Alice au Pays des merveilles.
De l'autre côté du miroir.
Lewis Carroll
Illustration de Pat Andréas.
Traduction Henri Parisot
Voici une œuvre fascinante et divertissante qui méritait
vraiment de naître une nouvelle fois sous le pinceau de Pat Andréas, peintre et
sculpteur néerlandais qui a exposé en 2007, pas moins de 48 toiles pour
illustrer l’œuvre de Lewis Caroll.
Ces peintures déroutantes aux personnages et à l’environnement
inquiétants tantôt colorés tantôt gris, simplement esquissés, n’ont pas fini interpeller le lecteur.
Le peintre désirait pénétrer intimement l’œuvre de
l’écrivain et il y est parvenu : il représente en effet une Alice dans
tous ses états, toutes ses personnalités, tous ses âges, une Alice expressive
chez qui transparaît l’ennui, la colère, la peur, une Alice qui semble sur
certaines représentations, communiquer avec le lecteur. L’artiste met en
évidence la fantaisie omniprésente dans l’œuvre, souligne le côté angoissant
que peut revêtir le roman, quelques productions laissant volontiers
transparaître une certaine violence : une représentation de la scène de la
duchesse qui berce son bébé en tons de gris (fusain peut-être), et montre une
femme aux allures de psychopathe, montrant une jambe avec un bas, l’autre
nue, avec une regard menaçant, tenant sur ses genoux un cochon aux pieds
humains, au-dessus de son épaule, une assiette sur laquelle est posée la tête
d’Alice, deux servantes se lancent des assiettes et dans un coin, le chat du
Cheshire sourit de toutes ses dents, ce chat ressemble aux photos dérangeantes qui circulent
sur internet, images retouchées
d’animaux à qui on a inséré des yeux, des bouches, des nez humains.
Pat Andréas me semble faire beaucoup de clins d’œil dans son
œuvre : le chat rappelle dans certaines de ses postures, « la
bête » tandis qu’Alice
paisible jeune fille au visage reposé et recueilli prendrait des airs de
« la belle », les montres molles de Dali trouvent leur place non loin
du chapelier fou, une autre planche montre des visages qui rappellent l’œuvre
de Pablo Picasso.
Rappeler des œuvres de ces peintres n’est évidemment pas un
hasard, Pat Andréas ajoute du surréalisme au surréalisme présent avant l’heure
dans l’œuvre de Lewis Carroll.
Ce partenariat est une belle occasion pour moi de faire le
point : j’ai toujours été une passionnée de ce fabuleux roman et je n’ai
jamais écrit une ligne à son sujet, alors il est toujours temps de le faire.
Pourquoi j’aime « Alice au pays des merveilles » suivi de l’autre côté du miroir » ?
Je souhaiterais avant toute chose rappeler, particulièrement
à des lecteurs qui n’aurait pas apprécié sous prétexte de se trouver face à un
livre pour enfant, qu’à l’origine, ce roman n’était absolument pas écrit pour
les enfants et qu’Alice au pays des merveilles regorge d’allusions, de critiques d’une certaine société de l’époque, de parodies de poèmes anglais, et que Lewis Carroll y a mis de façon codée
souvent, et inconsciente peut-être parfois, des éléments de sa vie, y a inclus des
personnages qui ne sont autres que des personnes présentes alors dans son
entourage.D’aucuns affirmeront même qu’à travers le dodo, qui ne serait autre
que notre Charles Ludwidge Dodgson, il laisse deviner quelque attirance pour
Alice.
Donc pourquoi cette passion pour ce roman-conte :
simplement parce qu’il contient tout ce que j’aime : le surréalisme, la
fantaisie et les propos absurdes de la majorité des personnages contrastant
avec le savoir « académique » d’Alice, les jeux de mots, la possibilité
d’évoluer dans un monde qui laisse place à la créativité, les situations
imaginées par Lewis Caroll , les jeux de langage très intéressants à étudier
dans le présent ouvrage puisque chaque page est écrite avec la version
française en haut de page, et la version originale en bas, ce qui permet des
comparaisons plus faciles entre la version originale et la traduction.
J’ai relu Alice au pays des merveilles donc, et je crois
pouvoir le relire un certain nombre de fois encore tant on y découvre à chaque
lecture de subtilités qui pourraient avoir échappé lors des lectures précédentes, et
il en est de même pour l’écrit qui suit : Alice : de l’autre côté du
miroir, plus ardu à parcourir et qui ne se lit pas de la même façon, quoiqu’aussi
délicieux à aborder.
De l’autre côté du miroir regorge autant d’absurde, de
règles contraire à la logique, en y ajoutant une mission pour notre héroïne :
devenir Reine en se déplaçant sur l’échiquier à la manière d’un pion et en y
rencontrant des personnages avec qui elle engage une conversation bien
délirante pour le lecteur, mais ô combien délicieuse.
La difficulté de cette lecture réside notamment dans le fait
que l’on se retrouve de l’autre côté d’un … miroir, il faut donc … réfléchir ;-))) :
les éléments y sont inversés : on court très vite pour rester sur place,
on se souvient de l’avenir, on mange un gâteau sec lorsque l'on a soif, on
soustrait neuf de huit… on vit dans un « monde à l’envers » dans tous
les sens du terme.
Je suis ravie d’avoir reçu ce livre de la part des Edition « Diane
de Sellier » c’est un livre magnifique illustré par un artiste que je ne
connaissais pas et que j’ai eu la chance de découvrir, dont l’histoire
bénéficie des services d’un traducteur compétent.
La traduction comporte des
renvois et explications au sujet du choix des mots vraiment très intéressants.
Il faut dire que la traduction de cette œuvre imprégnée de culture anglaise n’est
certainement pas aisée.
Alice au pays des merveille, adapté ou pas pour les enfants
se mérite : si vous souhaitez aborder cette œuvre, faites-le en adulte,
cela s’avère indispensable mais pour l’apprécier doublement, il faut pénétrer
dans l’univers d’Alice et quelque part, conserver une âme d’enfant.
Je remercie Babélio et Les éditions Diane de Sellier pour ce
partenariat.