La tyrannie des parents d'élèves
Notre société de consommation produit des mécontents, des
exigeants et ce dans bien des domaines, et le secteur de l’éducation n’est pas
épargné, c’est ce qu’essaie de montrer Anne Topaloff dans son ouvrage : les mécontents et
exigeants se couvrant dans le cas présent de la casquette de parents d’élèves.
Elle ne se contente pas de citer des faits mais tente d’expliquer pourquoi dans
nos établissements, des parents se montrent tyranniques. De nos jours
affirme-t-elle, on ne défend plus un idéal politique, « on s’est battu
pour plus de justice sociale, mais on n’a pas révolutionné le système
économique » alors aujourd’hui, on croit qu’on peut faire changer les
choses dans le domaine de l’éducation, on
projette sur ses enfants, pensant qu’on peut changer leur vie. Concrètement, cela crée un profond malaise dans le corps
enseignant, générant le ras le bol que peut ressentir un professeur aux deux
tiers de sa carrière.
Le parent tyrannique, précise l’auteure, est partout, depuis l’école de
banlieue, jusque dans les quartiers
favorisés, en passant par les
écoles de campagne, sans oublier les zones sensibles. Il peut exercer cette
tyrannie de bien des façons, depuis la parole déformée par l’enfant, le régime
alimentaire et les repas de cantine, la mauvaise note, et, peut-on y croire , la pédagogie dans sa propre
classe ou dans le cours dispensé par le professeur. Cet exposé d’Anne Topaloff, bien documenté
reflète en partie la triste réalité : un certain pourcentage de ces
parents d’élèves mettent en péril l’institution scolaire : en défendant
leur enfant (sa parole contre celle de l’enseignant), en critiquant tel ou tel
professeur devant le rejeton, en sapant son autorité, en se permettant d’intervenir
sur les programmes, c’est ainsi que j’ai moi-même pu voir des parents faire
changer la méthode de lecture de l’enseignante, exiger que l’on rende un objet
confisqué parce que le chérubin avait assuré qu’il ne jouait pas avec en classe
et insinuer que c’était l’enseignante
qui ne disait pas la vérité, élaguer la
liste de fourniture, jugeant tel ou tel matériel inutile, contourner le
règlement en le faisant contourner par la même occasion aux enfants, décider de huit jours de vacances
supplémentaires, ne pas assurer la mémorisation des leçons et se plaindre que
l’enfant ne réussisse pas en mettant en cause la compétence de
l’enseignant, déposer des mains
courantes pour une raison ou une autre,
intervenir auprès d’enfants sur la cour pour régler les problème eux
même, faire jouer leurs relations pour faire fléchir une directrice, voire
taxer de fainéants les professeurs toujours en vacances. Qu’ils viennent y
voir, et qu’ils restent ne serait-ce qu’une journée en classe avec 20 à 30
enfants. Ils comprendront peut-être pourquoi les temps de pause sont
nécessaires et pourquoi la dépression se situe au deuxième rang des maladies
professionnelles chez les enseignants. J’ajoute ces réflexions personnelles
afin de démontrer que cet ouvrage n’invente pas les difficultés rencontrées au quotidien dans
le corps enseignant. Anne Topaloff cite
à plusieurs reprises Christophe Lermuzeaux, directeur de l’hôpital
psychiatrique de la Verrière, qui depuis trente ans travaille sur l’observation
des pathologies mentales spécifiques aux enseignants, et qui constate une «
nette dégradation des relations entre parents et professeurs », facteur de
stress supplémentaire pour les jeunes enseignants peu sûr d’eux.
Cet exposé tente de donner une
idée aussi complète que possible des coulisses de l’école,
toutefois un deuxième tome ne serait pas superflu pour expliquer une autre
forme de stress des enseignants : manque de structure d’accueil des
enfants en grosse difficultés, accueil d’enfants en situation de handicap dans
des classes dont l’effectif ne permet
pas une prise en charge ad hoc, refus
des parents de faire confiance quand il s’agit de proposer des solutions pour
aider l’enfant, parfois handicapé et pour lequel la formation du professeur est plus que
légère, aides en personnel dispensées au lance pierre…
Cet ouvrage montre bien à quel
point l’école est en danger, et combien l’égalité des chances relève aujourd’hui
de l’utopie parce qu’un pourcentage non
négligeable de parents refusent d’accorder leur confiance à l’enseignant.
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