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dimanche 8 décembre 2024

 

Houris












Kamel Daoud

Ed Gallimard, 15/08/2024, 416 pages



Cette guerre, je m’en souviens comme si c’était hier. Sur mon lieu de travail, je côtoie beaucoup d’Algériens, leurs enfant se montraient agités, comme leurs parents, ils ne parvenaient pas à exprimer la violence contenue dans leur esprit, les familles n’en parlaient pas devant les enfants, mais les enfants ont un sixième sens, il voyaient bien que leur parents n’appelaient plus leur famille au pays, et que s’ils joignaient de temps à autres, un aïeul, c’était pour n’obtenir que très peu de nouvelles, le peuple se taisait, et nous enseignants, on ne prenait connaissance des exactions des islamistes que par radio interposée,  ces années furent terribles !

C’est donc pour assouvir un besoin d’information , bien des années après, que j’ai ouvert ce livre et constaté l’indicible, très bien exprimé par une jeune femme que l’on a privée de ses cordes vocales, une jeune femme enfermée dans son corps, ne témoignant que par le biais d’une canule, pas n’importe quelle canule, une canule qui gêne et qui constitue une trace des horreurs vécues par le peuple algérien, une canule à laquelle Imams et policiers  tournent le dos puisque cette guerre est plus qu’occultée et qu’il est interdit d’en parler, ce qui empêchera les familles des victimes d’obtenir reconnaissance et justice.

Aube, par sa langue intérieure, communique avec la fille qu’elle ne souhaite pas voir naître, qu’elle se refuse de voir soumise aux hommes, aux lois des imams et donc de Dieu, elle lui transmet son désir de la supprimer, ce leitmotiv ponctue le roman, et avec les noms affectueux de la mère envers sa fille, (ma Houri, ma lune, ma fillette…) confèrent à son récit une certaine ambiguïté, ambiguïté d’une mère dans l’attente, et d’une femme désirant supprimer son enfant par amour pour lui éviter les épreuves.

Si Aube évoque les événements de la décennie noire particulièrement ce qu’elle à vécu étant enfant, un autre personnage, Aïssa, déploie le livre de la guerre, attribue à chaque chiffre qu’il entend, une date et raconte les crimes des égorgeurs, et on réalise à quel point les meurtriers se sont disséminés dans une Algérie exsangue, les meurtriers, on les retrouve dans le témoignage de cette femme, jugée terroriste qui raconte son histoire à Aube.

Et Fajr (Aube) décide de retrouver sa sœur défunte là ou elle fut enterrée pour lui demander de décider du sort de l’enfant qui grandit en elle. Plus qu’un pèlerinage vers le lieu ou elle est morte, et ou elle naît une nouvelle fois, on assiste à une errance, de nouvelles épreuves au cours desquelles elle montrera son impuissance face à la domination des hommes, à la loi de Dieu, à la condition des femmes soumises.

Ce roman était indispensable pour témoigner d’une guerre qui, comme celle que nous avons connue en Europe avec toute la violence qu’elle a engendrée, devrait imposer un devoir de mémoire.

La lecture fut longue, des pauses m’ont été nécessaires pour pouvoir poursuivre ma lecture et apprécier le beau texte de Kamel Daoud. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une de mes pépites de l’année, pour ma part, ce récit marquant ne tombera pas dans l’oubli.

 

 

 

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