La chambre des diablesses
Isabelle Dusquesnoy
Ed Pocket, 2/02/2023, 448 pages
Encore un coup de cœur, ce qui
ne m’étonne guère car j’avais déjà beaucoup aimé l’embaumeur, roman historique,
une littérature que j’apprécie particulièrement, mais cette fois il s’agit de
beaucoup plus qu’un roman s’inscrivant dans une période donnée : Isabelle
Duquesnoy livre en détail, un événement : l’affaire des poisons dont on
parle encore de nos jours, et un personnage : Catherine Monvoisin, dite la
Voisin, sage-femme (on devra plutôt dans son cas, la qualifier d’accoucheuse,
avorteuse, puis diseuse de bonne aventure, guérisseuse, sorcière, et empoisonneuse,
cette dernière fonction, on l’apprendra en lisant son histoire, sera celle qui fera
sa célébrité des siècles après son trépas sur le bûcher en ce 22 février 1680.
L’histoire commence à cette
date précise, et dès les premières lignes, le ton est donné, le personnage
cerné : une femme au vocabulaire riche, peut-être pas celui auquel on s’attend
quand on sait qu’elle fréquente le milieu mondain de l’époque, un vocabulaire
fleuri, de ceux qui font sourire par la richesse des expressions dont on devine
sans difficulté le sens, même lorsqu’on ignorait de telles expressions.
Premier point d’accroche du
lecteur : un humour noir qui n’est pas sans rappeler les propos des
personnages de Michel Folco (un loup est un loup, et les tomes suivants).
Mais le personnage de la
Voisin ne se réduit pas à son langage, on comprendra entre les lignes combien
son intelligence lui permettra d’improviser des solutions adaptées à ses
clients, combien elle saura tirer profit de la nature et de tout ce que
celle-ci lui offrira pour son commerce.
Personnage ambigu, capable de
se dévouer pour guérir, elle n’a toutefois qu’une idée en tête : s’enrichir
sur le dos des gens de la noblesse. La fin justifiant les moyens, elle
deviendra experte dans la fabrication de philtres en tous genres, fabriqué à
partir de substances secrètes qu’il valait mieux éviter de porter à la
connaissance de la clientèle, se livrera avec son compère l’abbé Guibourg,
prêtre défroqué, tout ce que l’on peut rencontrer de plus corrompu, à des
messes noires et des trafics d’enfants de la rue.
Je ne parlerai pas de ses
nombreux amants mais j’ai trouvé que cela apportait encore du « croustillant »
à cet exposé passionnant que nous offre l’autrice.
Question histoire, le livre contient
vraiment de quoi rassasier tout lecteur féru d’histoire, les personnages ont
réellement existé, une partie du récit racontant l’histoire de la voisin, une
autre apportant des connaissances sur sa fille, Marie-Marguerite, emprisonnée
suite à la condamnation de sa mère, et du fond de sa cellule, adresse des
lettres à M de la Reynie, lieutenant de police redouté de la population, dans
le but de se disculper de crimes dont on l’accuse, sa seule erreur étant sans
doute d’être né dans un milieu propice à la sorcellerie, et d’être devenue
malgré elle, assistance de l’empoisonneuse.
La chambre des diablesses est un
tribunal créé par Louis XIV afin de mettre fin au scandale des empoisonnements
allant jusqu’à le viser. Lire ce roman est une belle manière d’approfondir ses
connaissances sur cet événement. Quelques documents ajoutés à l’exposé
permettent de constater que les faits ne sont pas le fruit de l’invention de l’autrice.
J’ai particulièrement aimé l’exposé que fait la Voisin à sa fille sur la
condition de la femme à cette époque, qu’elle soit issue du milieu aisé ou non.
Un livre que je conseille
vivement, sauf si l’on craint de ne pas supporter quelques scènes bien trashs.
On réalisera que la violence quotidienne dans la population de l’époque était
largement supérieure à celle d’aujourd’hui. Les gens étaient ils plus « durs »
et plus à même de la supporter ? c’est une question que je continue à me
poser.
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