La terre
Emile Zola
Ed livre de poche
En tournant
la dernière page de ce terrible roman, j’ai tendance à me dire que j’ai lu « du
grand Zola » mais un petit Rougon-Macquard
qui fait arriver un jour à Rognes, Jean, frère de Gervaise dans l’assommoir,
unique représentant de la famille, solitaire, mais qui se pose en témoin des
actions dans l’histoire, qui contraste avec la majorité des personnages du
roman par son comportement posé et veule et qui constitue une sorte de fil
conducteur du roman, et qui, à l’instar d’Etienne dans Germinal, me
semble-t-il, arrive au village, y passe un certain temps, puis s’en va,
apportant dans le monde paysan, une autre vision des situations.
Trois
maîtres mots pour résumer l’histoire : l’argent , la terre, la
gaudriole pour rester correcte dans mes propos. Je place la terre en deuxième
position car il semble bien que pour ces gens, la terre soit la source de l’enrichissement
pour certains, et de la cupidité pour d’autres.
Au fil de ma
lecture je me suis interrogée longuement sur la vision qu’Emile Zola avait de
ces gens qu’il n’a pas forcément côtoyés et qui décrit des personnages
au tempérament bien marqué comme il aime le faire :
Fouan, l’aïeul
partage son bien entre ses trois enfants : Hyacinthe dit Jésus Christ,
peut-être le plus sympathique des trois, ivrogne qui s’empresse d’hypothéquer
sa part d’héritage pour se livrer à son passe-temps favoris, la boisson, et en
faire profiter ses amis. Plutôt comique, incapable d’évaluer les situations qui
réclament du sérieux, facétieux, mais pas mauvais bougre, en tout cas le plus
agréable des trois avec son vieux père bien qu’il lui soutire de l’argent et essaie
de dégoter le « magot » économisé par ce dernier.
Fanny, la
fille de Fouan, près de ses sous, les pieds sur terre, reprochant pratiquement à son père de se nourrir et d’avoir quelques
maigres plaisirs.
Buteau,
personnage clé du roman, cupide, violent, trousseur de jupons quoique
semble-t-il travailleur qui ne trouvera le repos que lorsqu’il aura dépossédé
son père de ses biens.
La grande, sœur
de Fouan, sans doute doyenne du village, avare, calculatrice à en devenir
comique, aimant semer la zizanie, et que tout le monde craint.
Viennent ensuite de nombreux personnages qui entrent en jeu permettre à Zola de décrire une communauté paysanne dans une région bien française : la Beauce.
J’ai retrouvé dans la terre, une ambiance décrite par mes propres grands-parents et par mes parents qui ont grandi dans un milieu paysan du Morbihan, ambiance que j’ai des difficultés à expliquer : même si la vie est dure, faite de travail pénible au quotidien, si on se lève et que l’on se couche avec le soleil, il ressort malgré tout de la gaieté de ces scènes paysannes : le travail est communautaire, l’entraide existe et c’est avec le sourire que j’ai abordé pas mal de scènes, même lorsque que les situations amenaient des personnages à se battre, s’insulter, peut-être parce que je n’étais que le témoin de ces affaires, et qu’aujourd’hui elles feraient sourire (un peu l’histoire de la mule boiteuse du petit fils de Figatélix dans Astérix chez les Corses ), peut-être aussi parce que j’ai trouvé que les descriptions que Zola faisait du monde paysan sont caricaturales, même s’il y a un gros fond de vérité.
Question gaudriole, on est servi : ça passe son temps à s’envoyer en l’air dans les meules de foin, dans les granges, bref un peu partout, les femmes se retrouvent grosses sans que pour autant leur maternité ne s’épanouisse, loin de là, Zola ira jusqu’à employer le terme de « veler » en parlant de Lise, l’épouse de Buteau, et mettra en scène une double naissance : celle d’un veau à l’étable et celle de l’enfant de Lise et Buteau, scène cocasse et hilarante, frisant l’humour noir. Là je n’ai aucun récit de mes aïeux quant à la réalité de ces amusements d’ordre sexuel.
Certaines scènes sont particulièrement violentes, physiquement ou psychologiquement, Emile Zola ayant l'art de décrire la brutalité de certains personnages et de manier le verbe quand il s'agit de toucher l'autre en plein coeur.
Par ailleurs, la terre fournit un documentaire intéressant sur la condition paysanne au XIXème siècle, avec quelques débuts de progrès matériel à la portée des plus grosses exploitations, la révolte des paysans en ce qui concerne le libre-échange, la politique de l’époque (orléanistes ou bonapartistes), la monnaie, l’opposition entre les ouvriers et les paysans : si l’ouvrier s’enrichit, le paysan s’appauvrit (question du prix du blé) et inversement.
Cela faisait
très longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’apprécier un Zola et j’ai retrouvé
avec plaisir les descriptions qui sont si chères à ce grand écrivain.
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