Pages

vendredi 30 décembre 2022

 La treizième heure











Emmanuelle Bayamack Tam

Ed P.O.L, 18/08/22, 512 pages


Entrée très vite dans ce roman, je me suis délectée de l’humour prêté aux propos de Farah, alors adolescente de16 ans, qui soumet son questionnement ses doutes au lecteur. Cette première partie introduit les personnages et leur situation, un père présent sans l’être, aimant et distant, assoiffé de vérité, une vérité toutefois difficile à communiquer, on le comprendra, une mère absente, une foule de personnages venus la pour voir cicatriser leur douleur, leur malaise, pour tenter de se "réparer".

Farah est un personnage plaisant qui décide de mener son enquête concernant ses origines, qui exprime sa façon de voir les choses, et qui a beaucoup à dire étant donné qu’elle évolue au sein d’une de ces églises minoritaires, une secte où la poésie occupe une place de premier choix dont le père fait figure de gourou.

Et Farah pense trouver des réponses, sa logique lui indiquant qu’elle aboutira en menant ses investigations auprès des personnes concernées par sa naissance, mais il semble que son esprit cartésien en prendra un coup… et l’esprit du lecteur aussi, car à défaut de fournir des réponses fermes, à ce stade du roman, le doute pourrait bien s’épaissir.

Cette première partie je l’ai dévorée, ne pouvant me défaire ma lecture.

Puis je m’aperçois, que je suis face à un roman choral,  (je n’ai pas cherché à me documenter sur ce livre plébiscité, afin de le découvrir seule). Je recueille alors les confidences du père. Un être dont la bonté et l’humilité ne font pas de doute, qui raconte son histoire et celle de Farah avec sincérité, le ton change, alterne entre dépression, bonheur, désespoir et solution pour sortir de la morosité. on comprendra les réponses évasives de ce père aux questions de sa fille.

Le troisième narrateur raconte l’histoire d’une femme qui a dû forger elle-même cette identité indispensable à chacun, elle tente d’expliquer ses agissements, on comprendra entre les ligne sa souffrance et son mal-être dus à de mauvais choix ou à des rencontres malheureuses. cette partie ressemble à une relecture de vie de la part de cette mère assaillie par le regret.

Trois narrateurs, trois ressentis bien différents qui expliquent l’incompréhension des uns envers les autres. Roman intelligent sur le thème de l’intersexualité.

Si j’ai beaucoup aimé la première partie, les autres m’ont semblé longues sur la fin, certains passage n’étant pas, à mon humble avis, indispensables pour venir à bout de ce pavé.

Question poésie, les passages de grands auteurs ou de chanteurs ne font de cet ouvrage, ni un recueil, ni une narration à visée poétique, la poésie y étant un instrument de transmission des idées et des sentiments sous la forme de citations.

Question érotisme, on est largement servi, les héros ne trouve pas le ciel qu’au travers des réunions de la secte, c’est cru, c’est réaliste, c’est digne d’un Virginie Despente.

mardi 27 décembre 2022

 Mémoires d'un paysan bas-breton











Stéphane Betbeder, Christophe Babonneau, Alex Gonzalbo

d'après l'œuvre de Jean-Marie Deguignet.

Ed Soleil, 11/10/2017, 96 pages


Cette magnifique bande dessinée, éditée d’après le récit de Jean-Marie Deguignet offre au lecteur un concentré de Bretagne, mais pas n’importe quelle bretagne : la bretagne des miséreux de la fin du XIXème siècle, la bretagne superstitieuse, la bretagne des hommes et des femmes dominé par une Eglise obscurantiste  qui imposait sa loi, une loi propre à marquer les individus de génération en génération, et qui gardera les séquelles générées depuis la nuit des temps sous forme d’une superstition prégnante.

Le récit s’ouvre sur la colère de Jean-Marie, parvenu à l’âge de 71 ans, qui se proclame athée dans un établissement tenu par les religieuses. Il semble bien que ce personnage soit porté par des rancœurs et que sa colère trouve ses origine dans sa vie passée.

On apprendra grâce à ses mémoires couchées sur le papier ce que fut sa vie, par ce premier tome, son enfance.

Voué à une mort certaines dès le berceau, l’enfant guérira et s’ouvrira à la vie, et quelle vie ! une vie de mendiant, car il était courant dans les familles d’envoyer les enfants mendier la nourriture pour la famille, ce qui devenait un métier. Les enfants alors, battaient la campagne, bravant les dangers : les voleurs, véritables terroristes de l’époque étaient monnaie courante, et le diable guettait derrière le moindre buisson d’ajonc, sous la forme d’un chat noir, d’un quelconque animal ou d’un coup de vent, l’esprit humain étant prompt à imaginer toutes sortes de tourments de l’âme.

Mais Jean-Marie possède une intelligence hors-norme, qu’il attribue à une mauvaise chute et une blessure au front. Petit déjà, il se pose des questions sur ces « diableries » qui enferment ses pairs et les privent jusqu’à la liberté de penser. On comprendra alors les réactions agressives du héros dès le début.

Cet album fut une belle découverte, bravo à l’illustrateur pour ce bijou qui offre des visages expressifs, des sentiments bien transmis, des images sublimes aux tons ocre qui qui illuminent les pages et aident à supporter l'ambiance morose de l'histoire. Les cartouches sont rédigés dans une belle police cursive ce qui rend la lecture très agréable.

Il me tarde de lire les autres volets.

 

dimanche 25 décembre 2022

Les semailles et les moissons












Henri Troyat, 

Ed Pocket 27/06/2005, 566 pages


Je remercie infiniment les organisateurs du challenge solidaire d’avoir proposé dans sa liste de roman, une œuvre d’Henri Troyat. Je ne pense pas que j’aurais lu de moi-même les semailles et les moissons étant donné la hauteur de ma PAL !

 

Je suis ravie d’avoir découvert ce premier tome avec ses personnages auxquels on ne peut que s’attacher, personnages aux destins prometteurs ou non, qui vivent dans une bourgade où l’on se sent aussi bien qu’eux, partageant les joies et les peines des protagonistes.

 

Je n’ai pu m’empêcher de faire un lien entre Amélie, l’héroïne, et madame Bovary bien que les deux personnages soient très différents, car j’y ai vu

l’analyse psychologique d’une jeune femme qui reproduit le comportement de sa mère et qui, très anxieuse, lutte contre ses démons, contre une imagination débordante qui la précipite dans le gouffre de ses angoisses. Il est également très intéressant d’observer l’effet de la réaction de son mari bien différent de celle de Jérôme, son père, lorsque Maria, sa mère, adoptait un comportement similaire, et les réactions toutes différentes des deux femmes.

 

Passionnant également l’évolution de notre Amélie bien installée dans sa boutique provinciale et que le destin amènera à quitter ce havre de paix, ce nid douillet dans lequel elle vivait, pour partir vers l’inconnu et s’adapter à une nouvelle vie.

Je me suis dit que j’allais lire le premier tome et m’arrêter, mais finalement, j’ai bien envie de connaître le devenir de notre héroïne et de ses descendants. Je reste donc sur ma faim si j’interromps après ce premier volet, la lecture de cette passionnante saga.

 

Heureuse d’avoir commencé ce classique que je recommande vivement.


dimanche 18 décembre 2022

 Les vertueux











Yasmina Khadra

Ed Miallet Barrault, 24/08/2022, 544 pages


Un nouveau roman de Yasmina Khadra, un nouveau coup de cœur ! J’ai mis un certain temps à le savourer, je me suis laissé bercer par son écriture ciselée, je suis devenue Yacine, révolté, souffrant, désespéré mais jamais vindicatif,  un personnage attachant que les mauvais coup de la vie ne parviendront pas à endurcir.

Si je devais résumer ce récit e un mot, je dirais « errance » car c’est bien de cela qu’il s’agit. Yacine devient Hamza, se voit contraint à grossir le rang des indigènes envoyés comme chair à canon sur le front de la Grande Guerre, reviendra au pays en recherche des siens, abusé par plus puissant que lui, épaulé par quelques belles personnes rencontrées au gré de son chemin.

Ce roman est bien plus qu’une simple histoire, écrit puissant,  il offre aux lecteurs de grands moments de réflexion philosophique sur la vie grâce aux belles personnes placée ici et là dans le récit, personne qui aideront le héros à se façonner, souvent des gens qui ont bien déroulé le fil de leur vie et parlent tant pas expérience que par sagesse, un délice.

Mais Yacine, c’est un être doux et pur, il rencontre également des hommes violents, sans émotions apparentes, ce qui restitue au roman, un bel équilibre entre le bien et le mal.

Ce livre est également l’occasion d’un beau périple en Algérie, depuis l’Algérie des douars, en passant par Oran, Sidi Bel Abbes, Kenadsa et bien d’autres lieux, une découverte de l’Algérie offerte par un amoureux de son pays.

Merci une nouvelle fois à Yasmina Khadra pour cette belle écriture pleine de douceur, pour ces mots choisis capable d’alléger la dureté du récit, tout en parvenant à transmettre les peurs, la violence, la tristesse et la colère, l’amour et tout un cortège de sentiments et d’émotions au lecteur.

La fin apaisante, est un magnifique message qui fait du bien.

dimanche 4 décembre 2022

 Le monde de Sophie












Vincent Zabus, Nicoby, Philippe Ory

Ed Albin Michel, 5/10/2022, 260 pages


Je ne vais pas pouvoir m’empêcher de comparer cette bande-dessinée avec le roman culte de Jostein Gardner. Je conçois tout à fait que pour les besoins de la bande dessinée, il ait fallu imaginer autre chose que de la littérature et des échanges entre une adolescente et un inconnu philosophe, ce qui, à mon avis explique les aspects de la BD.

J’ai tout de même eu des difficultés pour entrer dans le scénario, je ne comprenais pas que comme par magie, ce qui donne une note fantastique au travail des auteurs, Sophie se retrouve projetée en Grèce, n’en revienne en passant pas la boîte au lettres, soit présentée comme témoin oculaire flottant au-dessus de son cadre de vie et retombant sur Terre après avoir côtoyé les cynistes, les stoïciens et les épicuriens (qui me laisseront sur ma faim). Je n’avais pas non plus prévu de rencontrer un Démocrite géant en lego qui vient expliquer sa théorie des atomes à l’héroïne. Perplexe, j’ai senti une nécessité de relire les pages du roman d’origine…

Enfin habituée au récit sous cette forme, j’ai trouvé la lecture intéressante même s’il s’agit là d’un survol des mouvements philosophiques qui donne malgré tout envie de se replonger dans le roman.

Ce parcours de Sophie permettra une succincte révision des bases de la philosophie, en partant des mythes et des philosophes de la nature, en côtoyant Démocrite, Socrate, Platon et sa célèbre allégorie de la caverne, pour continuer cette aventure philosophique au fil de l’histoire. Ce tome s’arrête à Galilée.

Sophie pose également avec sa maman, le problème très actuel du réchauffement climatique et du devenir des générations futures, problème qui peut sans aucun doute être considéré sous un aspect philosophique.

D’autres volets sont donc prévus. Je les lirai peut-être si j’en ai l’occasion, toutefois je pense qu’ils constituent plutôt une mise en bouche pour les personnes qui n’ont pas lu le roman de Jostein Gaarder et peuvent trouver du plaisir à lire cette œuvre revisitée et adaptée.