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vendredi 28 octobre 2016


Un monde fantastique


Ana Gerhard - Claudia Legnazzi
ed la montagne secrète



  Après une brève introduction, cet album présente vingt œuvres de grands musiciens célèbres parmi lesquels Purcell, Tchaïkovski, Mendelssohn, Debussy, Saint Saëns…, peut-être suis puriste, mais dans le titre, une initiation à la musique classique est annoncée, or, nombre de morceaux ne font pas partie de la musique classique, celle que l’on écoutait entre 1750 et 1820. Je pense que l’auteur a tout bonnement appelé musique classique ce que l’on écoute par opposition à la musique populaire.

Si les illustrations sont très agréables à regarder, le texte de cet album est sans fantaisie, voire austère, écrit en petits caractères, un texte lourd ponctué de « nous » : nous écoutons, nous voyons apparaître des fées…, un vocabulaire non adapté à la lecture d’un enfant de moins de 12 ans, et je ne sais pas si un enfant plus âgé s’y intéresserait dans la mesure ou moi-même, adulte, j’ai bien des difficultés pour aborder le texte.

Par ailleurs, le livre comporte une biographie des compositeurs étudiés, et joie !!!! un glossaire des termes musicaux sur lequel je me suis penchée, et qui transforma ma joie en désespoir : je cite : rythme : distribution des sons et des silences dans un temps… anacrouse : note ou ensemble de notes non accentuées en temps faible, qui précède le premier temps accentué en temps fort d’une mesure… comment je fais si je ne sais pas ce qu’est un temps en musique ? et une mesure ? Je passe mon temps dans le glossaire.

Je crains fort que nos jeunes amis ne soient pas attirés par cet ouvrage. L’impression qui se dégage de ma lecture est curieuse : on dirait un livre écrit pour les adultes afin qu’ils transmettent des connaissances aux enfants. La première de couverture est pourtant attrayante et je me réjouissais de pouvoir consulter ce livre, l’idée était pourtant intéressante, dommage !


Ce livre est donc utilisable par un adulte à des fins d’enseignement, les morceaux du CD accompagnant l’album étant très agréables à écouter, choisis parmi des œuvres narratives afin que les enfants puissent les vivre en se racontant l’histoire et correspondant biens aux analyses qui en sont faites dans le texte.

mardi 25 octobre 2016

Une guerre d'extermination.
Espagne 1936-1945




  La guerre civile espagnole ne fut pas qu’une guerre dont l’objectif premier n’était que la prise de pouvoir par un général d’extrême droite. L’Espagne connut en amont, une période de forte instabilité politique (succession de la dictature de Primo de Rivera et d’un front populaire contesté par les « latifundistas » ou propriétaires terriens, par le clergé, par les ouvriers eux-mêmes). Dès le début du siècle, la classe bourgeoise reçoit un message amené par les catholiques d’extrême droite au sujet d’une alliance secrète entre les juifs, la franc-maçonnerie et l’internationale communiste dont l’Espagne serait la cible, complot qui viserait à détruire la chrétienté. Cette propagande s’immisce insidieusement en Espagne et s’alimente en raison des mesures anticléricales prises par le gouvernement républicain de cette période : plus de direction d’établissements par des gens d’Eglise, obligation de mariage civil, mesures provoquant la colère des religieux influents qui se rangeront du côté des rebelles.

Ces tensions eurent pour conséquence une incitation à la haine par l’extrême droite forte de ses éléments nationalistes, carlistes (royalistes), phalangistes, catholiques et qui se livrera, comme le titre l’indique, à une extermination des dissidents. Notons que les dissidents dans le cas présents, ne sont pas que les membres du parti républicain, mais toute personne ne répondant pas au profil attendu par le pouvoir usurpé. (Voir citation).

Paul Preston présente dans cet ouvrage, une étude poussée des événements de la guerre civile espagnole visant à montrer que tout au long de cette guerre, on légitima le massacre de milliers de gens sous couvert de lois décrétées par des généraux  (les africanistas, des militaires qui firent carrière dans l’armée coloniale au Maroc, réputés être des brutes sanguinaires). Le général Franco s’efforcera par la suite de fournir durant quarante ans, une version de cette guerre au peuple espagnol, niant la terreur d’un peuple, visant à donner une vision falsifiée et avantageuse de cette période à l’étranger.

Fruit d’un travail de recherche conséquent, ce livre fait l’inventaire, parfois bien difficile à soutenir pour le lecteur, des exactions commises durant l’occupation de l’Espagne par les militaires organisés en colonnes de la mort progressant vers chacune des régions et répandant terreur et deuil parmi les populations : on exécute les républicains, les familles des républicains, les ouvriers, les femmes, les enfants…on humilie les hommes, les femmes (fréquemment tondue et obligées à ingérer de l’huile de ricin),  à se demander comment des hommes ont pu se livrer à une telle barbarie.
Je n’ai pu m’empêcher d’établir un lien entre la seconde guerre mondiale et la guerre civile espagnole, d’autant plus que Franco a travaillé en collaboration avec le régime nazi : des militaires qui se livrent à des exactions, une chasse aux rouges, décrétés sous-hommes par les rebelles qui se sont emparés du pouvoir. Un certain Antonio Vallejo Nágera prouvera par des recherches dites scientifiques, qu’il existe un « gène rouge » et établira un lien entre marxisme et déficience mentale, et fort de ces découvertes, affirmera qu’il existe une race espagnole pure. A l’instar d’Hitler développant sa politique d’extermination des juifs, Les phalangistes et autres nationalistes se livreront à l’extermination du « rouge ».

La guerre civile espagnole est peu connue du publique, et il est parfois difficile d’entrer dans un roman se déroulant dans le contexte de cette guerre, mais après lecture pas toujours aisée de cet ouvrage, je vais me sentir très à l’aise avec les connaissances de base à posséder sur la guerre civile. Lire des romans sur la question après ce livre m’apparaît presque nécessaire pour se faire une idée de la guerre, non plus d’un point de vue des forces en présence, mais pour étudier le ressenti des populations terrorisées lors de la progression de ces colonnes de la mort, lors de la prise des villes qui tombèrent aux mains des nationalistes les unes après les autres.

Cet ouvrage restera certainement longtemps un ouvrage de base pour toute étude poussée sur la question de la guerre d’Espagne, bible de l’historien ou de l’étudiant ou des personnes qui désirent parfaire leurs connaissances de cette terrible période. 

Je recommande cet ouvrage en avisant les âmes sensibles de s’abstenir.




jeudi 20 octobre 2016



La boîte aux mots interdits


Marie Bataille, Ulises Wensell

Editions  : Bayard Jeunesse

Collection : les belles histoires.


   Maître Toa possède une belle et mystérieuse boîte d’ébène dont il est le gardien. Il faut dire que Maître Toa est professeur de dignité et chez lui, on ne doit parler qu’avec des mots sérieux. Dizi Toa, son fils, déclare qu’il n’est  pas comme sa grande sœur, qui fait toujours des chichis à table. Horreur !!!! maître Tôa s’empare de ce  « chichi » et court l’enfermer dans sa boîte.

Mais Dizi Toa profite de l’absence de ses parents pour aller voir du côté de la boîte d’ébène, et il entend tous  les mots qui le supplient de les libérer. Il ouvre précautionneusement la boîte et… tous les mots s’échappent, envahissent le voisinage qui semble les apprécier…

Je viens de dénicher une pépite pour enfants pas trop sages qui ne demandent qu’à s’amuser avec les mots interdits de Marie bataille et son complice, Ulises Wensell. Ces deux compères montrent aux adultes que notre langue regorge de petits mots marrants à utiliser sans modération. L’histoire est très drôle et donne envie de d’utiliser les mots interdit pour s’amuser, ce que nos jeunes amis ne manqueront pas de faire après avoir lu ce bel album.

Les illustrations sont superbes : les personnages sont vêtus de jolies tuniques japonaises aux couleurs reposantes, ils évoluent au milieu d’un décor de cerisiers, de pagodes dont on aperçoit les toits, décor simple qui laisse la place aux mots matérialisés sous forme de bulles colorées munies de bras et parfois de pattes, des mots tordus, biscornus, coquins, espiègles qui rient, qui tirent la langue et font mille pirouettes… des mots toujours très corrects.


Un bon conseil amis lecteurs : n’ayons pas peur de ces mots !!!

samedi 15 octobre 2016


Les pêcheurs



Chigozie Obioma
Editions de l'olivier

  Où l’on raconte la longue et inexorable descente aux enfers d’une famille nigériane : quatre frères : Benjamin (le narrateur), Ikenna, Boja, et Obembe, profitent de l’absence de leur père, représentant incontestable de l’autorité dans la famille, pour aller pêcher dans le fleuve interdit Omi-Ala. Au cours d’une de leurs parties de pêche, ils croisent Abulu le fou, personnage malfaisant, qui s’adressant à Ikenna, l’aîné de la fratrie, lance un malédiction : Ikenna mourra de la main d’un de ses frères. Cette prophétie va bouleverser la famille, d’autant plus que les prédictions du fou semblent connues pour se réaliser. Et l’on assiste au morcellement d’une fratrie précédemment unie, à la déchéance d’une famille dans un pays où les malédictions, prophéties et autres sortilèges ont la vie dure.

Ce roman constitue un excellent ouvrage pour étudier le profil psychologique de personnages. il conduit à analyser une action de départ et ses conséquences, s’interroger à propos de ces gens qui se prétendent capable de voir l’avenir,  montrer comment on se forge une destinée à partir de faits qui nous conditionnent et peuvent nous amener à agir en fonction d’une réalité que nous nous créons et sur laquelle nous finissons par n’avoir plus aucune prise. C’est sans doute cela le destin.

Les personnages au cours du roman, délivrent chacun leur vérité et présentent des différences bien marquées qui les rendent très intéressants :

Le père, autorité incontestable, aux principes sur lesquels on ne revient pas,
La mère, qui agit en accord avec les lois du patriarche, garde tout de même sa personnalité et ses convictions. Personnage à la personnalité affirmée, avec ses points forts et ses faiblesses, avec son âme de mère qui ressent les soucis de ses enfants au plus profond d'elle même.

 Les frères dont on observera l’évolution du comportement en fonction des événements qui surviennent dans le roman chacun ayant sa propre sensibilité. 

Abulu le fou, personnage répugnant et immonde qui possède intérieurement certainement plus de bestialité que d’humanité, et néanmoins fascinant.


Ce premier roman de Chigozie Obioma est très bien écrit et c’est un pur plaisir de déguster ce texte. j’ai eu parfois l’impression de retrouver la plume de Yasmina Khadra. Je vous conseille cette pépite qui fera assurément partie mon top 10 de l’année !