L'attrape Coeur
J.D.Salinger
Ed Lafont
1951 : Jérome David Salinger nous offre un roman
certainement original pour l’époque, qui a dû contrarier une bonne partie de la société américaine, et qui aurait déjà pu s’intituler la cause
des adolescents. Il faudra attendre quelques années pour que l’on écrive sur une
période aussi difficile de la vie d'un être humain.
J.D.Salinger, par ce récit, nous livre un véritable plaidoyer
en faveur des adolescents. Il confie la parole à l'un d'eux : Holden, avec sa façon de s’exprimer des ados
de l’époque, qui peut faire sourire aujourd’hui, si on la compare avec le jargon de nos jeunes, car à l’époque, pas de
verlan, de l’argot déjà, pas mal de qualificatifs empruntés au registre familier voire injurieux, des phrases qui terminent par « et tout », un langage qui reste compréhensible et ne justifie aucun glossaire contrairement à des romans comme "Fief" de de David Lopez ou "Grand frère" de Mahir Guven. Je salue au passage le travail du traducteur qui a dû bien s’amuser !
Notre ados, donc, Holden Caulfield, nous raconte son
aventure. Il se présente, noyant cette présentation dans une abondance de détails,
relatant des événements qui n’ont pas forcément de liens, il expose ses trois
jours de fugue, met sur le même plan, sa fugue, le problème des canards de Central Parc l'hiver, les désagréments causés par son voisin de chambre qui s'assoit toujours sur le bras du fauteuil, la mort de son frère... Il raconte de façon extrêmement confuse, ce qui témoigne de son désordre
intérieur, il se cherche, se détruit pour espérer se reconstruire, c’est du
moins le projet qu’il laisse entendre : devenir un adulte, se marier et
assurer le bien-être de sa famille. Son projet, il le présente durant ses déambulations dans la ville de New-York, errance à la fois effective et symbolique.
Ce qui est formidable dans son exposé de sa vie, de
ses soucis, de ses amours, c’est la façon dont il communique : ses idées inconscientes s’échappent
pour aller droit se loger dans la tête du lecteur sans que celui-ci ait
beaucoup d’effort à fournir, ainsi donc l’auteur est parvenu à ses fins : faire
comprendre le mal être d’un jeune, et faire reconnaître que l’on ne passe pas
de l’état d’enfant à l’état d’adulte sans une transition souvent douloureuse.
On comprendra rapidement le personnage :
Holden transgresse, c’est que tout
ado qui se respecte sait le mieux faire : il cherche à braver les interdits
en buvant de l’alcool, en côtoyant une prostituée, en quittant son
établissement, en n'écoutant pas les conseils de ses interlocuteurs,
Holden déteste ou plutôt, il rejette : le cinéma qui lui a pris
son frère aîné parti à Hollywood, il déteste les profs, il déteste d’une façon
générale, les adultes, il déteste ses pairs par peur, il déteste à outrance… Mais une chose est
certaine, à travers son intarissable bavardage, on ressent un amour profond à l’égard
de sa famille.
Après une courte adaptation à ce parler d’adolescent
confus et bagarreur qui polémique volontiers, on sourira en lisant certaines de ses affirmations,
de ses évaluations abusives ("Je devais bien avoir fumé ce jour-là trois cartouches
de dix paquets"…"Sous le manuel, il y avait un tas de carnets, des carnets elle
en a dans les cinq-mille…"), on s’attache, on se demande ce qu’il va devenir,
comment va se terminer cette histoire. On interprète ses paroles, on se demande
s’il finira par sortir de sa chrysalide, et puis on se dit que oui, certainement,
et on comprend alors combien le passage à l’état adulte est laborieux. On comprendra également que cette période est celle de toutes les déviances et de tous les danger qui menacent les futurs adultes.
Un classique à ne pas manquer .
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