Au Bonheur des Dames
Emile Zola
Ed Livre de poche, 1/07/1997, 542 pages
Roman écrit à partir de l’actualité
de l’époque, roman historique pour les lecteurs d’aujourd’hui, ce récit mérite
vraiment que l’on s’y intéresse. L’action se déroule durant la troisième
république sous la présidence de Jules Grévy, il est publié en 1883, ce qui en
fait un récit documentaire abordant divers sujets tels que la société
parisienne, l’argent, la richesse, la précarité, les avancées du commerce.
Octave Mouret, fils de Marthe
Rougon et François Mouret (voir la conquête de Plassans), homme d’action, organisateur de génie et, dirait on de nos jours, prompt à se lancer dans des concepts innovants,
dirige fermement le « Bonheur des Dames » grand magasin situé dans le
quartier de l’opéra ou évolue une population aisée. Le commerce prospère,
attire des foules toujours plus importantes, crée de l’emploi, et favorise l’essor
économique.
On réalise alors la richesse
du sujet exploité par Emile Zola qui passe en revue les différentes couches de
la société parisienne : depuis les vendeurs et les vendeuses, exploités, privés
d’une certaine liberté, victimes des abus de pouvoir des supérieurs dans cette
micro société que représente le Bonheur des Dames, victime des jalousies, de la
méchanceté des pairs, en situation précaire car on ne sait pas si on sera
autorisé à revenir le lendemain, exploités. Pour dénoncer les travers de ce
peuple, l’écrivain donne vie à Denise Baudu : jeune orpheline qui arrive à
Paris avec les deux frères dont elle a désormais la charge. Elle arrive chez
son oncle, propriétaire d’un petit commerce de textile : « le vieil
Elbeuf ». Elle est engagée au Bonheur des Dames et deviendra celle par qui
on prend connaissance de l’ensemble des employés, de la hiérarchie existante,
des habitudes, d’un règlement qui montre bien peu de respect pour la personne
et sa vie privée.
Pour pointer du doigt la bonne
société parisienne aisée, Zola introduit la maîtresse d’Octave Mouret, Henriette
Desforges, ainsi que les couples qu’elle fréquente, un groupe qui semble très
bien représenter les nantis, tout en exposant des phénomènes produits par l’étalage
des biens : le vol, les dépenses compulsives, les astuces d’acheteuses…
Mais l’écrivain ne se contente
pas de décrire voire de dénoncer, il expose quelques techniques de vente et
montre comment le puissant Octave Mouret s’y prend pour exploiter ses clients
et créer les besoins chez les femmes. C’est là l’aspect du roman que j’ai
vraiment préféré en constatant que les techniques pour forcer la vente sont
similaires aux techniques actuelles : flatter le client, changer les rayons
de place, promettre des économies à qui se livre aux achats intéressants, faire
du client le roi du lieu, proposer des ventes exceptionnelles pour grossir le
chiffre d’affaire.
Fort de son succès, le Bonheur
des Dames, tout comme le font nos grandes surfaces aujourd’hui, tue le petit
commerce, et c’est avec angoisse que l’on verra péricliter le petit commerce…
Zola décrira d’ailleurs le commerce comme une machine inhumaine qui n’est pas
sans rappeler la mine et le puits de Germinal sorte de monstre assoiffé qui
absorbe clients, vendeurs et toute personne qui viennent s’y perdre.
Le personnage de Denise est
central : elle met en évidence la méchanceté, l’égoïsme, la cupidité, les mœurs
légère de la société. Sa personnalité bien affirmée, ses principes, son travail
consciencieux, son ambition en font un personnage qui se détache de l’ensemble
et contraste avec l’ensemble du personnel.
Si j’ai trouvé certains
chapitres un peu longs, particulièrement les ventes exceptionnelles où se rue
la foule des acheteurs, j’ai beaucoup apprécié la richesse de ce roman bien documenté
par son auteur qui n’a pas hésité à passer des journées au bon Marché, l’un des
plus anciens magasins de Paris.
Belle promenade également dans
le quartier de l’opéra, dans ses rues et ses passages couverts.
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