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samedi 23 août 2025

 Le silence de la ville blanche













Eva García Sáenz de Urturi

Ed Fleuve noir, 10/09/2020, 560 pages


Je viens de faire une magnifique découverte, et pour ma plus grande joie, je m’aperçois qu’il s’agit du premier tome d’une trilogie ! En fait il y a quatre tomes, de quoi agrémenter les longues soirées d’hiver, quel bonheur !

J’étais à la recherche d’un roman écrit par un écrivain hispanophone ou lusophone pour le challenge multi-défis, et je tombe par hasard sur ce thriller, mon genre préféré donc.

Si le héros, un inspecteur de police qui, s’il apparaît taciturne, a de sérieuses raisons pour cela : il est en fait dans le coma et annonce que les médecins ont décidé de le débrancher. Il s’agit là d’une infaillible façon de capturer le lecteur en éveillant sa curiosité. Et de son lit, il raconte l’affaire :

Un psychopathe enlève les jeunes gens par deux, les tue (je vous laisse découvrir le modus operandi, les expose dans un lieu historique de la ville de Vitoria-Gasteiz en commençant par un lieu datant du moyen-âge et en progressant à chaque crime, dans la chronologie par le choix du lieu. Ce n’est pas tout, il progresse de cinq ans en cinq ans, si des victimes ont quinze ans, les suivantes en auront vingt et ainsi de suite : Vitoria regorge de lieux historiques, impossible de prédire le lieu de la découverte suivante, de quoi semer la panique au poste de police et dans la population.

L’autrice ne se contente pas de raconter les faits, elle insinue entre les chapitres, une histoire de personnes datant des années 70, ajoute quelques indices qui seraient bien utiles aux enquêteurs.

On fait également connaissance du héros, l’inspecteur Unai Lopez de Ayala, dit le Kraken, entouré de sa meilleur amie Estibaliz, de son grand-père, sympathique personnage quasi centenaire. Un individu qui n’a pas froid aux yeux et dont j’ai adoré les répliques.

Ce roman ne m’a pas seulement captivée, il m’a aussi beaucoup émue, les crimes ne touchent pas uniquement les habitants lambda, il peut concerner des personnages devenus proches du lecteur. Les comportements des personnes ne m’ont pas laissé indifférentes, j’ai vraiment vécu ce roman comme si j’étais en plein cœur de l’histoire.

Ce livre est le fruit d’une documentation pointue, Eva García Sáenz de Urturi qui est entrée en contact avec les archéologues, des formateurs en profilage criminel, a étudié des cas réels, et affirme que ce roman est le plus autobiographique de la série, originaire de Vitoria, elle invite à la visite de cette belle et attirante ville, quelques-uns de ses personnages sont issus de ses souvenirs de jeunesse.

Je me suis également laissé bercer par la profusion de noms espagnols et Basques et de l’ambiance d’un pays que j’aime.

lundi 11 août 2025

 Dracula












Bram Stoker,

Ed Callidor, 18/10/2024, 576 pages


Après avoir vu le film de Luc Besson, inspiré de l’œuvre de Bram Stoker, j’ai eu envie de relire le roman, ma première lecture datant de trente ans. J’avais alors un excellent souvenir de cette lecture.

Heureux Hasard, on m’avait fait pour Noël, ce beau cadeau : Dracula illustré, roman intégral avec lettres manuscrites, coupures de presse, et autres documents dactylographiés. Un livre magnifique !

Si j’ai apprécié cette relecture, surtout au début, je dois avouer que je ressors mitigée de la seconde lecture, non pour une question de qualité du roman, j’ai un profond respect pour le travail de Bram Stoker, mais parce que j’ai trouvé que ce récit avait beaucoup vieilli.

Je vais donc distinguer ce que j’ai aimé : le contenu, et ce qui m’a moins plu :  le style, les pratiques scientifiques balbutiantes qui laissent perplexes, qui passaient à l’époque et ne sont pas recevables aujourd’hui et qui donnent à ce roman un aspect vieilli.

Concernant le contenu, même si aujourd’hui l’horreur n’a plus de limite, elle semblait savamment dosée en 1897, suffisamment pour impressionner le lectorat de l’époque, rappelons que l’affaire Jack l’éventreur hantait encore les esprits, et un monstre sanguinaire tel que le conte de Dracula avait son effet. Il faut dire que le suspens est de mise et la pression étudiée pour monter progressivement, l’auteur se montrant très généreux en allusions dès le début, sans jamais écrire le mot « vampire » auquel il préfère le terme de « non-mort »(Nosferatu). Les protagonistes sont placés face à une maladie inconnue, montrent une certaine naïveté en décrivant certains symptômes, ce qui peut faire sourire le lecteur tout en l’effrayant, car il sait, lui, de quoi il retourne, c’est ce qui m’a captivée en début de roman.

Concernant le contenu également, il faut reconnaître que Dracula est une référence : les signes de reconnaissance du vampire n’ont pas changé, et je pense qu’il est judicieux de lire ce roman si l’on veut asseoir ses connaissances à ce sujet.

Le style m’a quelque peu ennuyée, à tel point que je me suis demandé comment, alors que j’étais beaucoup plus jeune, j’ai pu poursuivre cette lecture riche de dialogues s’étalant sur la vie, le bien, le mal, la société, les considérations philosophiques, les éternelles congratulations des héros qui n’en finissent pas de se féliciter, d’être en admiration les uns pour les autres, en partie pour justifier la volonté de tuer le monstre venu perturber ce monde de bisounours, et par politesse. Il est vrai que le docteur Van Helsing mérite le respect car il est celui sans lequel aucune action n’aurait été entreprise, personnage dévoué à la cause de ses amis.

 

Quelques scènes par ailleurs, m’ont surprise parce que je les ai accueillies avec mon regard du XXIème siècle : les épisodes de transfusion font donc sourire, la notion de groupe sanguin n’est pas connue et au regard du nombre de transfusions reçues de quatre personnes au même receveur, il n’est logiquement pas possible d’assurer sa survie, ça passe en 1897, pas aujourd’hui. On assiste également, dans la deuxième moitié du récit, à une intervention avec trépanation, sur un homme aux blessures multiples, sans mesures d’hygiène sans bloc dans sa cellule, peut être suis-je pointilleuse, mais cela peut paraître énorme si on sort du contexte de l’Angleterre victorienne.

J’ai beaucoup apprécié la montée du suspens, le décalage entre les intentions de Helsing et de ses assistants et les faits réels, la poursuite du vampire jusqu’à l’assaut final.

Ce roman restera pour moi et beaucoup de lecteurs, une œuvre majeure, un incontournable.

jeudi 7 août 2025

 Everglades













R.J Ellory

Ed Sonatines, 10/04/2025, 456 pages



Garret Nelson, shérif adjoint dans un conté en Floride, est grièvement blessé au cours d’une intervention et se retrouve sans emploi, son handicap l’empêchant désormais d’exercer son métier. Mais le destin œuvre pour lui : il accepte un poste à la prison de Southern State, établissement construit dans un milieu hostile, un travail bien difficile sans un minimum de vocation.

Et l’auteur présente comme souvent, un personnage qui cherche sa personnalité, qui se pose de grandes questions quant à son ressenti, sur la vie en général, sa vie, sa solitude, ses parents, et sur les événements qui surviennent, qui peuvent heurter sa sensibilité (de même que celle de la lectrice que je suis).

Dès le début du roman, alors qu’il arrive pour prendre son poste, on se demandera comment il résistera entre prisonniers et gardiens sans états d’âmes capables d’assister à une exécution à la chaise électrique sans émotion parce qu’endurcis par leurs années de pratique.

Je suis entrée dans ce roman, parce que R.J Ellory, c’est une valeur sûre, je sais que j’y apprendrai beaucoup, je sais également qu’il y aura des scènes violentes et qui mettent mal à l’aise,  mais tant pis, j’apprécie vraiment cet auteur. 

Le sujet dominant le roman, est bel et bien la peine de mort. L’auteur nous invite à réfléchir à ce sujet : le pire crime la justifie-t-il ? Pour certains des crimes cités dans le livre, on a envie de dire « oui » tout en se demandant si cette peine de mort toujours pratiquée aux Etats Unis résout le problème de la criminalité, et si la justice est en droit de priver un individu de vie. Et puis ces personnes ont des familles, pitié pour elles. Un point reste à mettre en évidence également, parce que les prisons américaines ont de nouveau recours à la chaise électrique, ce procédé barbare, faute d’approvisionnement en produits nécessaires à l’injection létale. Ce roman nous plonge dans cet univers et montre ce que peuvent ressentir les condamnés qui croupissent dans le couloir de la mort.

Garret Nelson essaiera d’ajouter un peu d’humanité et de communiquer avec certains détenus, et l’on sent que sa présence à Everglades sera le point de départ d’un long cheminement.

Par ailleurs, entre action, enquête, étude du milieu carcéral, il y a tout ce qu’il faut pour capter l’attention du lecteur : l’action monte progressivement, des événements se succèdent, on retrouve cette alternance de chapitres qui entretiennent le suspense, il ne manque rien. Il nous tient en haleine jusqu’à la dernière page !

Cet auteur anglais a expliqué à une connaissance qu’il vend surtout en France, qu’il a des difficultés à se faire éditer aux Etats-Unis qu’il semble connaître parfaitement, de même qu’au Royaume Uni qui, paraît-il, ne souhaite pas éditer des policiers qui se passent au Etats-Unis. Réservons-lui donc cet accueil qu’il mérite amplement. Je n’ai jamais été déçu en lisant ses romans.

mardi 5 août 2025

 La Route (Bande dessinée)














Manu Larcenet, 

Ed Dargaud, 29/03/2024,160 pages


Après la route, roman que j’ai beaucoup aimé, la bande dessinée qui s’ouvre sur d’énormes nuages de cendre. Pas de doute, on entre bien dans l’univers de Cormac McCarthy.

Cette BD m’a captée, piégée et fascinée : captée parce que pas moyen de la refermer, piégée parce que je me suis, comme pour le roman, attachée à ces deux personnages quasi seuls au monde, et parce que je voulais m’assurer que le récit était fidèle au travail de l’auteur du roman, et fascinée parce que je n’ai pu m’empêcher d’essayer de me mettre à la place de ces survivants.

Bien qu’admirant l’écriture, les dialogues, le rendu des émotions, grande fut mon inquiétude à la lecture du roman, mais les images, je me les créais, et pour garder le moral, je les rendais fugace, c’est ce qui me permet de lire les thrillers les plus effrayants. Plus grande devient mon inquiétude en parcourant la BD, car je réalise vraiment l’horreur de la situation : ce roman transpire et communique la peur, la peur de mourir de faim, la peur des rencontres incertaines, des morts, de la violence. On peut se rassurer en se disant qu’il s’agit d’une fiction, mais dans ce post apocalyptique, on n’a affaire qu’à des hommes, pas de hordes de zombies, pas de mutants, rien de tout cela, seulement des hommes, comme nous, qui vivaient sur notre bonne vieille Terre, alors il est logique de s’imaginer que l’humanité pourrait subir un tel sort. C’est ce qui fait de ce livre une découverte effroyable.

Cette bande dessinée est extraordinaire par le rendu de ses images, la noirceur qu’elle véhicule. On me l’a prêtée et j’ai choisi de lire le roman avant, je ne le regrette pas, car j’aurais eu des difficultés à comprendre certaines scènes dans lesquelles les personnages sont noyés dans la cendre et où l’action est difficile à analyser. Par ailleurs, je pensais que cela se lirait rapidement car les dialogues sont succincts, ce que l’on peut comprendre quand on est dans une situation de survie, mais il est important de bien analyser chaque vignette de cette bande dessinée si fidèle au roman.

A présent il me reste le film, j’ai peur mais je le regarderai…

dimanche 3 août 2025

 Un été chez Jida










Lolita Sene,

Ed du Cherche midi, 11/01/2024, 176 pages


La romancière nous invite dans une famille, une famille Kabyle arrivée des montagnes d’Algérie, et qui s’est installée en France  après la guerre. On y fait connaissance de Jida, la grand-mère, pilier de la famille, maîtresse dans sa maison, mère nourricière, autorité incontestable.

L’héroïne, Esther passe l’été chez Jida. Parmi les membres de cette grande famille, l’oncle Ziri, fils préféré de Jida, se livre à des rapports incestueux avec Esther alors âgée de 9 ans. Jida le sait, mais protège son fils. C’est lorsque la cousine d’Esther se plaint que la situation s’envenime, que l’ambiance familiale déjà fissurée par des faits antérieurs liés aux mariages forcés et à l’éducation des filles, semble imploser.

Et Esther tente de construire sa vie, chemine sans aide et finit par porter plainte à son tour, se confiant à des personnes qui minimisent les viols subis par la jeune femme qui se révolte en refusant la culture kabyle.

Si la moitié du récit met en avant l’inceste subit par les filles de la famille, certains passages insistent sur l’éducation inhumaine des filles, les châtiments du père, les mariages forcés avec des hommes qui reproduisent ces châtiments avec leurs filles. Il s’agit donc également de la dénonciation de violences faites aux femmes et de l’éducation qui leur est réservée. L’autrice raconte également la jeunesse de Jida, son mariage, sa vie de femme jusqu’à ce qu’elle rejoigne son mari à Marseille à la suite de la guerre.

Esther aux souvenirs hésitants et dilués est heureusement secondée dans ce roman choral, pas Camille, sa cousine, Leila, sa mère qui culpabilise, par Jida dans son témoignage qui aide à comprendre la situation de ces femmes soumises à la loi des hommes, à la loi du silence que l’on ne peut excuser mais dont on comprend l’origine.

La romancière exprime avec beaucoup de justesse, ce que peut ressentir une femme victime d’inceste tout au long de sa vie, combien elle a besoin pour penser ses blessures, de la compréhension et de l’appui de son entourage et de la justice.

Un sujet grave abordé avec beaucoup de délicatesse, un très beau premier roman.

jeudi 31 juillet 2025

 

Malu à contre-vent












Clarence Angles Sabin

Ed Le nouvel Attila, 22/08/2025, 192 pages


Un roman que l’on ne peut pas, à mon sens, le qualifier de roman du terroir, trop peu d’éléments culturels, trop peu de tradition, trop peu d’acteurs pour mettre en avant les coutumes d’une région. L’autrice nous offre plutôt une succession de scènes de la vie d’une famille d’agriculteurs, famille incomplète avec un père, une grand-mère, une mère omniprésente qui se manifeste en coulisse à travers le mal-être de Malu.

Malu est une adolescente, et, fait surprenant, on ne perçoit de cette adolescence que la transgression : Malu enterre les agneaux morts sur une colline à l’insu de son père, constituant un véritable cimetière.  Malu, dévouée à sa famille possède un certain esprit rebelle : sa seule contestation, c’est le souhait qu’elle manifeste de ne pas aller au collège, elle qui ne semble avoir aucun lien particulier avec ses pairs, sa priorité étant sa famille : la grand-mère qui l’a élevée et son père qu’elle aide activement à la ferme.

Clarence Angles Sabin introduit ses lecteurs dans le milieu agricole : dureté des travaux, travail épuisant soumis aux aléas de la météo, difficultés de l’élevage, rentrées d’argent souvent insuffisantes.

J’en suis arrivée à me demander si une quelconque action allait venir briser la monotonie des descriptions dans ce milieux où l’on croise très peu de monde, où les journées sont ponctuées par la vie de l’exploitation exposée aux vents, au froid de l’hiver, à la sécheresse d’été.

Mais la deuxième moitié du roman est plus riche en événement : La grand-mère vieillit, et Malu redouble d’effort pour entretenir la santé de l’Aïeule…

De ce récit, j’ai aimé les belles descriptions de paysages, la quasi personnification des collines chère à la grand-mère et à l’enfant, l’écriture ciselée qui rend le livre si agréable à parcourir. J’ai moins aimé le côté morbide du récit : partout rôde la mort, si bien que chaque événement qui survient laisse imaginer que la faucheuse se dissimule, prête à survenir à la moindre occasion.

La fin m’a laissée amère car elle heurte ma sensibilité et me laisse un sentiment désagréable, réaction qui m’est personnelle, ce qui ne signifie pas vous, lecteur, vous la vivrez de la même façon.

J’ai tout de même découvert un très beau premier roman.

vendredi 25 juillet 2025

 Ceux qu’on aime













Victoria Hislop,

Livre de poche, 30/09/2020, 192 pages


Je me suis une fois de plus fait plaisir en lisant un roman de Victoria Hislop, merveilleuse écrivaine qui sait si bien conter et qui permet de mettre en mémoire des pans d’histoire que l’on ne mémoriserait pas si bien s’ils n’étaient pas inclus dans un roman où évoluent des personnages attachants, haineux, conciliants, qui permettent de découvrir toutes les facettes d’un événement.

C’est le troisième roman que je lis de cette autrice et je retrouve une trame identique : un personnage se retrouve en contact d’un ou plusieurs autres qui expriment leur intérêt pour le passé, et la narration commence : ce premier personnage se fait le témoin d’une époque et livre son parcours jusqu’alors inconnu de l’interlocuteur.

C’est ainsi que j’ai découvert que la Grèce avait une histoire mouvementée aux gouvernements instables voire inexistants puisque durant la seconde guerre mondiale, le gouvernement se réfugie en Crète. Et la Grèce sera le théâtre de violences, de tension entres royalistes sympathisant avec les nazis et communistes, reproduction à plus petite échelle de ce qui se passa dans le reste du monde. Après l’occupation, la famine, la soumission aux Allemands, la guerre civile et l’engagement des communistes dans les milices organisées à l’extérieur du pays, la guérilla, la déportation dans les îles, le putsch qui met une junte au pouvoir durant sept ans. Nos personnages seront malmenés à l’extrême dans ce tourbillon de folie meurtrière.

Ces événements, c’est Thémis qui les raconte, Thémis est la benjamine d’une famille perturbée par des soucis matériels, une mère instable, un père absent, une discorde entre les aînés et les plus jeunes. On y fera connaissance d’une aïeule dévouée qui saura apaiser les tensions. Tous prendront des chemins différents tous plus cahoteux les uns que les autres.

Le parcours de Thémis peut se montrer surprenant, elle n’est que courage, volonté et acharnement. On ne peut que s’attacher à cette jeune femme douce qui saura faire preuve d’une persévérance extrême. Cela surprend si l’on en juge par le comportement de cette grand-mère tranquille et sans histoire dont on fait la connaissance au début du récit.

Ce roman m’a vraiment captivée, j’y ai beaucoup appris sur la Grèce, pays que j’aime particulièrement et sur son histoire. J’ai aimé retrouver des lieux où je suis passée lors de mon voyage en Grèce l’année dernière.