Où passe l'aiguille
Le titre de ce magnifique roman fut pour moi un bon sujet de
méditation et de questionnement : où passe l’aiguille…
L’aiguille, c’est très
précisément le tout petit objet très piquant, capable de pénétrer partout, de s’insinuer,
de se faire une place, et surtout d’offrir des laissez-passer. Sans l’aiguille,
point de salut ! L’aiguille donc, qui s’exprime dans les mains d’Herman
Kiss, maître tailleur de son état, qui aurait prospéré s’il n’avait pas été un
juif dans les années 40, privé de droits élémentaires, enfermé avec sa famille
dans un dépôt pour plusieurs semaines, déporté vers pas moins de trois camps de
concentration, en partie séparé des siens.
Mais l’aiguille, je vais me
permettre d’affirmer que c’est également son fils Tomy, narrateur principal et
héros dans tous les sens du terme. Tomy est le narrateur principal, il est âgé
de 15 ans lorsque les Allemands s’installent en Hongrie, terre natale de la
famille, il est en opposition constante avec son père, refuse d’apprendre le métier
de tailleur, se comporte comme une véritable anguille capable de passer au
travers les mailles d’un filet, si étroites soit-elles, personnage plein de
finesse et d’esprit, dont on boit les paroles aussi bien dans la première partie
pendant laquelle il ne sait pas encore ce qui l’attend, que durant le long
exposé de sa vie en camps de concentration. Jeune homme plein de ressources,
intelligent et débrouillard, il se sortira de situations souvent désespérées en
se servant en grande partie de l’aiguille, lui qui avait auparavant refusé tout
contact de près ou de loin avec cet outil.
Il est entouré au début de l’histoire parce qu’il appelle "les siens" : Son père, Herman, sa mère, son frère Gabor dit Gaby, son
oncle, Serena, une jeune fille à l’avenir prometteur qui lit tout ce qui lui
tombe sous la main, et quelques relations créées en déportation.
Mais la liste " des
siens" va s’amenuiser et on pénètre avec lui dans le camp de Dora-Mittelbau, en Allemagne
où on n'est plus rien, on n’a plus qu’un numéro de matricule en guise de nom, ou
il faut vivre chaque minute comme si c’était la dernière de sa vie, dans la
souffrance physique, morale, dans la crasse, le froid, rester debout dans l’adversité.
Mais l’aiguille sauvera…
Premier roman de mon top 10 de l’année, cet écrit a imprimé
en moi des traces indélébiles : un parcours hors du commun sans être
irréalisable, une leçon de vie et de courage, des sentiments variés et parfois
contradictoires : de l’extrême tristesse à l’hilarité, de la colère et du dégoût à la volupté, de la mélancolie à l’euphorie…
le récit de Tomy se lit aisément, l'écriture est fluide et la narration est entrecoupées de témoignages des personnages qui évoluent dans l'histoire : le père sous forme de lettres à sa femme, des amis de Tomy, du frère, et d'autres narrateurs qui interviennent dans la deuxième partie du roman.
Lisez cette pépite et même plus !
Véronique Mougin est
également l’auteure de « pour vous servir », mais ce roman sera
certainement l’objet d’une très prochaine critique.
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