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samedi 6 juillet 2024

 

La chambre des diablesses












Isabelle Dusquesnoy

Ed Pocket, 2/02/2023, 448 pages


Encore un coup de cœur, ce qui ne m’étonne guère car j’avais déjà beaucoup aimé l’embaumeur, roman historique, une littérature que j’apprécie particulièrement, mais cette fois il s’agit de beaucoup plus qu’un roman s’inscrivant dans une période donnée : Isabelle Duquesnoy livre en détail, un événement : l’affaire des poisons dont on parle encore de nos jours, et un personnage : Catherine Monvoisin, dite la Voisin, sage-femme (on devra plutôt dans son cas, la qualifier d’accoucheuse, avorteuse, puis diseuse de bonne aventure, guérisseuse, sorcière, et empoisonneuse, cette dernière fonction, on l’apprendra en lisant son histoire, sera celle qui fera sa célébrité des siècles après son trépas sur le bûcher en ce 22 février 1680.

L’histoire commence à cette date précise, et dès les premières lignes, le ton est donné, le personnage cerné : une femme au vocabulaire riche, peut-être pas celui auquel on s’attend quand on sait qu’elle fréquente le milieu mondain de l’époque, un vocabulaire fleuri, de ceux qui font sourire par la richesse des expressions dont on devine sans difficulté le sens, même lorsqu’on ignorait de telles expressions.


Premier point d’accroche du lecteur : un humour noir qui n’est pas sans rappeler les propos des personnages de Michel Folco (un loup est un loup, et les tomes suivants).


Mais le personnage de la Voisin ne se réduit pas à son langage, on comprendra entre les lignes combien son intelligence lui permettra d’improviser des solutions adaptées à ses clients, combien elle saura tirer profit de la nature et de tout ce que celle-ci lui offrira pour son commerce.


Personnage ambigu, capable de se dévouer pour guérir, elle n’a toutefois qu’une idée en tête : s’enrichir sur le dos des gens de la noblesse. La fin justifiant les moyens, elle deviendra experte dans la fabrication de philtres en tous genres, fabriqué à partir de substances secrètes qu’il valait mieux éviter de porter à la connaissance de la clientèle, se livrera avec son compère l’abbé Guibourg, prêtre défroqué, tout ce que l’on peut rencontrer de plus corrompu, à des messes noires et des trafics d’enfants de la rue.


Je ne parlerai pas de ses nombreux amants mais j’ai trouvé que cela apportait encore du « croustillant » à cet exposé passionnant que nous offre l’autrice.


Question histoire, le livre contient vraiment de quoi rassasier tout lecteur féru d’histoire, les personnages ont réellement existé, une partie du récit racontant l’histoire de la voisin, une autre apportant des connaissances sur sa fille, Marie-Marguerite, emprisonnée suite à la condamnation de sa mère, et du fond de sa cellule, adresse des lettres à M de la Reynie, lieutenant de police redouté de la population, dans le but de se disculper de crimes dont on l’accuse, sa seule erreur étant sans doute d’être né dans un milieu propice à la sorcellerie, et d’être devenue malgré elle, assistance de l’empoisonneuse.

La chambre des diablesses est un tribunal créé par Louis XIV afin de mettre fin au scandale des empoisonnements allant jusqu’à le viser. Lire ce roman est une belle manière d’approfondir ses connaissances sur cet événement. Quelques documents ajoutés à l’exposé permettent de constater que les faits ne sont pas le fruit de l’invention de l’autrice. J’ai particulièrement aimé l’exposé que fait la Voisin à sa fille sur la condition de la femme à cette époque, qu’elle soit issue du milieu aisé ou non.

Un livre que je conseille vivement, sauf si l’on craint de ne pas supporter quelques scènes bien trashs. On réalisera que la violence quotidienne dans la population de l’époque était largement supérieure à celle d’aujourd’hui. Les gens étaient ils plus « durs » et plus à même de la supporter ? c’est une question que je continue à me poser.

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