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jeudi 29 août 2024

 

Les armes de la lumière












Ken Follett 

Ed Robert Laffont, 5/10/2023, 772 pages



C’est avec une certaine tristesse que je referme mon livre, parce qu’il s’agit du dernier tome des piliers de la terre, une série de romans que j’ai particulièrement appréciés. On comprendra aisément pourquoi ce tome était le dernier : Ken Follett nous a régalés en couvrant de grandes périodes historiques, son travail est complet et montre une belle évolution de la société entre le moyen-âge et la période napoléonienne, aussi, que pourrait-il écrire encore qui entrerait dans cette série ? Un roman sur les deux guerres ? Absolument pas, cela constituerait un doublon, les trois volets « du siècle » prennent le relais.

Merci à ce grand auteur de nous avoir régalés durant 23 ans. Ce dernier volume apporte de grands changements : On ne parle que très peu de la cathédrale de Kingsbridge, bien qu’elle s’érige toujours fièrement et génère une certaine activité, on a toujours, parmi les personnages, des bons et des mauvais, j’ai d’ailleurs commencé à lire en me demandant qui allait être le "gros méchant" de l’histoire, et il m’a semblé légèrement plus délicat que les monstres du passé, quoique très manipulateur et calculateur. C’est la signature de l’auteur, c’est une façon de faire réagir le lecteur, c’est un moyen de souligner les injustices de l’époque.

On se retrouve cette fois, dans l’univers des drapiers et des tisserands, dans un contexte ou l’ouvrier voudrait des droits, où les nantis ne sont pas prêts à abandonner leurs privilèges et leur pouvoir de décision, où l’on craint la contagion française, malade de sa révolution, où l’on va faire connaissance de cet empereur détesté des anglais, où la guerre va faire rage …

Ce volet est excellent, la documentation est approfondie et l’exposé admirable.  Le déroulement de la guerre, à laquelle prennent part la plupart de nos héros, est parfois un peu long, la stratégie, les mouvements de troupes et le combat ne faisant pas partie des sujets que je préfère.

Concernant la pratique religieuse, on en a terminé depuis longtemps avec les querelles entre protestants et catholiques (cf une colonne de feu), place à la scission entre méthodistes et anglicans.

Cette période m’a paru extrêmement difficile à vivre, la justice ne se montrant que très peu clémente à l’égard des contrevenants, les jugements très sommaires, aucun avocat, des peines lourdes, la justice entre les mains de quelques individus qui non contents d’amasser toujours plus de richesse, détiennent un pouvoir quasi sans limite.

On constatera également les retombées économiques de la révolution et de la politique napoléonienne que l’on devine, bien qu’il ne soit pas fait mention du blocus continental que l’empereur infligea à l’Angleterre.

J’ai beaucoup appris en lisant ce dernier roman, comme dans les autres. Et j’attends avec impatience le prochain, qui sait, peut-être une autre série verra-t-elle le jour ?

 

 

 

 

mardi 20 août 2024

 

Une institutrice au XIXe siècle









M Reiter

Réédition de 1996, épuisé, 131 pages.


J’ai éprouvé bien des difficultés à lire cet ouvrage sans sourire parfois, sans m’agiter à d’autres moments et surtout sans oublier que cet écrit date de la fin du XIXème siècle : la séparation de l’Eglise et de l’Etat allait devoir attendre encore quelques années et l’enseignement religieux était alors inclus dans les programmes. Le féminisme n’était pas de mise, on apprenait donc aux jeunes femmes à devenir des mères et des épouses.

Ce témoignage raconte l’histoire de Mademoiselle Anne-Sidonie Wanham et de ses sœurs qui ne se séparèrent jamais. Eduquées dans l’amour du travail bien fait et dans la foi (Sic) , elles connurent un parcours qui les mena à l’enseignement. L’aînée, Anne-Sidonie, devint directrice d’un établissement de Nancy et se dévoua corps et âme à ses pensionnaires, gérant leur vie d’internes (certaines étaient externes), et leur avenir en respectant un programme complet : arithmétique, rhétorique, grammaire, lecture, sciences (peu), histoire, chant, éducation physique, mais également travaux d’aiguille, et tout ce qui allait leur permettre de devenir des épouse accomplies (j’ai envie de hurler là !, mais bon, je continue à analyser ce document à la lumière d’une époque, où la vierge apparaissait, où il était préférable de mourir en odeur de sainteté, où l’éducation n’aurait su se passer de l’aspect spirituel.

On y apprenait également l’organisation, le rangement, le pardon, l’hygiène, on ne se contente pas de soigner les maladies, on fait en sorte de les prévenir, chaque minute de la journée étant prévue, les fêtes chrétiennes respectées et marquées, la prière obligatoire.

On remarquera une participation active de l’auteur de ce texte qui encense Anne-Sidonie et met en évidence ses valeurs morales, sa foi, son abnégation comme s’il avait souhaité une béatification voire une canonisation.

Un ouvrage à lire en prenant bien conscience qu’il s’agit d’une autre époque et que la société a évolué. Parfois long et rébarbatif, ce livre n’en demeure pas moins un témoignage intéressant.

samedi 17 août 2024

 Son odeur après la pluie













Cédric Sapin-Defour

Ed Stock, 29/03/2023, 285 pages


 A l’instant où je commence à écrire, je me rends compte que ce billet ne sera pas chose aisée, tant ce livre exprime un ressenti, le ressenti de son auteur à l’égard de son chien. Je peux cependant affirmer que je partage pleinement le vécu de l’auteur et son point de vue, moi-même passionnée par la gent canine.

J’ai ressenti une grande crainte en ouvrant ce témoignage, car l’écrit me semblait dilué avec des pensées vagabondes qui semblait éloigner du sujet, mais l’histoire de ce chien et de son maître, de leur relation, de leur lien très fort est fascinant, et je comprend fort bien que l’auteur se pose la question de sa relation aux humains, je me la suis moi-même souvent posée, mais on réalise que finalement on ne confond pas relation humaine et relation avec l’animal, on considère l’animal tel qu’il est, certainement plus simple dans sa façon de fonctionner, d’appréhender la vie. Il en est de même pour l’humain, sauf que ce dernier est plus complexe et difficile à cerner.

Le chien : il vit, il sait parfaitement vivre l’instant présent, il ne sait d’ailleurs pas envisager l’avenir, on aimerait pourvoir l’imiter, pas de soucis du lendemain, pas d’esprit matérialiste, le chien vous aime tel que vous êtes, amour inconditionnel, parfois prêt à donner sa vie pour la personne avec qui il la partage,  Cédric Sapin-Defour le mentionne sans doute, je ne me souviens plus, mais on évitera le terme de « maître » qui enferme dans une relation « dominant dominé ».

Ainsi l’auteur nous livre le fond de sa pensée tout en racontant son histoire avec ce chien qu’il a adopté petit, affirmant qu’ils se sont choisis tous les deux, ce chien qui ne l’a plus quitté, qu’il a grandi et vieilli à ses côtés qui a partage sa vie durant une période trop courte puisque c’est la mort de l’animal qui les a séparés. C’est insupportable de savoir qu’un chien vit aussi peu, c’est sans doute le seul point négatif à assumer quand on adopte un chien, si on ressent cette relation profonde avec l’animal.

Je ne sais pas comment on peut aborder cet écrit si on n’a pas l’expérience de ce partage de vie avec un animal, je dis là « animal » volontairement car je connais des passionnés de chats (des créatures que j’aime beaucoup aussi) qui vivent des expériences similaires.

Ce chien, Ubac, dont la vie nous est contée, mérite amplement ce livre qui l’immortalise.

 

 

lundi 12 août 2024

Nathan





John Gilstrap,

Ed livre de poche, 4/04/1996, 384 pages



En refermant ce livre, je sens qu’enfin, je peux respirer, car c’est bien l’impression qui se dégage après lecture de cet impitoyable thriller : une sorte de paralysie respiratoire face aux faits énoncés. Et pour cause : le héros de ce roman, Nathan, est un enfant de douze ans. Un enfant qui va devoir se battre pour se justifier aux yeux de l’Amérique entière.

 Le lieutenant Warren Mickaël, profitant en famille de la fête de l’indépendance Day en famille, est appelé sur les lieux d’un drame : un enfant a tué un « éducateur » du centre de détention après quoi, il a pris la fuite. Le district, puis l’état et enfin le pays se retrouvent confronté à un fait divers hors norme et qui a de quoi alimenter la presse quotidienne, entre les policiers qui se promettent d’avoir la peau du tueur, un politique qui craint pour son accession au poste de sénateur et qui promet de le faire juger cet enfant comme un adulte, allant jusqu’à brandir la menace de la chaise électrique, notre héros qui se cache dans les maisons dont les propriétaires sont absents et qui interpelle la population par le biais d’une émission de radio populaire qui divisera l’Amérique en deux camps au sujet de sa culpabilité.

On suit cet enfant obligé de se déplacer de nuit, de voler des voitures pour se sauver, passer un barrage, fournissant un incroyable suspens aux lecteurs, suspens qui ne s’arrête pas là : Nathan semble né avec un karma peu enviable : un oncle violent qui l’avait recueilli après la mort de son père, des actions qui émanent de la pègre, un personnage violent plus qu’inquiétant qui intervient, toute une cabale contre laquelle on se demande bien comment Il va s’en sortir.

Si quelques passages dans la première moitié du livre sont confus, c’est parce que l’auteur délivre volontairement des informations avec parcimonie, d’où un certain questionnement, une certaine incompréhension de la situation. Mais tout s’éclaircit au fil des pages.

Un roman très « américain » qui décrit une société qui se veut impitoyable à l’égard d’un enfant qui représente la délinquance que l’on veut éliminer sans se poser de question quant à la situation qui peut l’amener à tuer, une description bien noire des « maisons de correction » et centres pour enfants.

Dire que je n’ai pas aimé serait mentir, je l’ai dévoré en deux jours, parfois en serrant les dents face à des scènes violentes ou à des réactions d’adultes révoltantes. Je le considère plutôt, après lecture, comme un roman à sensation d’une valeur littéraire moyenne. Un roman tout de même marquant que l’on ne peut oublier si facilement.

jeudi 8 août 2024

 

Les poupées












Alexis laipsker

Ed Michel Lafon, Pocket, 3/02/2022, 432 pages.


Je n’avais jamais lu de roman d’Alexis Laipsker, c’est chose faite et je ne le regrette pas, bien au contraire, ce premier thriller que j’ai particulièrement apprécié me donne l’occasion et l’envie d’aller dévorer les romans précédents !

Un thriller donc, comme je les aime : Venturi, dit le cowboy un commissaire au tempérament bien trempé, qui n’a peur de rien et réponse à tout, un vieux de la vieille qui a tout vu, qui possède ses faiblesses cachées, accompagné d’une psychologue, Olivia Montalvert, dite Menthe-à-l ’eau qu’il sous-estime bien qu’elle fasse avancer l’enquête à grand pas.

L’enquête, comme dans tout bon policier, patauge au départ : des individus quasi momifiés, rasés, mutilés, parfois en état de décomposition avancée, des indices qui n’aboutissent à aucune réponse, pas d’écrits expliquant ces crimes, une obligation de recherche poussée dès le départ, de belles avancées liées au travail de nos deux héros.

Mais cela n’aurait pas suffi à produire un récit de cette qualité, il manquant le petit quelque chose qui allait captiver et inquiéter le lecteur, cet aspect du roman qui réveille les frissons du lecteur : une jeune femme qui s’annonce voyante, qui vit seule dans une maison isolée au milieu de nulle part, qui se sent observée, suivie, et que l’on retrouve en alternance avec le travail des enquêteurs. Une situation qui met mal à l’aise, le lecteur percevant un danger non défini, avec en plus un commentaire qui suit, sorte de journal, vraisemblablement écrit par le meurtrier, visant l’unique locataire des lieux, un meurtrier qui se place en observateur, ce qui confirme les doutes de cette femme.

Admirable la façon dont l’auteur est parvenu à générer le ressenti du lecteur. Je me suis sentie alternativement angoissée par la situation de la voyante, victime potentielle, puis dynamisée par la détermination du cow-boy, son efficacité, sa ténacité. Aucun temps mort, aucune longueur dans le récit.

J’ai beaucoup aimé la compétence dont Olivia Montalvert fait preuve en dévoilant ce que le cow-boy enfouit au plus profond de son âme révélant une fragilité plus importante que ce que l’on pourrait imaginer en observant ses actions.

Amateurs de thrillers, ne passez pas à côté de cette pépite !

samedi 3 août 2024

 Stella et l'Amérique











Joseph Incardona,

Ed Finitude, 5/01/2024, 224 pages


Alors que dire … ?

J’ai commencé par sourire jusqu’aux oreilles, le sujet du roman pouvant fournir au lecteur un rendu des plus comiques, un rien narquois, intéressante caricature du milieu ecclésiastique, auquel on ajoute quelques tueurs à gage, un road movie très prometteur, une chasse à l’homme (plutôt à la femme, et quelle femme, une sainte à laquelle le clergé n’était pas accoutumé), qui se ramifie de telle sorte qu’on finit par se demander qui chasse qui … C’est bien pensé, y ajouter l’intervention régulière de l’auteur qui intervient dans le roman,  nous régalant de ses commentaires et de ses conclusions politico-philosophico schtroumpf…

Ça m’a tenue en haleine durant une bonne moitié du livre, je me suis sentie dès le début en éveil et à l’affut des répliques qui ne manquaient pas d’humour, et intriguée par la tournure qu’allaient prendre les événements, j’ai poursuivi … Mais hélas, je me suis lassée, les répliques comiques étaient plutôt diluées dans un grand tout qui donnait l’impression d’un auteur qui s’écoute écrire.

Une lecture mitigée donc, la mayonnaise a pris, puis est retombée, c’est dommage, car les personnages, leur état d’esprit, leur cheminement, leur comportement sont dignes d’intérêt, j’ai beaucoup aimé le pape et son langage autoritaire, les cardinaux qui se rattrapent, manquant d’employer un vocabulaire souvent peu châtié pour des hommes d’église, le père Brown pour qui les armes n’ont pas de secret, les frères Bronski peut-être pas aussi bêtes que méchants, et Stella, innocente Stella à l’esprit pur et qui ne demandait rien.

Je ne vais pas en rester là, il me faudra lire d’autres livres de l’auteur pour me faire une idée.