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mardi 23 juin 2020

Enterre mon coeur à Wounded Knee



Dee Brown
Ed 10/18


Imaginez que vous soyez en possession d’un terrain ou vous vivez paisiblement avec les vôtres, vous nourrissant de ce que votre terre vous offre… Et à présent imaginez que des gens arrivent de quelque contrée lointaine, commencent par visiter votre espace, puis s’installent à vos côtés en décidant que désormais, vous devrez adopter leur mode de vie, leur religion, et comme vous ne serez pas d’accord et que vous revendiquerez, ils vous proposeront des arrangements…qui viseront surtout à vous spolier. 


Exactement ce qui s’est produit dès le XVIème siècle quand, le colon, non seulement s'appropria les terres des indigènes, leur vola leurs richesses et  imposa le christ et le baptême aux peuplades des terres lointaines que l’on nomme aujourd’hui les Amériques. On alla même jusqu’à se vanter d’avoir permis aux indiens de mourir en chrétien… 

Et plus jamais ces groupes humains ne connurent la paix. Situation identique en Amérique du nord ou on refoula les indiens entre 1850 et 1890 dans des réserves sous couverts de traités jamais respectés par les blancs, dans des endroits bien peu propices à leur bonheur, à leurs besoins.


Cet ouvrage passionnant décrit en détail les manœuvres orchestrées par les « visages pâles » pour se débarrasser d’un peuple pacifique poussé à faire la guerre pour tenter de préserver son identité, sa liberté et ses traditions. On y apprendra à faire la différence entre indiens des plaines et des montagnes, on y fera connaissance des plus grands groupes : « les Navajos, les Sioux, les Chippewas, les Apaches, les Blackfeet et les Iroquois » chacun de ces groupes comprenant lui-même d’innombrables sous-ensembles.

La lecture fut longue, très longue et assez répétitives dans la mesure ou beaucoup de groupes connurent un destin similaire : prise de possession de leurs terres qui pouvait être progressive, traités, revendications, guerre, captivité, assassinats, exécutions, les chapitres respectant une progression souvent par région, présentant des responsables et une organisation de gestion des indiens par l’intermédiaire de commissaires aux affaires indiennes (souvent des pantins qui recevaient des ordres de plus haut) , le tout assez hiérarchisé pour qu’on ait des difficultés à découvrir d’éventuels coupables. 

Progression dans l’horreur qui amènera à Wounded Knew dont je ne pourrais parler sans ressentir une profonde amertume pour ces gens qui succombèrent sous les armes des colons. Ce sont là les heures noires de l’Amérique, et hélas, toute l’histoire est ainsi faite : quel peuple aujourd’hui ne repose pas sur les guerres et les horreurs du passé ?


Ce livre est un classique  et je suis heureuse de l’avoir lu, je regrette simplement que l’auteur ne se soit pas  davantage étendu sur  le mode de vie des indiens, cela aurait peut-être brisé une certaine monotonie que l’on peut ressentir après quelques chapitres.





samedi 13 juin 2020


La mécanique du cœur




 Mathias Malzieux
Ed Flammarion


 Agréablement surprenant, délicieusement délirant et astucieusement intemporel ! Comment cela intemporel me demanderez -vous ? Oui, une année est précisée : 1892, et Mathias Malzieu y fait évoluer le célèbre Georges Méliès de même que l' on y croisera d’autres personnages bien situés dans le temps toutefois ce conte est parsemé d’anachronismes langagiers à côté desquels on ne peut passer.  

Si l’histoire en elle-même prend la forme d’un récit banal : un petit garçon qui tombe amoureux et qui évoluera dans le temps et l’espace au gré de cet amour, elle s’égrène en un long poème musical dans lequel l’amour y est omniprésent : amour de deux êtres s’offrant l’un à l’autre pour l’éternité, amour possessif d’une mère qui voudrait garder son enfant à jamais, amour de prostituées qui cherchent à créer des liens, amour qui coexiste avec l’amitié : Arthur se déploie apporter le bonheur à Jack, Méliès lui consacrera une partie de sa vie.


Le lecteur y sera également confronté à l’intolérance, à la peur de communiquer avec des êtres différents.

Mathias Malzieu n’a pas oublié de mêler à ce beau conte poétique, quelques éléments propres à charmer et à faire sourire : les œufs- souvenirs d’Arthur en sont un bel exemple et viennent s’ajouter à l’humour qui n’est pas laissé de côté.

En résumé on y trouvera l’amour et la haine, la colère et l’apaisement, la tendresse et la froideur, la compassion et l’indifférence, la gaieté et la tristesse, ces sentiments bien mis en évidence par opposition dans ce magnifique poème.

Une belle découverte !






mercredi 10 juin 2020


Avec tes yeux



Sire Cédric
Ed presse de la cité




Un meurtre... Un horrible meurtre, oeuvre d'un psychopathe qui aime prendre le temps "tourmenter" ses proies, tel est le point de départ de ce pavé signé Sire Cédric. Un thriller qui plongera tout lecteur dans l'effroi, le fera trembler, se révolter, espérer, serrer les dents.


Il faut dire que Sire Cédric excelle dans l'art de souffler le chaud et le froid, de tirer savamment sur les fils de ses personnages, tels des marionnettes pour inviter le lecteur à prendre part à l'intrigue en témoin, en observateur actif qui tentera d'anticiper pour entrevoir une suite, des conséquences, des issues pour les acteurs de ce sinistre bourbier dans lequel certains d'entre eux se plongent. 

On y côtoie des personnages aux tempéraments opposés : 

un héros fragile, doutant de ses qualités, à l'estime de soi plus que chancelante, fragile, en proie à des cauchemars qui perturbent gravement son repos, que tout accuse et qui n'a aucun moyen de se défendre car il faut savoir qu'il est "connecté" au meurtrier et voit à travers ses yeux. Il est donc le premier témoin des meurtres, 


Une gendarmette anorexique qui fait preuve de perspicacité et de dynamisme, formée pour se battre, déterminée à débusquer le tueur, 

une hackeuse surdouée maniant le taser avec dextérité, 

quelques individus qui gravitent autour de ce sympathique noyau de héros, des bons (pas forcément ceux qu'on croit), ou des mauvais, de quoi captiver le lecteur un bon moment sans une seconde d'ennui, c'est ce que nous offre ce page-turner.

Toutefois, ce délicat mélange d'individus complémentaires quoi que fort différents aurait moins de goût sans la pointe de fantastique que nous offre l'écrivain pour pimenter le tout, fantastique qui aura pour effet d'enliser notre héros, victime d'un harcèlement surnaturel et de l'incrédulité des autorités dans tel  bourbier que l' on est en droit de se demander s'il en sortira et comment il s'en échappera. Cela vient s'ajouter au suspens bien étudié dans ce roman : Sire Cédric ne se contente pas de maintenir le lecteur dans un doute bien dosé quant à l'avenir serein du héros, il insinue des attitudes, des sourires, des comportements brefs mais parlants, engageant le lecteur à émettre des hypothèses. Il comble ce dernier de beaux rebondissements, il l'oriente sur des pistes improbables, met en scène tour à tour, les enquêteur, le héros, le meurtrier, façon classique de procéder mais ô combien efficace quand on veut capter l'attention.

Aucun doute ! Les français ont leur Stephen King  (Qui se serait entretenu avec Karine Giebel ?).

Un excellent thriller, éprouvant pour les nerfs, certes, mais on en redemande !



samedi 6 juin 2020


Sur la route


Jack Kerouac
Ed Folio

Ce roman peut-il être comparé à une œuvre d’art sous la forme d’un premier jet griffonné en quelques semaines  qui deviendra page après page, un rouleau de papier, le fameux « original scroll », qui ne se contente pas de décrire une route, mais qui cherche à la représenter ?



En ce cas comme toute œuvre d’art qui se respecte elle sera saluée et admirée, par le lecteur… Ou contestée, et de toute façon, fera couler de l’encre.


Pour ma part, je suis parvenue au bout de ce roman autobiographique et je m’en félicite parce que ce n’est pas du tout mon style de lecture, j’ai besoin dans le récit, d’un problème, et de sa résolution pour arriver à une situation finale, d’ailleurs, doit-on qualifier cet écrit de récit ? Je  n'en suis pas certaine : si je résume ce qui me reste de cette lecture, et je pense tenir quelques lignes, j’écrirais que nous sommes face à une bande dont les têtes pensantes vivent au jour le jour, choisissent des itinéraires, se déplacent comme ils le peuvent (voitures volées, petits boulots, transports en tous genres avec qui veut bien les  faire avancer sur leur chemin), boivent, s’envoient en l’air, se droguent, se marient parfois, se séparent, se raccommodent. Et ces situations se succèdent, En sautant quelques pages, on retrouve toujours des scènes du même type.

Chemin oui ! … Cheminement ? Pas perceptible  en tout cas. Donc, début, milieu fin ? Pas vraiment. évolution des personnages alors ? Je ne l'ai pas ressenti.

 Cette lecture fut laborieuse et  l’abondance de détails et de personnages ont provoqué un certain ennui chez moi.


Ce livre ne répond donc pas à mes besoins de lecteur, certains passages m’ont d’ailleurs franchement agacée.

Le seul point qui m’a intéressée, c’est que je me suis munie d’une carte des Etats-Unis pour suivre leur pérégrination, c’est toujours cela ! Certains épisodes m’ont franchement agacée, probablement parce qu’ils ne correspondent pas exactement à ma propre vision de la vie. La Beat Generation, ce n'est pas pour moi.


Comme ont pu le dire certains chroniqueurs, ce livre passe ou casse, hé bien pour moi, ça casse. Il s’agit là d’un avis personnel, et les critiques positives de ce livre, je les juge tout à fait recevables et je les admire, moi qui aurais été incapable de les écrire.

lundi 1 juin 2020


Rivages de la colère


Caroline Laurent
Les Escales éditions

Premier coup de cœur de l’année, un merveilleux livre et un roman vraiment intéressant que chacun de nous devrait lire.


L’injustice est courante dans notre monde, et nous sommes souvent bien loin d’imaginer ce qui se trame par-delà les mers. 


Caroline Laurent nous en confie un bel exemple. Ce récit, elle le tient de sa mère qui fut témoin de ces années terribles durant lesquelles, les habitants de Chagos, archipel perdu dans l’océan indien, plus particulièrement les gens de Diego Garcia la plus 
grande de ses îles, furent chassés de leur lieu de vie, exclus de leur île où ils vivaient simplement sans argent, profitant des bienfaits de la nature et échangeant le coprah qu’ils produisaient contre des denrées. 

Cette terre de leurs ancêtres, elle leur fut volée lorsque L’île Maurice, ayant obtenu son indépendance en 1968 dut céder l’archipel aux britanniques qui le louèrent aux Américains afin qu’ils y construisent une base militaire. 

Les familles furent déportées à Maurice et abandonnée à leur sort, elles se logèrent dans les bidonvilles. Ce récit sous forme de roman, raconte l’histoire de Marie qui aura un enfant de Gabriel, un Mauricien employé sur Diego Garcia comme secrétaire du représentant de l’île Maurice, et de sa famille.

Avec les protagonistes, on respire, on accueille ce que Diego Garcia offre, on pleure les victimes de la colonisation, on se révolte de tant de cruauté et d’indifférence à l’égard des apatrides que deviennent les chagossiens.

On apprend beaucoup, on participe au combat des chagossiens qu’on a tenté de tromper, profitant de leur illettrisme, leur promettant des sommes importantes en dédommagement,  car depuis les années 70, les chagossiens luttent pour retrouver la terre de leurs ancêtres, la retrouveront-ils un jour ?

 Ce récit m’a amenée à me documenter sur ce  combat inégal, et difficile. En cherchant des renseignements, on apprend qu’en 2016, les britanniques ont reconduit le bail des Etats-Unis pour vingt  ans. 


Toutefois l’espoir est permis : en janvier 2020, Maurice annonce la possibilité de porter plainte contre les responsables britanniques pour crime contre l’humanité, et le 25 mai 2020, une nouvelle carte publiée par l’ONU fait apparaître l’archipel comme territoire Mauricien.


J'espère que beaucoup liront ce roman, ne serait-ce que par compassion pour ces gens à que l'on a spoliés, privés de leurs identité et de leurs ancêtres.










Pourquoi le saut des baleines


Nicolas Cavaillès
Editions du sonneur


Pourquoi le saut des baleines ? Jusqu’à ce jour cela ne me posait pas problème, j’avais bien vu parfois, lors de reportages télévisés, ce puissant et majestueux saut, sans me poser plus de questions. Et pourtant ? 

A ce jour, aucune explication. On sait qu’à part quelques exceptions, toutes les espèces de baleines amorcent de temps à autre, ce saut prodigieux que l’auteur décompose, montrant ainsi une formidable prouesse physique de la part des cétacés. Maintes hypothèses ont vu le jour, aucune n’est vérifiée. 

L’auteur offre avec cet essai, la poésie dont les baleines ont tant besoin de nos jours. Puisse-t-il être lu et relu par la majorité afin que cesse l’extermination dont elles sont les victimes. 

Pour ma part, peu habituée à lire ce genre d’écrit, et me sentant jusqu’alors peu concernée par la cause des baleines, je dois avouer que j’ai eu des difficultés à terminer cette lecture. 

C’est là une réussite de Nicolas Cavaillès : éveiller en moi cette curiosité. Je ne regarderai plus les baleines avec les même yeux désormais.