Le peuple de l'abîme
Jack London
Ed livre de poche, 18/08/2021, 224 pages
1902 : Jack London bien
qu’ayant vécu des années de galère, évoluant au gré des emplois qu’il pouvait
trouver jusque vers 1894, décide de s’immerger dans les quartiers pauvres de Londres.
Cette décision, il la prend en tant que journaliste et on constater que cet
écrit, en plus d’un témoignage est un reportage complet sur la condition des
miséreux de White Chapel, et plus que cela car on peut, entre les lignes, y
voir une critique de la politique anglaise, côté obscur du beau règne de la reine
Victoria, défunte au moment où notre journaliste déambule dans les rues, côté
obscur du règne d’Edouard VII, une
analyse de la société anglaise en insistant sur la répartition des richesses, l’emploi,
la précarité et l’injustice ambiantes.
Il commence son expérience en
tentant de demander les services de l’agence Cook qui, trouvant cette idée
saugrenue, refuse de coopérer comme si on demandait à ses employés de se rendre
en enfer voire de signer leur arrêt de mort. On retrouvera ce comportement chez
d’autres individus tels que le conducteur du cab qui l’emmène dans l’East end,
le détective qui lui loue une chambre dans laquelle il pourra se réfugier en
cas de problème et bien d’autres qu’il rencontrera sur son chemin de misère.
Puis commence sa descente aux
enfers où il côtoiera une misère noire, une misère extrême, avec pour
compagnons de route, des hommes qui cherchent leur pitance dans la boue, à l’affut
du moindre noyau de cerise à croquer, des hommes qui se retrouvent, faute de
place dans les asiles, dans l’obligation de marcher toute la nuit dans Londres,
car la loi interdit de dormir lorsqu’on est dans la rue, il faut sillonner Londres,
y compris se rendre du côté de
Westminster, attendre l’ouverture de Green Park à 5 heures du matin où, épuisé,
on s’effondre sur les pelouses. Avec un peu de chance, on peut, de temps à
autres, avoir une place à l’asile en échange de travail, un travail avilissant
voire dangereux contre un quignon de pain sec et un peu de farine mélangée à de
l’eau…
Ce que je décris, n’est que la
face visible de l’iceberg hélas, on ira de surprise en surprise en constatant
que les animaux sont largement plus nantis que ces groupes humains, que la
haine n’a pas de limite, que les œillères de la bonne société londonienne sont
très efficaces.
Etude très fouillée, Jack
London va jusqu’à fournir des documents sur les procès et les peines des
contrevenants aux lois, à établir le bilan des comptes d’une famille type, de ses
besoins vitaux, montrant combien les revenus, lorsqu’il y en a, sont insuffisants,
il fournit des statistiques qui renseignent sur la mortalité infantile, sur le
statut des femmes, sur l’habitat et bien d’autres aspects du quotidien dans l’East
end.
Ce livre, je l’ai ouvert après
avoir visité le quartier de White Chapel au cours d’une visite conférence sur
les pas de Jacque l’éventreur, durant laquelle la conférencière a bien insisté
sur les conditions de vie dans ce quartier, terreau fertile pour les meurtres
étant donné que les autorités ne s’y risquaient que rarement. J’ai donc
doublement apprécié cet écrit : d’abord parce qu’il s’agit d’une
intéressante analyse de la situation, et parce que j’y ai retrouvé des lieux,
des noms de rues que j’ai parcourus, Un ou deux bâtiments qui existent encore
aujourd‘hui. Cela m’a permis de relativiser, la noirceur absolue de la deuxième
moitié du XIXème siècles et du début du XXème qui a laissé place à des
conditions de vie qui, si elles ne sont pas idéales pour tous, respectent un
peu plus les droits humains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire