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jeudi 16 novembre 2023

 

Au Bonheur des Dames












Emile Zola

Ed Livre de poche, 1/07/1997, 542 pages


Roman écrit à partir de l’actualité de l’époque, roman historique pour les lecteurs d’aujourd’hui, ce récit mérite vraiment que l’on s’y intéresse. L’action se déroule durant la troisième république sous la présidence de Jules Grévy, il est publié en 1883, ce qui en fait un récit documentaire abordant divers sujets tels que la société parisienne, l’argent, la richesse, la précarité, les avancées du commerce.

Octave Mouret, fils de Marthe Rougon et François Mouret (voir la conquête de Plassans), homme d’action, organisateur de génie et, dirait on de nos jours, prompt à se lancer dans des concepts innovants, dirige fermement le « Bonheur des Dames » grand magasin situé dans le quartier de l’opéra ou évolue une population aisée. Le commerce prospère, attire des foules toujours plus importantes, crée de l’emploi, et favorise l’essor économique.

On réalise alors la richesse du sujet exploité par Emile Zola qui passe en revue les différentes couches de la société parisienne : depuis les vendeurs et les vendeuses, exploités, privés d’une certaine liberté, victimes des abus de pouvoir des supérieurs dans cette micro société que représente le Bonheur des Dames, victime des jalousies, de la méchanceté des pairs, en situation précaire car on ne sait pas si on sera autorisé à revenir le lendemain, exploités. Pour dénoncer les travers de ce peuple, l’écrivain donne vie à Denise Baudu : jeune orpheline qui arrive à Paris avec les deux frères dont elle a désormais la charge. Elle arrive chez son oncle, propriétaire d’un petit commerce de textile : « le vieil Elbeuf ». Elle est engagée au Bonheur des Dames et deviendra celle par qui on prend connaissance de l’ensemble des employés, de la hiérarchie existante, des habitudes, d’un règlement qui montre bien peu de respect pour la personne et sa vie privée.

Pour pointer du doigt la bonne société parisienne aisée, Zola introduit la maîtresse d’Octave Mouret, Henriette Desforges, ainsi que les couples qu’elle fréquente, un groupe qui semble très bien représenter les nantis, tout en exposant des phénomènes produits par l’étalage des biens : le vol, les dépenses compulsives, les astuces d’acheteuses…

Mais l’écrivain ne se contente pas de décrire voire de dénoncer, il expose quelques techniques de vente et montre comment le puissant Octave Mouret s’y prend pour exploiter ses clients et créer les besoins chez les femmes. C’est là l’aspect du roman que j’ai vraiment préféré en constatant que les techniques pour forcer la vente sont similaires aux techniques actuelles : flatter le client, changer les rayons de place, promettre des économies à qui se livre aux achats intéressants, faire du client le roi du lieu, proposer des ventes exceptionnelles pour grossir le chiffre d’affaire.

Fort de son succès, le Bonheur des Dames, tout comme le font nos grandes surfaces aujourd’hui, tue le petit commerce, et c’est avec angoisse que l’on verra péricliter le petit commerce… Zola décrira d’ailleurs le commerce comme une machine inhumaine qui n’est pas sans rappeler la mine et le puits de Germinal sorte de monstre assoiffé qui absorbe clients, vendeurs et toute personne qui viennent s’y perdre.

Le personnage de Denise est central : elle met en évidence la méchanceté, l’égoïsme, la cupidité, les mœurs légère de la société. Sa personnalité bien affirmée, ses principes, son travail consciencieux, son ambition en font un personnage qui se détache de l’ensemble et contraste avec l’ensemble du personnel.

Si j’ai trouvé certains chapitres un peu longs, particulièrement les ventes exceptionnelles où se rue la foule des acheteurs, j’ai beaucoup apprécié la richesse de ce roman bien documenté par son auteur qui n’a pas hésité à passer des journées au bon Marché, l’un des plus anciens magasins de Paris.

Belle promenade également dans le quartier de l’opéra, dans ses rues et ses passages couverts.

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