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mardi 25 octobre 2016

Une guerre d'extermination.
Espagne 1936-1945




  La guerre civile espagnole ne fut pas qu’une guerre dont l’objectif premier n’était que la prise de pouvoir par un général d’extrême droite. L’Espagne connut en amont, une période de forte instabilité politique (succession de la dictature de Primo de Rivera et d’un front populaire contesté par les « latifundistas » ou propriétaires terriens, par le clergé, par les ouvriers eux-mêmes). Dès le début du siècle, la classe bourgeoise reçoit un message amené par les catholiques d’extrême droite au sujet d’une alliance secrète entre les juifs, la franc-maçonnerie et l’internationale communiste dont l’Espagne serait la cible, complot qui viserait à détruire la chrétienté. Cette propagande s’immisce insidieusement en Espagne et s’alimente en raison des mesures anticléricales prises par le gouvernement républicain de cette période : plus de direction d’établissements par des gens d’Eglise, obligation de mariage civil, mesures provoquant la colère des religieux influents qui se rangeront du côté des rebelles.

Ces tensions eurent pour conséquence une incitation à la haine par l’extrême droite forte de ses éléments nationalistes, carlistes (royalistes), phalangistes, catholiques et qui se livrera, comme le titre l’indique, à une extermination des dissidents. Notons que les dissidents dans le cas présents, ne sont pas que les membres du parti républicain, mais toute personne ne répondant pas au profil attendu par le pouvoir usurpé. (Voir citation).

Paul Preston présente dans cet ouvrage, une étude poussée des événements de la guerre civile espagnole visant à montrer que tout au long de cette guerre, on légitima le massacre de milliers de gens sous couvert de lois décrétées par des généraux  (les africanistas, des militaires qui firent carrière dans l’armée coloniale au Maroc, réputés être des brutes sanguinaires). Le général Franco s’efforcera par la suite de fournir durant quarante ans, une version de cette guerre au peuple espagnol, niant la terreur d’un peuple, visant à donner une vision falsifiée et avantageuse de cette période à l’étranger.

Fruit d’un travail de recherche conséquent, ce livre fait l’inventaire, parfois bien difficile à soutenir pour le lecteur, des exactions commises durant l’occupation de l’Espagne par les militaires organisés en colonnes de la mort progressant vers chacune des régions et répandant terreur et deuil parmi les populations : on exécute les républicains, les familles des républicains, les ouvriers, les femmes, les enfants…on humilie les hommes, les femmes (fréquemment tondue et obligées à ingérer de l’huile de ricin),  à se demander comment des hommes ont pu se livrer à une telle barbarie.
Je n’ai pu m’empêcher d’établir un lien entre la seconde guerre mondiale et la guerre civile espagnole, d’autant plus que Franco a travaillé en collaboration avec le régime nazi : des militaires qui se livrent à des exactions, une chasse aux rouges, décrétés sous-hommes par les rebelles qui se sont emparés du pouvoir. Un certain Antonio Vallejo Nágera prouvera par des recherches dites scientifiques, qu’il existe un « gène rouge » et établira un lien entre marxisme et déficience mentale, et fort de ces découvertes, affirmera qu’il existe une race espagnole pure. A l’instar d’Hitler développant sa politique d’extermination des juifs, Les phalangistes et autres nationalistes se livreront à l’extermination du « rouge ».

La guerre civile espagnole est peu connue du publique, et il est parfois difficile d’entrer dans un roman se déroulant dans le contexte de cette guerre, mais après lecture pas toujours aisée de cet ouvrage, je vais me sentir très à l’aise avec les connaissances de base à posséder sur la guerre civile. Lire des romans sur la question après ce livre m’apparaît presque nécessaire pour se faire une idée de la guerre, non plus d’un point de vue des forces en présence, mais pour étudier le ressenti des populations terrorisées lors de la progression de ces colonnes de la mort, lors de la prise des villes qui tombèrent aux mains des nationalistes les unes après les autres.

Cet ouvrage restera certainement longtemps un ouvrage de base pour toute étude poussée sur la question de la guerre d’Espagne, bible de l’historien ou de l’étudiant ou des personnes qui désirent parfaire leurs connaissances de cette terrible période. 

Je recommande cet ouvrage en avisant les âmes sensibles de s’abstenir.




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