruits et des légumes, qu’il fallait avoir une activité physique, que la marche et la bicyclette sont excellentes pour la santé, et qu’il était bon de faire marcher sa matière grise.

Bref ! je n’ai rien appris dans cet ouvrage et je me suis ennuyée !

dimanche 24 juin 2018


  

Mission zéro déchet


Lucie Vallon et Vincent Mercier
Ed Rue de l'échiquier


    Parce que la sauvegarde de la planète est l’affaire de tous et que le respect de l’environnement est une question d’éducation, les éditions de la rue de l’échiquier se lancent dans une campagne de sensibilisation destinée à briefer nos têtes blondes. 

Ce petit ouvrage est fort bien conçu : il commence par un constat : trier se déchets, c’est important, nombre de détritus seront recyclés en vue d’une nouvelle vie, toutefois beaucoup de déchets échappent au recyclage, et on constate que 80% des déchets marins se retrouvent dans les océans,  macro-déchet qui nuisent à la faune, et qui deviennent micros déchets que nous retrouvons dans nos assiettes… 
et puis le recyclage a un coup en énergie, et c’est pour cette raison que Lucie Vallon et Vincent Berger envoient notre jeunesse en mission : Mission 0 déchet explique très clairement que l’idéal, c’est d’essayer de réduire ses déchets : en adoptant une autre manière de faire ses courses, en consommant de façon plus respectueuse de l’environnement, en limitant la fabrication du papier, en faisant le choix de boire l’eau du robinet, en accumulant moins, en réutilisant voire en détournant la fonction des objets au lieu de jeter, en fabriquant son compost…

Le livre est structuré de manière à limiter le temps de lecture « information » en entrecoupant le discours de listes, de dessins, de tableaux très lisibles. 

Un quiz, à la fin de l’ouvrage, permet de faire le point sur ce que l’on a appris et une liste de sites à consulter est proposée en dernière page.

Les auteurs ont certainement beaucoup travaillé pour rendre ce document attrayant et pour que cet écrit n’en reste pas là. 

Bien sûr, les enfants n’ont pas de pouvoir de décision sur les mesures à prendre pour économiser notre planète, mais ils peuvent influencer les adultes et de tels écrits devraient se multiplier pour que les futurs parents éduquent à leur tour dans le respect de l’environnement.

Les éditions rue de l’échiquier ont également édité un autre livre de la même collection : mission vélo.

Un écrit bien pensé à diffuser sans modération !

mercredi 6 juin 2018


Meurtre Mot compte Triple


Jean Christophe Ménioux
Ed Edilivre

  Meurtre mot Compte Triple est le premier roman de Jean Christophe Menioux . Un roman intelligemment écrit et très bien documenté dans lequel chacun retrouvera son bonheur de lecteur : un héros, Jérome,  policier de de son état , jeune encore, atypique si on le compare à un Adamsberg ou un Sharko,  et qui je n’en doute pas, évoluera avec ce qui deviendra, je l’espère, une série policière,  qui partage son statut de protagoniste avec  Julie, cardiologue  compétente et jeune femme  perspicace et réactive dont le comportement tantôt agressif, tantôt mélancolique prend sa source dans un passé plus ou moins lointain.   

Julie semble dès le début être prise pour cible par un tueur équipé, intelligent, imprenable qui signe ses crimes, et se sert de cette signature en guise d’appât et qui concocte des énigmes qui réquisitionnerait durablement tout scrabbleur digne de ce nom. 

Car c’est bien de scrabble dont il s’agit comme l’indique le titre.
l’histoire se déroule dans ce monde parfois inconnu du public, j’ouvre donc une parenthèse pour briefer les futurs lecteurs : le scrabble rassemble en France, quinze à dix-neuf mille joueurs qui prennent leur licence et sont gérés et classés par la FFSC ou Fédération Française de Scrabble, le scrabble pratiqué en club se joue en duplicate ( une partie comprend 21 à 25 tirages identiques de pour tous les joueurs qui doivent trouver avec les sept lettres dont ils disposent , le top ( mot qui rapporte le plus grand nombre de points) ou tenter de s’en approcher. Les lettres sont couramment appelées des « caramels ».

Notre tueur donc, dissémine des caramels sur le lieu de son crime, le caramel étant petit et capable de s’insérer dans des endroits divers et variés, on les retrouve dans des endroits bien surprenants parfois, distribués par sept ou organisé sur une grille qui laisse deviner une suite, un prochain crime, un rendez-vous quelque part, on ne sait ni où ni quand  … c’est là une bonne partie du suspens savamment orchestré dans ce roman qui pourrait rappeler le poète de Connelly par ces énigmes et par leur résolution par Julie  notre héroïne championne de scrabble. 

Si ce roman évoque le monde du scrabble, on y découvre aussi des thèmes qui font tout son intérêt : la prolifération nucléaire, le milieu politique, les services secrets… 

Il fait intervenir des personnages aux personnalités variées qui laissent parler leurs émotions et qui communiquant les uns avec les autres, nourrissent l’âme de l’histoire, créent une ambiance qui vous amènent à vous accrocher  jusqu’au dénouement.

Premier roman de l’auteur et véritable page-turner, ce thriller mérite vraiment sa place dans toute bibliothèque de thriller de qualité. Je recommande ! 

La bande annonce du roman est consultable à cette adresse :

https://youtu.be/3Gj2hgQtm4A


lundi 21 mai 2018



 avec Maman




alban Orsini
Ed Chifflet&cie, La Loupe

 Je vous conseille vivement cette pépite à la construction originale d’une l’histoire par succession de SMS avec un fil conducteur. Voici quatre bonnes raisons de s'y plonger : 



Divertissant : facile à lire, on le commence, on le laisse, on le reprend, finalement on s’y installe confortablement, 
on est capté : on rit de bon cœur, on devient pensif, on sourit, on tourne une page et là il nous viendrait presque une petite larme. C’est qu’on s’y attache à nos deux personnages.

Hilarant : parmi les situations les plus drôles à lire ou à voir chez les youtubers, il y a ce conflit des générations né de l’utilisation du smartphone. Amis quinquagénaires ou quadra, ou plus , n’avez-vous pas été confrontés à des erreurs de manipulation, des blocages, des plantages, des erreurs de saisie (voire des fantaisies du correcteur d’orthographe) qui génèrent  la dérision, l’agacement ou la compassion chez nos jeunes qui, peu après leur naissance, on fait la connaissance de papa, maman et ... Windows ?

J’ai cité les erreurs de saisie, mais le comique est produit de bien d’autres manières : comique de répétition :  mémé emprunte régulièrement le portable pour produire des suites de caractères variés, maman pose les questions et fournit  les réponses, certains sujets de conversation reviennent régulièrement sur le tapis, maman fait des découvertes sur son portable et semble très fière de montrer à son fils qu’elle peut progresser sans lui, cet amour de fiston demande régulièrement des sous à maman qui trouve toujours une réplique qui vous passe l'envie d'insister, si maman déteste la petite amie de son fils, le voisin Boris ne la laisse pas indifférente... ce qui donne à l'histoire des notes vaudevillesques. 

 Attendrissant : si la relation semble souvent conflictuelle entre maman et son fils, on dénote tout de même un lien inavoué mais profond entre cette mère et son chérubin majeur et actif, bien que ledit chérubin frise souvent la carence en respect, (faut dire que Maman abuse parfois  aussi !)

Bouleversant : là je me tais … vous verrez …
Un ouvrage à placer dans sa bibliothèque pour le reprendre de temps en temps afin de passer un bon moment !

jeudi 17 mai 2018


Sagesse animale


Norin Chaï
ed Stock

   Ce commentaire sera bien plus que la simple critique d’un écrit, c’est l’histoire d’une rencontre, de ces rencontres qui gravent en vous un souvenir inoubliable, d’une étincelle qui vient vous éclairer intérieurement, qui vous apporte un calme intérieur que vous avez envie d’entretenir, c’est la rencontre d’une personne rayonnante, qui a connu des moments difficiles voire insupportables, qui a côtoyé la souffrance d’autrui et qui s’en est relevé, et qui continue son chemin tout en  communiquant sa sérénité. 

Cette personne, c’est Norin Chai, vétérinaire en chef de la ménagerie du jardin des plantes, moine bouddhiste, qui a travaillé en plusieurs endroits de la planète pour soulager la souffrance animale.

Norin Chai ne se contente pas de soulager cette souffrance, il partage aussi ses connaissances du monde animal et ses convictions les plus profondes concernant l’humanité, et explique dans cet ouvrage, comment nous pourrions prendre les animaux en modèles pour mieux vivre en société, pour respecter notre corps agressé de bien des façons, et envisage même la possibilité d’un avenir plus serein pour l’humanité tout entière.

Il nous invite à observer les animaux sauvages comme domestiques, il met en évidence leur extrême sensibilité et leur capacité à communiquer par le ressenti des émotions de leurs pairs, insistant sur le fait que le langage a fait en grande partie perdre à l’homme cette possibilité de percevoir les émotions de ses semblables.

Il décrit des animaux capables de coopération, d’entraide voire d’empathie, des animaux qui se contentent d’assouvir leur faim, de consommer ce dont ils ont besoin sans excès, des animaux qui ne jugent pas sur l’apparence, le comportement, qui ne font pas de discrimination. 
Il précise que les animaux « ne sont pas des saints, la nature est souvent cruelle et il démontre que certaines espèces sont capables de se livrer des guerres à l’instar des chimpanzés, et énumère des cas de violence dans le monde animal, tout en soulignant que ces violences ne font aucunement l’objet de jugement : le lion pourchasse l’antilope, et s’en nourrit parfois avant qu’elle soit morte, ce n’est ni bien, ni mal, c’est la nature.

Il décline ensuite les inventions humaines liés à l’observation des animaux, en aviation, en architecture, en mécanique, et dans des détails de la vie de tous les jours où des inventions dignes du concours Lépine ont vu le jour parce que des êtres vivants possédaient certaines qualités propres à faciliter notre quotidien, voire remédier aux effets désastreux de certaines catastrophes écologiques.  

Il termine son ouvrage par des questions métaphysiques pour lesquelles il possède des réponses, ou pas, réponses basées sur l’observation de rites et de pratiques chez certaines espèces.

Il n'omet pas de mentionner sa pratique professionnelle qui atteste  d'un amour, d'un compréhension et d'un grand respect des animaux.

J’ai eu la chance d’assister à un échange avec l’auteur de cet ouvrage passionnant et je ne le regrette pas car cette personne, ô combien altruiste, est d’une grande sincérité et communique volontiers sa joie de vivre et son expérience.

jeudi 10 mai 2018


Alice au Pays des merveilles.
De l'autre côté du miroir.


Lewis Carroll
Illustration de Pat Andréas.
Traduction  Henri Parisot

   
  Voici une œuvre fascinante et divertissante qui méritait vraiment de naître une nouvelle fois sous le pinceau de Pat Andréas, peintre et sculpteur néerlandais qui a exposé en 2007, pas moins de 48 toiles pour illustrer l’œuvre de Lewis Caroll.

Ces peintures déroutantes aux personnages et à l’environnement inquiétants tantôt colorés tantôt gris, simplement esquissés, n’ont pas fini interpeller le lecteur. 

Le peintre désirait pénétrer intimement l’œuvre de l’écrivain et il y est parvenu : il représente en effet une Alice dans tous ses états, toutes ses personnalités, tous ses âges, une Alice expressive chez qui transparaît l’ennui, la colère, la peur, une Alice qui semble sur certaines représentations, communiquer avec le lecteur. L’artiste met en évidence la fantaisie omniprésente dans l’œuvre, souligne le côté angoissant que peut revêtir le roman, quelques productions laissant volontiers transparaître une certaine violence : une représentation de la scène de la duchesse qui berce son bébé en tons de gris (fusain peut-être), et montre une femme aux allures de psychopathe, montrant une jambe avec un bas, l’autre nue, avec une regard menaçant, tenant sur ses genoux un cochon aux pieds humains, au-dessus de son épaule, une assiette sur laquelle est posée la tête d’Alice, deux servantes se lancent des assiettes et dans un coin, le chat du Cheshire sourit de toutes ses dents, ce chat ressemble aux photos dérangeantes qui circulent sur internet, images  retouchées d’animaux à qui on a inséré des yeux, des bouches, des nez humains.

 Pat Andréas me semble faire beaucoup de clins d’œil dans son œuvre : le chat rappelle dans certaines de ses postures, « la bête »   tandis qu’Alice paisible jeune fille au visage reposé et recueilli prendrait des airs de « la belle », les montres molles de Dali trouvent leur place non loin du chapelier fou, une autre planche montre des visages qui rappellent l’œuvre de Pablo Picasso. 

  Rappeler des œuvres de ces peintres n’est évidemment pas un hasard, Pat Andréas ajoute du surréalisme au surréalisme présent avant l’heure dans l’œuvre de Lewis Carroll.
Ce partenariat est une belle occasion pour moi de faire le point : j’ai toujours été une passionnée de ce fabuleux roman et je n’ai jamais écrit une ligne à son sujet, alors il est toujours temps de le faire.
Pourquoi j’aime « Alice au pays des merveilles » suivi de l’autre côté du miroir » ?

  Je souhaiterais avant toute chose rappeler, particulièrement à des lecteurs qui n’aurait pas apprécié sous prétexte de se trouver face à un livre pour enfant, qu’à l’origine, ce roman n’était absolument pas écrit pour les enfants et qu’Alice au pays des merveilles regorge d’allusions, de critiques d’une certaine société de l’époque, de parodies de poèmes anglais, et que Lewis Carroll y a mis de façon codée souvent, et inconsciente peut-être parfois,  des éléments de sa vie, y a inclus des personnages qui ne sont autres que des personnes présentes alors dans son entourage.D’aucuns affirmeront même qu’à travers le dodo, qui ne serait autre que notre Charles Ludwidge Dodgson, il laisse deviner quelque attirance pour Alice.

Donc pourquoi cette passion pour ce roman-conte : simplement parce qu’il contient tout ce que j’aime : le surréalisme, la fantaisie et les propos absurdes de la majorité des personnages contrastant avec le savoir « académique » d’Alice, les jeux de mots, la possibilité d’évoluer dans un monde qui laisse place à la créativité, les situations imaginées par Lewis Caroll , les jeux de langage très intéressants à étudier dans le présent ouvrage puisque chaque page est écrite avec la version française en haut de page, et la version originale en bas, ce qui permet des comparaisons plus faciles entre la version originale et la traduction.

J’ai relu Alice au pays des merveilles donc, et je crois pouvoir le relire un certain nombre de fois encore tant on y découvre à chaque lecture de subtilités qui pourraient avoir échappé lors des lectures précédentes, et il en est de même pour l’écrit qui suit : Alice : de l’autre côté du miroir, plus ardu à parcourir et qui ne se lit pas de la même façon, quoiqu’aussi délicieux à aborder. 

De l’autre côté du miroir regorge autant d’absurde, de règles contraire à la logique, en y ajoutant une mission pour notre héroïne : devenir Reine en se déplaçant sur l’échiquier à la manière d’un pion et en y rencontrant des personnages avec qui elle engage une conversation bien délirante pour le lecteur, mais ô combien délicieuse.

La difficulté de cette lecture réside notamment dans le fait que l’on se retrouve de l’autre côté d’un … miroir, il faut donc … réfléchir ;-))) : les éléments y sont inversés : on court très vite pour rester sur place, on se souvient de l’avenir, on mange un gâteau sec lorsque l'on a soif, on soustrait neuf de huit… on vit dans un « monde à l’envers » dans tous les sens du terme.

Je suis ravie d’avoir reçu ce livre de la part des Edition « Diane de Sellier » c’est un livre magnifique illustré par un artiste que je ne connaissais pas et que j’ai eu la chance de découvrir, dont l’histoire bénéficie des services d’un traducteur compétent. 
La traduction comporte des renvois et explications au sujet du choix des mots vraiment très intéressants. Il faut dire que la traduction de cette œuvre imprégnée de culture anglaise n’est certainement pas aisée.

Alice au pays des merveille, adapté ou pas pour les enfants se mérite : si vous souhaitez aborder cette œuvre, faites-le en adulte, cela s’avère indispensable mais pour l’apprécier doublement, il faut pénétrer dans l’univers d’Alice et quelque part, conserver une âme d’enfant.

Je remercie Babélio et Les éditions Diane de Sellier pour ce partenariat.




mardi 1 mai 2018


Où passe l'aiguille



    Le titre de ce magnifique roman fut pour moi un bon sujet de méditation et de questionnement : où passe l’aiguille… 

  L’aiguille, c’est très précisément le tout petit objet très piquant, capable de pénétrer partout, de s’insinuer, de se faire une place, et surtout d’offrir des laissez-passer. Sans l’aiguille, point de salut ! L’aiguille donc,  qui s’exprime dans les mains d’Herman Kiss, maître tailleur de son état, qui aurait prospéré s’il n’avait pas été un juif dans les années 40, privé de droits élémentaires, enfermé avec sa famille dans un dépôt pour plusieurs semaines, déporté vers pas moins de trois camps de concentration, en partie séparé des siens.

  Mais l’aiguille, je vais me permettre d’affirmer que c’est également son fils Tomy, narrateur principal et héros dans tous les sens du terme. Tomy est le narrateur principal, il est âgé de 15 ans lorsque les Allemands s’installent en Hongrie, terre natale de la famille, il est en opposition constante avec son père, refuse d’apprendre le métier de tailleur, se comporte comme une véritable anguille capable de passer au travers les mailles d’un filet, si étroites soit-elles, personnage plein de finesse et d’esprit, dont on boit les paroles aussi bien dans la première partie pendant laquelle il ne sait pas encore ce qui l’attend, que durant le long exposé de sa vie en camps de concentration. Jeune homme plein de ressources, intelligent et débrouillard, il se sortira de situations souvent désespérées en se servant en grande partie de l’aiguille, lui qui avait auparavant refusé tout contact de près ou de loin avec cet outil.

 Il est entouré au début de l’histoire parce qu’il appelle "les siens" : Son père, Herman, sa mère, son frère Gabor dit Gaby, son oncle, Serena, une jeune fille à l’avenir prometteur qui lit tout ce qui lui tombe sous la main, et quelques relations créées en déportation. 

 Mais la liste " des siens" va s’amenuiser et on pénètre avec lui dans le camp de Dora-Mittelbau, en Allemagne où on n'est plus rien, on n’a plus qu’un numéro de matricule en guise de nom, ou il faut vivre chaque minute comme si c’était la dernière de sa vie, dans la souffrance physique, morale, dans la crasse, le froid, rester debout dans l’adversité.

Mais l’aiguille sauvera…

 Premier roman de mon top 10 de l’année, cet écrit a imprimé en moi des  traces indélébiles : un parcours hors du commun sans être irréalisable, une leçon de vie et de courage, des sentiments variés et parfois contradictoires : de l’extrême tristesse à l’hilarité, de la colère et du dégoût à la volupté, de la mélancolie à l’euphorie…

 le récit de Tomy se lit aisément, l'écriture est fluide et la narration est entrecoupées de témoignages des personnages qui évoluent dans l'histoire : le père sous forme de lettres à sa femme, des amis de Tomy, du frère, et d'autres narrateurs qui interviennent dans la deuxième partie du roman.

Lisez cette pépite et même plus ! 
Véronique Mougin est également l’auteure de « pour vous servir », mais ce roman sera certainement l’objet d’une très prochaine critique.

lundi 23 avril 2018




La disparition de Stéphanie Mailer

Joël Dicker
Ed de Fallois/Paris


   Au moment d’écrire cette chronique, je sens monter une énorme angoisse, une peur de la page blanche parce que je ne sais pas vraiment que penser de ce roman. C’est donc certainement influencée par les bruits au sujet de ce récit que je vais vous livrer mon ressenti. 

Je suis entrée facilement dans ce livre, et j’ai passé de bons moments de lecture, refusant parfois de  lâcher, sans doute l'histoire m'a-t-elle tenue en haleine, l’impression de longueur en partie due aux éléments «  retardateurs » qui font patiner le travail des enquêteurs,  s’est bien un peu  révélée en milieu de roman, mais a disparu en court de deuxième moitié du livre.

La multiplicité des personnages, les fausses pistes, les narrations par différents personnages, la comparaison et la description d’une même enquête à vingt ans d’écart, tout cela m’a capté, en revanche si on analyse le détail de l’histoire, il y a malgré tout des aspects fort agaçants : Dereck  et Jesse malgré leur sérieux,  semblent être passés à côté d’indices évidents en 1994, ils tombent parfois des nues vingt ans plus tard lorsqu’ils découvrent certains faits déjà connus à l’époque par toute la population de la ville d’orphea, et le lecteur est en droit de se demander comment ils n’ont rien vu à l’époque. Ils ne semblent d’ailleurs pas avancer plus et doivent leurs découvertes en grande partie grâce au travail d’Anna. Cela donne à l’histoire, avec le profil plus que fantaisiste de certains personnages,  une note burlesque que l’on appréciera ou pas.

Le personnage de Steven Bergdorf est grotesque et pathétique,la domination facile qu'exerce sa maîtresse,  sa façon de cacher son crime, de faire disparaître la victime pratiquement sous le nez de son entourage n’est guère plausible, je me suis souvent demandé ce qu’il faisait dans ce roman suffisamment long.

 Si la résolution de l’enquête n’est accessible qu’à la toute fin de l’histoire, comme savent le faire quelques auteurs de bons thrillers, elle n’en demeure pas moins sans surprise.

Le récit se serait révélé beaucoup plus efficace avec Anna, policière de choc à la personnalité bien affirmée peut être soutenue par les deux héros, Dereck et Jesse, mais l’auteur voulait-il réellement écrire un thriller ou souhaitait-il raconter des fait passés et non digérés par nos héros ? 
Voulait-il présenter des personnages d’un point de vue psychologique et relationnel ?  

J’aurais bien envie de terminer par un conseil aux lecteurs : amateurs de thriller, passez votre chemin , en revanche, si vous aimez les petites  communautés urbaines où chacun joue un rôle et mérite qu’on s’intéresse à son état psychologique, ce livre est pour vous.