Chocolaté
Samy Manga
Ed Ecosociété, 22/03/2023, 136 pages
En refermant ce livre, je me
sens encore plus amère que le chocolat que je consommais sans me poser de
questions, à part peut-être quelque interrogation sur le goût généré par la
teneur en cacao des carreaux absorbés goulûment. C’est bon en cas de déprime
dit-on ! Considération d’occidental gâtée, c’est l’idée qui me vient à l’esprit,
et je me demande vraiment qui doit être déprimé dans cette histoire, certainement
pas les Européens qui vivent dans l’opulence, mais plutôt les planteurs de
cacaoyers exploités, abusés, décimés par les traitements dangereux qu’on leur
impose, maintenus dans la pauvreté à coup de sermon de prêtres blancs qui leur
promettent une place de choix dans l’au-delà, usés après leur courte vie de
labeur.
Un sentiment de honte, voilà
ce que je ressens à la lecture de ce roman marquant qui raconte l’histoire d’Abéna,
élevé sur l’exploitation de son grand-père et participant activement jusqu’à
son adolescence à la production des précieuses fèves, l’or vert qui leur permet
de vivre bien pauvrement, pour satisfaire les caprices des occidentaux.
Désormais, prélever un carreau
dans une tablette ne pourra plus pour moi, être un acte anodin car si on peut s’en
douter vaguement, parce que cela se produit bien loin, la consommation du
chocolat vendu par des empires qui s’enrichissent toujours plus est à l’origine
de la déforestation, de la fin de la biodiversité, de la mort d’individus quasi
esclaves, du travail d’enfants victimes de la gourmandise des pays riches, d’enfant
qui n’ont trop souvent même pas vu ne serait- qu’une barre de chocolat, leur
vie se réduisant aux semences, à l’irrigation, et ne voyant que des cabosses et
des fèves de cacao. Triste réalité.
Je me console en me disant que
le commerce équitable se développe dans ce domaine, j’ai eu la chance de
visiter l’été dernier, une fabrique de chocolat équitable qui travaille avec deux
plantations de Sao Tomé, le maître chocolatier se rendant régulièrement sur les
exploitations, et garantissant des conditions de travail et des salaires
décents à ses cultivateurs, tout en assurant la scolarisation des enfants. Ce chocolatier
a choisi d’abandonner son commerce avec le Ghana pour cause de déforestation. J’ajouterai
que ce chocolat ne contient ni lécithine de soja, ni huile de palme. C’est rassurant.
Ce beau roman, œuvre d’un auteur
camerounais engagé, connu pour ses écrits poétiques et qui termine son récit
par un magnifique poème, est de ces écrits qui font avancer, qui parviennent à
faire réfléchir et évoluer. Un roman qui devrait être lu par le plus grand
nombre.
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