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jeudi 10 mai 2018


Alice au Pays des merveilles.
De l'autre côté du miroir.


Lewis Carroll
Illustration de Pat Andréas.
Traduction  Henri Parisot

   
  Voici une œuvre fascinante et divertissante qui méritait vraiment de naître une nouvelle fois sous le pinceau de Pat Andréas, peintre et sculpteur néerlandais qui a exposé en 2007, pas moins de 48 toiles pour illustrer l’œuvre de Lewis Caroll.

Ces peintures déroutantes aux personnages et à l’environnement inquiétants tantôt colorés tantôt gris, simplement esquissés, n’ont pas fini interpeller le lecteur. 

Le peintre désirait pénétrer intimement l’œuvre de l’écrivain et il y est parvenu : il représente en effet une Alice dans tous ses états, toutes ses personnalités, tous ses âges, une Alice expressive chez qui transparaît l’ennui, la colère, la peur, une Alice qui semble sur certaines représentations, communiquer avec le lecteur. L’artiste met en évidence la fantaisie omniprésente dans l’œuvre, souligne le côté angoissant que peut revêtir le roman, quelques productions laissant volontiers transparaître une certaine violence : une représentation de la scène de la duchesse qui berce son bébé en tons de gris (fusain peut-être), et montre une femme aux allures de psychopathe, montrant une jambe avec un bas, l’autre nue, avec une regard menaçant, tenant sur ses genoux un cochon aux pieds humains, au-dessus de son épaule, une assiette sur laquelle est posée la tête d’Alice, deux servantes se lancent des assiettes et dans un coin, le chat du Cheshire sourit de toutes ses dents, ce chat ressemble aux photos dérangeantes qui circulent sur internet, images  retouchées d’animaux à qui on a inséré des yeux, des bouches, des nez humains.

 Pat Andréas me semble faire beaucoup de clins d’œil dans son œuvre : le chat rappelle dans certaines de ses postures, « la bête »   tandis qu’Alice paisible jeune fille au visage reposé et recueilli prendrait des airs de « la belle », les montres molles de Dali trouvent leur place non loin du chapelier fou, une autre planche montre des visages qui rappellent l’œuvre de Pablo Picasso. 

  Rappeler des œuvres de ces peintres n’est évidemment pas un hasard, Pat Andréas ajoute du surréalisme au surréalisme présent avant l’heure dans l’œuvre de Lewis Carroll.
Ce partenariat est une belle occasion pour moi de faire le point : j’ai toujours été une passionnée de ce fabuleux roman et je n’ai jamais écrit une ligne à son sujet, alors il est toujours temps de le faire.
Pourquoi j’aime « Alice au pays des merveilles » suivi de l’autre côté du miroir » ?

  Je souhaiterais avant toute chose rappeler, particulièrement à des lecteurs qui n’aurait pas apprécié sous prétexte de se trouver face à un livre pour enfant, qu’à l’origine, ce roman n’était absolument pas écrit pour les enfants et qu’Alice au pays des merveilles regorge d’allusions, de critiques d’une certaine société de l’époque, de parodies de poèmes anglais, et que Lewis Carroll y a mis de façon codée souvent, et inconsciente peut-être parfois,  des éléments de sa vie, y a inclus des personnages qui ne sont autres que des personnes présentes alors dans son entourage.D’aucuns affirmeront même qu’à travers le dodo, qui ne serait autre que notre Charles Ludwidge Dodgson, il laisse deviner quelque attirance pour Alice.

Donc pourquoi cette passion pour ce roman-conte : simplement parce qu’il contient tout ce que j’aime : le surréalisme, la fantaisie et les propos absurdes de la majorité des personnages contrastant avec le savoir « académique » d’Alice, les jeux de mots, la possibilité d’évoluer dans un monde qui laisse place à la créativité, les situations imaginées par Lewis Caroll , les jeux de langage très intéressants à étudier dans le présent ouvrage puisque chaque page est écrite avec la version française en haut de page, et la version originale en bas, ce qui permet des comparaisons plus faciles entre la version originale et la traduction.

J’ai relu Alice au pays des merveilles donc, et je crois pouvoir le relire un certain nombre de fois encore tant on y découvre à chaque lecture de subtilités qui pourraient avoir échappé lors des lectures précédentes, et il en est de même pour l’écrit qui suit : Alice : de l’autre côté du miroir, plus ardu à parcourir et qui ne se lit pas de la même façon, quoiqu’aussi délicieux à aborder. 

De l’autre côté du miroir regorge autant d’absurde, de règles contraire à la logique, en y ajoutant une mission pour notre héroïne : devenir Reine en se déplaçant sur l’échiquier à la manière d’un pion et en y rencontrant des personnages avec qui elle engage une conversation bien délirante pour le lecteur, mais ô combien délicieuse.

La difficulté de cette lecture réside notamment dans le fait que l’on se retrouve de l’autre côté d’un … miroir, il faut donc … réfléchir ;-))) : les éléments y sont inversés : on court très vite pour rester sur place, on se souvient de l’avenir, on mange un gâteau sec lorsque l'on a soif, on soustrait neuf de huit… on vit dans un « monde à l’envers » dans tous les sens du terme.

Je suis ravie d’avoir reçu ce livre de la part des Edition « Diane de Sellier » c’est un livre magnifique illustré par un artiste que je ne connaissais pas et que j’ai eu la chance de découvrir, dont l’histoire bénéficie des services d’un traducteur compétent. 
La traduction comporte des renvois et explications au sujet du choix des mots vraiment très intéressants. Il faut dire que la traduction de cette œuvre imprégnée de culture anglaise n’est certainement pas aisée.

Alice au pays des merveille, adapté ou pas pour les enfants se mérite : si vous souhaitez aborder cette œuvre, faites-le en adulte, cela s’avère indispensable mais pour l’apprécier doublement, il faut pénétrer dans l’univers d’Alice et quelque part, conserver une âme d’enfant.

Je remercie Babélio et Les éditions Diane de Sellier pour ce partenariat.




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