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lundi 23 avril 2018




La disparition de Stéphanie Mailer

Joël Dicker
Ed de Fallois/Paris


   Au moment d’écrire cette chronique, je sens monter une énorme angoisse, une peur de la page blanche parce que je ne sais pas vraiment que penser de ce roman. C’est donc certainement influencée par les bruits au sujet de ce récit que je vais vous livrer mon ressenti. 

Je suis entrée facilement dans ce livre, et j’ai passé de bons moments de lecture, refusant parfois de  lâcher, sans doute l'histoire m'a-t-elle tenue en haleine, l’impression de longueur en partie due aux éléments «  retardateurs » qui font patiner le travail des enquêteurs,  s’est bien un peu  révélée en milieu de roman, mais a disparu en court de deuxième moitié du livre.

La multiplicité des personnages, les fausses pistes, les narrations par différents personnages, la comparaison et la description d’une même enquête à vingt ans d’écart, tout cela m’a capté, en revanche si on analyse le détail de l’histoire, il y a malgré tout des aspects fort agaçants : Dereck  et Jesse malgré leur sérieux,  semblent être passés à côté d’indices évidents en 1994, ils tombent parfois des nues vingt ans plus tard lorsqu’ils découvrent certains faits déjà connus à l’époque par toute la population de la ville d’orphea, et le lecteur est en droit de se demander comment ils n’ont rien vu à l’époque. Ils ne semblent d’ailleurs pas avancer plus et doivent leurs découvertes en grande partie grâce au travail d’Anna. Cela donne à l’histoire, avec le profil plus que fantaisiste de certains personnages,  une note burlesque que l’on appréciera ou pas.

Le personnage de Steven Bergdorf est grotesque et pathétique,la domination facile qu'exerce sa maîtresse,  sa façon de cacher son crime, de faire disparaître la victime pratiquement sous le nez de son entourage n’est guère plausible, je me suis souvent demandé ce qu’il faisait dans ce roman suffisamment long.

 Si la résolution de l’enquête n’est accessible qu’à la toute fin de l’histoire, comme savent le faire quelques auteurs de bons thrillers, elle n’en demeure pas moins sans surprise.

Le récit se serait révélé beaucoup plus efficace avec Anna, policière de choc à la personnalité bien affirmée peut être soutenue par les deux héros, Dereck et Jesse, mais l’auteur voulait-il réellement écrire un thriller ou souhaitait-il raconter des fait passés et non digérés par nos héros ? 
Voulait-il présenter des personnages d’un point de vue psychologique et relationnel ?  

J’aurais bien envie de terminer par un conseil aux lecteurs : amateurs de thriller, passez votre chemin , en revanche, si vous aimez les petites  communautés urbaines où chacun joue un rôle et mérite qu’on s’intéresse à son état psychologique, ce livre est pour vous.


lundi 16 avril 2018


  
Croyance, mythes et légendes des pays de France


Paul Sébillot
Ed Omnibus


   Paul Sébillot fut un écrivain et chercheur des plus prolifiques de son temps puisqu'il a publié un grand nombre d’écrits entre 1875 et 1911, s’intéressant particulièrement aux mythes et légendes de haute et basse Bretagne. Croyance, mythes et légendes des pays de France est une réédition toute fraîche d’un essai intitulé en 1906-1907,  Folk-lore de France

Saviez-vous que ce que l’on aperçoit sur la face visible de la lune n’est autre qu’un homme condamné pour avoir travaillé le jour du Seigneur ? Que la landes au paysage désolé abrite nombre de créatures maléfiques, de lutins farceurs et autre âmes en peine qui se mettent en furie si vous sifflez, que certaines terres incultes sont le résultat du comportement d’habitants au cœur de pierre qui chassèrent Jésus déguisé en mendiant et qui demandait un peu de pain ? que les montagne sont le fruit des luttes entre géants qui se battaient sous terre ou encore que Gargantua passant par la avec sa canne fit s’accumuler des rochers que l’on peut encore voir aujourd’hui ?

Bible des mythe et des légendes, ouvrage très complet a été écrit entre 1904 et 1906, certainement après un travail de recherche acharné pour exposer les mythe qui régissaient la vie de tout un chacun.
Pour donner une idée de cet aspect « fouillé « : voici la lune sous toutes ses faces :

Les légendes qui entourent la face visible de la lune, très souvent un « homme de la lune qui généralement est un condamné, très souvent qui a refusé de respecter le repos dominical, et qui est fait prisonnier de la Lune devenue alors sorte de piloris ou le condamné est exposé avec l’instrument de sa faute, très souvent un fagot, au regard de tous jusqu’au dernier jour, cette légende est déclinée avec toutes ses variantes d' un lieu à un autre.

Mais Paul sébillot ne se contente pas de rapporter les légendes, il explique comment la vie de tous les jours est conditionnée en ce début de siècle par la lune : sa position , son aspect, la phase de la lune semblent déterminer l’avenir de l’enfant à naître.

On s’’aperçoit que la croyance  l’influence de la lune sur certains détails de la vie quotidienne a la vie dure et semble toujours de mise aujourd’hui : la pousse des cheveux, des ongles… ce que l’on n’a jamais pu prouver, mais la sagesse populaire liée à l’observation des phénomènes naturels et de l’environnement possédait peut- être un fond de vérité qui sait ?

Pour compléter encore les connaissances sur la lune (ce chapitre est mentionné à titre d’exemple, les autres étant écrits sur le même modèle),  Paul Sébillot liste les expressions renfermant le terme de Lune et établit un lien avec l’origine de certains comportement humain tel que lunatique, être mal luné…

Et l’on constate que tout élément de la vie quotidienne s’explique par une croyance qui donnera lieu à une légende qui se propagera de contrée en contrées, d’où ses multiples variantes. Tout élément, et aucune omission : l’auteur commence par évoquer les phénomène naturels ( Lune, nuit, eaux, mer, astres) puis rapporte les mythes qui expliquent la fondation des espaces géographique, (montagnes, collines, grottes), et il poursuit en racontant de beaux contes des origines qui expliquent la morphologie des mammifères, des oiseaux domestiques ou sauvages, les poissons, les crustacés, les insectes,  ainsi que tous les rituels  et les pratiques pour conjurer le sort en cas de mauvais augure.

L’environnement n’est pas oublié : les arbres, les plantes qui guérissent ou tuent , sièges d'esprit bienfaisants ou non ont leur rôle dans nos bonnes vieilles légendes rurales.

L’auteur tente également de faire part de ses recherches sur les villes, l’origine de leur nom, des noms des rues souvent liés à des faits avérés qui devinrent légendes avant de sombrer dans l’oubli : en 1906, les légendes urbaines commençaient à s’effacer et comme l’affirme Paul Sébillot, il était grand temps d’en recueillir les derniers échos. Qui, aujourd’hui est capable de raconter ces histoire qui se sont égarées dans la nuit des temps ?

Parmi les derniers livres de cet essai, le livre neuvième est consacré à la préhistoire et relate l’origine des mégalithes reprenant les écrits de Prosper Mérimée, La Tour d’Auvergne et autres auteurs qui affirmaient que les mégalithes ont servi à des cultes sanglants, des sacrifices humains, ou encore de sépultures, J'ai eu le sentiment, à la lecture de cet ouvrage, que la recherche dans le domaine des mégalithe n'a pas beaucoup avance et que nos tables de pierres, nos tumulus et nos menhirs n'ont pas encore livré leurs secrets.

Paul Sébillot expose ces théories pour mieux revenir aux légendes qui entourent ces édifices de pierre peut-être en grande partie disséminés par Gargantua (on remarquera que le plus petit caillou, la montagne la plus élevée, les vallées encaissées, les gorges les ravins et les terrains accidentés sont très souvent l’œuvre du géant).

Le livre dixième dresse un inventaire des bâtiments de préférence hantés,  le livre onzième rapporte l’histoire humaine : la société et ses divisions (prêtres, moines, ermites, templiers, nobles, vilains, les guerres, les sièges, pour se terminer par l’histoire de France dans la tradition populaire et les légendes qui entourèrent Henri IV, Napoléon et autres personnages illustres.

Respect pour ce chercheur qui a certainement passé une bonne partie  de sa vie à cheminer à la recherche de ces légendes et qui voulut produire un ouvrage des plus complets toujours intéressant ausjourd’hui et qui méritait bien d’être réédité. 

Nul besoin de nouvelles recherches, Paul Sébillot a tout dit, à moins que quelque légende ait vu le jour après sa mort en 1928.

Il ne faut pas chercher dans ce pavé, de légendes enjolivées d’images et écrites de main de virtuose de la langue, ce n’était certainement pas son objectif. Cela ne l’empêche pas d’être passionnant.

Il aurait toutefois mérité d’être repris aujourd’hui, certainement en plusieurs tomes illustrés d’images, d’œuvres d’art, de cartes, de photos anciennes, ce qui aurait rendu la lecture moins fastidieuse, car ce fut long, très long à lire. Je ne regrette pas cette lecture qui m’a beaucoup appris.

lundi 2 avril 2018


   
Lire !


Bernard et Cécile Pivot
ed Flammarion

    Préambule : je suis allée religieusement à la librairie pour acheter ce livre écrit par un homme pour qui j’ai beaucoup d’admiration. Ce livre, il en a soigné la présentation, la libraire me l’a apporté délicatement enveloppé d’un film plastique, un livre pas encore prêt à livrer ses secrets, un livre qui sait se faire désirer !!!

  Je l’ai déshabillé, ouvert, palpé, il fleurait bon le livre neuf, et pour ma plus grande joie, il était parsemé d’images. Le papier est doux au toucher, je le hume, je le serre contre moi… et je me hasarde à lire la quatrième de couverture… pas de doute, ce livre 
m’appelle …

  La première double page me laisse pensive : une grande image en noir et blanc que je me garderais bien de dévoiler pour ne pas saper la lecture d’autrui. puis une petite sentence, un sujet de méditation éternelle...

  Je commence la lecture, elle me fait du bien, ce qui est certain, c’est que Bernard et Cécile prêchent une convertie, et j’espère qu’ils parviendront à ramener quelques brebis égarées dans les méandres de cette société de consommation qui nous conduit à nous perdre dans le monde de l’image et de l’image seule. Cécile insistera sur ce fait à la fin de cet ouvrage.

  Que me reste-t-il de ma lecture à présent ? Le bonheur d’avoir prévu pour ce livre, une place de choix dans ma bibliothèque (à côté de « comme un roman » de Daniel Pennac), afin de le consulter de temps en temps et de faire en sorte qu’il ne tombe pas dans l’oubli.

  Je garde en mémoire  le respect des deux auteurs pour le livre,  leur besoin quotidien d’un contact avec l’écriture , le bien être qu’ils éprouvent quand ils entrent dans une librairie, leur amour des mots, leur manière différente de s’adonner à la lecture, leur insatiable faim livresque.

  Cet ouvrage m’a sans cesse ramenée à ma propre pratique de la lecture : mes rituels, ma façon de m’installer pour lire, le sort des livres avant et après lecture, mon rapport au dictionnaire, mes lectures de vacances, ma façon d’aborder un livre mais aussi les  lecteurs : combien de fois ai-je eu envie de demander à un inconnu ce qu’il lisait dans le train… sans oser interrompre sa lecture... Bernard Pivot lui, l’a fait,  mais bon, il s’appelle Bernard Pivot !!!

  Ce que l’on perçoit de Cécile sa fille, c’est une religion pour la lecture, jamais découragée par un père qu’elle aurait pu juger envahissant et justifiant sa pratique par un besoin quotidien de sa « dose », elle était capable de se cacher pour lire, quelle passion formidable.

Cette pépite, je vais encore l’ouvrir, lire un chapitre, la poser, la reprendre… non je ne la libérerai pas comme cela m’arrive parfois.

dimanche 1 avril 2018




Autobiographie d'un virus
  

Eric Nataf
ed Odile Jacob poche

   Fin du XXème siècle,  l’humanité est menacée d’extinction car un mal se propage dans la substance séminale, les spermatozoïdes perdent une partie de leur mobilité et seront désormais qualifiés de spermatozoïdes raides, incapables de franchir la barrière utérine pour aller rencontrer l’ovule, si ce n’est par fécondation in vitro.

Voici un thriller tout à fait original qui frise le roman d’anticipation, dont les enquêteurs sont, non pas des policiers, mais des chercheurs en virologie, dont le criminel est un virus. 

Le suspens est entretenu par le narrateur qui dès le début, semble avoir quelque chose de lourd à livrer à ses lecteurs, il s’agit de Max Journo, un homme de quatre-vingts ans qui relate un fait survenu alors qu’il avait une trentaine d’année et qu’il officiait au CECOS de l’hôpital Necker. 
L’auteur nous introduit dans le milieu de la recherche, de la génétique, de la virologie et met en scène, Max Journo, découvreur de la maladie et Julia sa compagne.

Il ne s’agit pas là d’un roman facile à lire : les conversations des chercheurs sont parfois très « techniques »   et nécessitent des connaissances en génétique et en biologie, mais qu’importe, cela n’empêche aucunement de suivre la narration, d’ailleurs, j’ai beaucoup appris sur les virus en lisant ce roman. 
Il faut de surcroît être très attentif à sa lecture, car certaines déductions ne sont pas si aisées et je me suis parfois vue dans l’obligation de remonter les pages à la recherche d’un indice que j’aurais zappé… mais le suspens, reparlons-en est très subtilement introduit dans l’histoire : d’abord par le narrateur, puis par Julia, personnage ambigu qui se dévoile peu à peu,  puis classiquement par des chapitres qui prennent fin au moment opportuns, séparés  par des messages sibyllins  qui deviennent de plus en plus parlant et clairs en avançant dans le livre, messages dont on a des difficultés à cerner l’auteur et à percevoir la signification, écriture sans aucun doute volontaire de l'auteur, enfin par contribution du lecteur : on commence par envisager des situations, puis l’on entrevoit un réel danger, et on s’aperçoit que le danger est plus grand que ce qu’on avait imaginé, et ce jusqu'à la dernière page.

Un bon roman, peu lu, mais que je conseille vivement si vous avez envie de lire un thriller qui sort de l’ordinaire.