Le soleil sous la soie
Eric Marchal
Ed Anne Carrère,
Pocket
Je sors un peu étourdie de ce pavé, la tête pleine de
connaissances diverses sur la période qui couvre les vingt dernières années du règne de Louis XIV. Certains ont pu écrire que le sujet était essentiellement
la chirurgie à cette époque, or je
considère qu’il s’agit du sujet dominant puisque notre héros, Nicolas déruet
est un chirurgien compétent pour l’époque,
mais le romancier ne se contente pas de relater des interventions, des
soins et de décrire les traitements utilisés à l’époque, il alimente son récit
d’intrigues, de discussions entre la couronne de France et le duché de Lorraine,
de manœuvres politiques de la part du roi Soleil, comme de Léopold, duc de
Lorraine qui se bat pour maintenir l’indépendance de son duché, la Lorraine n’étant
pas française à l’époque.
Concernant la médecine, j’ai beaucoup appris, moi qui considérais
les médecins de l’époque, ceux dont Molière se moque ouvertement, comme des
charlatans, souvent à juste titre. Or il y avait deux sortes de soignants :
ceux de « l’Académie » qui n’intervenaient pas chirurgicalement, le
rôle de chirurgien étant rabaissé au rang de barbier, bons pour le petit
peuple, formés comme on dirait aujourd’hui sur le tas, et les chirurgiens
ambulants ou œuvrant dans des maisons de soin souvent dirigées par les
religieuses. Les médecins officiels qui avaient une formation pratiquaient les saignées autant
que faire se peut, ce n’est pas nouveau,
et ne possédaient pas les connaissances d’un chirurgien comme Nicolas
Deruet qui timidement, affirme au début
du roman que le sang circule dans les veines, sans trop insister pour ne pas froisser les
éminents médecins du royaume. Il faut dire de Maître Deruet a de la pratique :
chirurgie de toute sorte, accouchements, quelques années sur les champs de
bataille de Hongrie,
autopsies …
Il a fallu avoir parfois le cœur bien accroché
pour lire les descriptions d’opérations exposées par l’auteur.
Mais Eric Marchal ne se contente pas de la médecine, ça
fricote dans le roman! Nicolas Deruet oscille entre deux amours : Marianne, sage-femme de
son état et Rosa, veuve du Marquis de
Cornelli, faisant partie de la suite du duché. Cette situation générera bien
des intrigues et des situations
délicates qui entretiennent un suspense relatif.
Je me demande si ce roman avait besoin de ses neuf cents
pages ! beaucoup de dilution, de digressions au cours desquelles de
nouveaux personnages surviennent, ce qui rend le récit quelque peu lassant. J’ai
terminé en ayant vraiment hâte de lire la dernière page. Rien de grandiose dans
cette histoire. La première moitié se laisse lire aisément, la deuxième devient
parfois très fatigante.
Je suis étonnée qu’un roman si documenté commette des
erreurs quant aux relations sociales : l’auteur ne prévoit pas que des
amours entre une personne de la haute société et un chirurgien ambulant puissent se réaliser sans obstacles, qu’un bohémien ait ses
entrées au duché, que les amis de Nicolas Deruet deviennent les amis de la marquise sans que l’entourage
ne s’offusque... et l'étiquette que diable!
La vie décrite ne semble pas si dure : le duc pardonne
aisément, même quand on essaie d’attenter à sa vie, engage des paris sur les relations amoureuses de Deruet, les amis du chirurgien, chirurgiens eux-mêmes, font figure de joyeux
fêtards, le vin coule à profusion, on fait la fête, on souffre parfois, mais on
guérit souvent. Diable, à en croire l’écrivain, il faisait bon vivre sous le
règne du roi Soleil !
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