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dimanche 5 octobre 2025

 L’appelé












Guillaume Viry

Ed du canoë, 06/09/2024, 160 pages


Pour exprimer sa souffrance, son dégoût, peu de mots suffisent, et c’est ce que nous amène à comprendre Guillaume Viry dans ce roman surprenant.

D’abord étonnée par le style d’écriture sans aucune ponctuation, succession de lignes très courtes, écriture qui paraît hachée, j’ai failli abandonner, mais quelque chose me retenait, sans doute quelques mots échappés du texte m’ont-ils interpellée.

Peu de mots ont suffi pour comprendre la folie du héros, Jean, pour comprendre son mal-être, pour comprendre qu’il n’a pas choisi son destin, que la guerre d’Algérie s’est imposée, qu’il a subi l’horreur des massacres, qu’il est devenu témoin du viol et de la torture.

Ce livre m’a bouleversée, d’autant plus que je connais quelques personnes qui aujourd’hui ne sont  plus de ce monde et qui ont dû par malchance, effectuer leur service militaire au mauvais moment, avec en guise de formation, la guerre. Combien en sont revenus indemnes ?

Ce roman est marquant par les idées qu’il véhicule, et laissera une trace dans ma mémoire car j’ai vraiment trouvé géniale l’expression du ressenti par un choix minutieux des mots. Une œuvre d'art qu'il faut étudier, observer pour en extraire la substantifique moëlle.

Un premier roman très réussi.

mardi 30 septembre 2025

 Le malheur des uns












Frédéric Ernotte

Ed If, 10/02/2025, 393 pages


Je découvre un curieux roman que je croyais au début, parsemé d’humour noir. Il faut dire que le sujet s’y prêtait, et l’auteur attribuant une bonne dose de méchanceté au héros, Renan, auto-entrepreneur organisant à la demande, des mauvais tours destinés à venger les clients qui se présentent. Il est vrai que certaines vengeances sont cocasses : générer une mauvaise odeur générale dans une coquette maison, ça fait tout de même sourire, et Renan s’applique ! On se demande au départ si l’auteur ne fait pas une qualité de la méchanceté.

Renan donc, chef d’entreprise, travaille avec ses deux employés : Sam et Marie-Alice, dite Malice. Chacun ayant plus d’un tour dans leur sac.  Et Renan, blanc comme neige rentre chez lui chaque soir pour de paisible soirées avec sa femme et sa belle-fille, les deux êtres qu’il aime le plus au monde. Officiellement, il travaille dans une agence immobilière, gagnant honnêtement le salaire qui fait vivre la famille. Et il tient à garder secrète cette double vie.

Mais un individu entre en jeu : il est intelligent, bien placé et il demande à Renan la liste des gens qui ont « bénéficié » de ses « services », sans quoi, il risque de constater quelques « perturbations dans sa vie »

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un thriller psychologique, le méchant n’est plus Renan, mais le maître chanteur, et le ton monte du début à la fin, Renan se retrouve comme bombardé par une arme redoutable, le genre de bombe qui en l’air libère d’autres bombes de façon exponentielle. On ne connaîtra le mobile du maître chanteur qu’à la fin.

Par moment, j’ai eu envie de lâcher le roman en considérant le combat comme perdu pour le héros, car si Renan a bien saisi la portée des actions de son harceleur, je ne l’ai comprise qu’au fil du roman. Un roman psychologique comme celui-ci a vraiment autant de portée et peut-être même plus que si l’on baignait dans l’hémoglobine. Ce qui n’est pas le cas.

J’ai adoré ce roman, en pardonnant les aspects qui le rendent parfois peu crédible : comment peut-on mentir ouvertement à sa famille alors que l’on est dans la tourmente, que le ciel menace de vous tomber sur la tête, comment les autorités peuvent ignorer l’existence de cette entreprise ? La réaction d’un personnage que je tairais, me paraît également bien légère par rapport aux événements vécus.

J’ai parfois eu des difficultés à me faire une opinion, devais-je sourire ou pas face à certaines situations ? Il me semble après lecture que non. Je peux toutefois affirmer que cette histoire m’a amenée à me poser bien des questions !

samedi 20 septembre 2025

 Nourrices

 











Séverine Cressan,

Ed Dalva, 21/08/2025, 272 pages


Une nouvelle pépite pour 2025 que ce livre racontant un fait historique que je ne soupçonnais pas. J’ai pris une claque en lisant ce roman.

Les femmes, de tout temps, ont dû combattre pour accéder à la dignité, rien ne leur fut épargné.

Cette histoire commence doucement, le livre nous absorbe dans une ambiance très douce grâce à une écriture magnifique et entre les bras de mère Nature. Ambiance relaxante, profitons en, car on plonge très vite dans le quotidien de Sylvaine, mère d’un petit garçon, et nourrice de Gladie qu’elle est allée chercher dans une famille bourgeoise de la ville afin d’assurer la nourriture de la famille, son homme, bûcheron vendant son bois n’amasse pas fortune, les femmes riches ne voulaient ou ne pouvaient allaiter.

On comprendra comment Sylvaine en arrive à vendre ses services de « laitière » : les femmes sont réunies, tâtées, acceptée ou non par une organisation d’hommes (meneur, médecin) secondés par la recommandaresse  (recruteuse). Les passages racontant cette embauche sont révoltants, les femmes sont devenues du bétail, rassemblées dans la promiscuité, souffrant des montées de lait, abaissées, humiliées.

Le trafic ne s’arrête pas qu’au recrutement, les abandons de nourrissons sont fréquents, leur sort peu enviable.

Peu d’informations sur la période, entre le XVIIIème et le XIXème siècle, quant au lieu, quelques indices disséminés dans le roman indiquent qu’on est en Bretagne, mais peu importe, cette pratique connut son heure de gloire un peu partout en France.

Parmi les personnages, deux montrent des qualités humaines : Sylvaine dont on ressent très fort la fibre maternelle et Margot, dite la vieille, la guérisseuse, accoucheuse dévouée que j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver au fil de l’histoire, elle montre une belle expérience et une grande compétence avec les femmes qu’elle prend en charge et elle se met au service de quiconque vient demander de l’aide, belle âme vient en aide sans juger.

D’autres inspirent le dégoût : le meneur qui profite de la pauvreté des femmes et le fermier que l’on rencontre dans les chapitres en italique, passage qui racontent l’histoire, sous la forme d’un cahier écrit par une jeune femme inconnue qui se dévoile peu à peu.

Ce roman est magnifique, la violence qui aurait pu être insupportable parce tirée de faits réels, est adoucie par l’écriture, les belles descriptions de la nature, la bonté des personnages principaux, le soupçon de magie qui saupoudre certains passages.

Un excellent premier roman qui mériterait récompense !

 

 

 

mardi 16 septembre 2025

 

Je résiste aux personnalités toxiques













Christophe André et Muzo,

Ed points,  24/03/2011, 240 pages


On en rencontre dans tous les milieux, il sévissent sans prévenir, c’est certainement dans le milieu professionnel que l’on est confronté à ces personnages, mais ne nous mentons pas, on en retrouve en famille, dans les loisirs, à l’arrêt de bus, dans les commerces, dans les trains, bref, dans l’espace public.. Qui n’a jamais eu à profiter de la vie de famille d’un parfait inconnu via le mobile ? Qui n’a jamais vu ses projets retardés par un collègue particulièrement lent et tatillon, qui ne s’est pas senti énervé par l’individu qui aime avoir un public ou par le winner qui se la pète et écrase les autres ? Je veux bien sûr parler des casse-pieds tout en ayant conscience, comme le dit si bien Christophe André, que chacun de nous peut être le casse-pieds de quelqu’un d’autre, je l’ai constaté en lisant cet ouvrage.

Après les généralités d’usage et même plus, l’auteur procède chapitre par chapitre en exposant un trouble nouveau, c’est ainsi qu’il passe en revue le narcissique, le négativiste, la personnalité paranoïaque, la personnalité histrionique, le stressénervé, le pervers la personnalité passive-agressif.

Les chapitres suivent tous le même plan : une petite BD humoristique, un test pour voir si on a cette personnalité, une description du trouble, quelques lignes qui indiquent quand le cap pathologique est dépassé, quelques exemples dans l’histoire, les croyances des personne atteintes du trouble, comment cohabiter avec les personnes qui souffrent de ce trouble, et ce qu’on doit à ces personnes,

Riche de conseils pour aborder sereinement le collègue, le beau-frère ou le co-équipier, Christophe André nous invite à plus de tolérance et nous indique les comportements à adopter ou pas face à de telles personnes.

Les tests m’ont fait sourire et montrent combien nos défauts nous rapproche de ces troubles, non je ne suis pas passive-agressive, mais il peut m’arriver de refuser d’obtempérer, non je ne suis pas paranoïaque, mais j’aime bien que la porte de ma maison soit fermée, on je ne suis pas négative, mais suivant mon état de fatigue, ou les événements de ma journée, je peux avoir une vision plus pessimiste…

J’aurai envie par rapport aux ouvrages de ce genre à vouloir mettre en garde, ce n’est pas un livre à livre dans le but d’étiqueter les gens et de les figer mais bien dans la perspective de s’adapter pour des relations satisfaisantes.

J’ai beaucoup aimé le style humoristique de Christophe André secondé pour la partie graphique par Muzo. Un livre avec lequel on apprend en souriant !

dimanche 14 septembre 2025

 

Pachinko













Min Jin Lee

Ed Harper Collins poche, 12/01/2022, 640 pages


En son début, une humble petite pension où sont hébergés les gens de passage, et les pêcheurs. Bien qu’il ne commence pas par « Il était une fois », les premières lignes de ce roman semblent nous inviter à lire un conte : « un vieux pêcheur et sa femme… »  Cette histoire commence en Corée du Sud, mais à l’époque, la Corée n’était pas scindée en deux. Au tout début, on observe la source, une toute petite source : le pêcheur et sa femme, qui auront trois fils dont un seul, survivra, ce fils, Honnie, par l’intermédiaire d’une « marieuse », est uni à Yangjin, le couple donnera Naissance à Sunja, avec elle, la source devient ruisseau, rivière, puis fleuve : on voit apparaître peu à peu un grand nombre de personnages qui font du conte une saga en un énorme tome, dans lequel on avance  avec plaisir.

L’histoire commence vers 1910, année au cours de laquelle le Japon annexe la Corée. Nombre de Coréens pauvres migrent vers l’empire du soleil levant, bien qu’ils y soient mal accueillis, exploités, devant travailler pour des salaires de misère.

C’est dans ce contexte que Sunja, tombe enceinte, refuse le mariage avec Koh Hansu, amant de quelques semaines, marié et père de trois filles. Sunja sera marié à Isak, pasteur protestant qui part tenter sa chance au Japon. C’est là que commence notre Saga.

L’évolution des personnages est très intéressante : en 1910, on marie les jeunes filles moyennant une dot, l’affaire se règle entre les parents. Plus tard au japon, la femme ne peut être l’égal de l’homme, toutefois elle acquiert très progressivement plus de liberté. Il est intéressant d’observer le parcours de Sunja, femme travailleuse volontaire et courageuse, qui se démène pour le bien-être des sien, mère originelle et âme de la famille, elle traversera de lourdes épreuves, méritant le qualificatif de « belle personne ». Sur son chemin on verra évoluer sa famille sur quatre générations. Il est intéressant d’observer cette la progression des personnages dans le temps, entre 1910 et 1980, les mentalités, les moyens matériels, les situations professionnelles évolueront.

Les événements historiques ne sont que survolés, c’est dommage, mais l’on comprend qu’aux yeux de l’autrice, la place des personnages et leur devenir dans un contexte dont on se doute, est prioritaire. Si Hiroshima et Nagasaki ne sont pas mentionnées, on en constate aisément les effets à travers les épreuves subies par les protagonistes.

De nombreux sujets sont abordés dans ce roman : racisme envers les coréens, seconde guerre mondiale, division de la Corée, régime totalitaire au Japon, particulièrement entre les années 1930 et 1940, culture coréenne…

Je suis heureuse d’avoir appris tant de choses, d’avoir été invitée à comprendre les retombées d’événements majeurs sur une population et d’aborder l’histoire d’un groupe humain que je ne connais pas.

 

A retardement












Franck Thilliez

Ed Fleuve noir, 2/05/2025, 456 pages


Quelle joie de retrouver l’ami Franck Sharko et ses partenaires, cela fait quelques années maintenant que nous nous donnons rendez-vous pour de nouvelles aventures, mais c’est à présent bien plus qu’une enquête mouvementée. Depuis toutes ces années, j’ai l’impression d’avoir pénétré l’intimité de l’équipe la plus performante du 36, mais également la plus sensible, la plus unie pour le meilleur et pour le pire.

On n’oublie pas les épreuves endurées par Lucie Hennebelle, par Franck à ses débuts, alors que ce couple mythique n’était lié que par le boulot, on est bien conscient de la fragilité de Nicolas. Qui supporterait ce qu’il a enduré, on comprend le lien qui les unit et je trouve cela magnifique.

Dans ce dernier roman, très bien documenté, comme tous les romans de l’auteur, il sera question de folie, pas n’importe laquelle : la schizophrénie qui amène sur scène, Eléonore, une jeune femme, psychiatre de son état, bien téméraire et qui ne se montre pas consciente du danger. On se retrouve confronté à d’horribles meurtres (qui connaît cette série sait à quoi s’attendre avant d’ouvrir le livre !), on côtoie des créatures, éléments de phobie d’un grand nombre d’individus sur terre, les lecteurs ne sont pas épargnés : lombrics, tænias, araignées, ça crée une belle ambiance, et les crimes sont tellement effroyables que je me suis protégée en essayant d’en rire et en régalant mon entourage de belles descriptions. Souffrance physique comme psychologique sont au programme ! On ne s’ennuie pas.

Au milieu de toute cette hémoglobine, et cette boucherie, j’ai tout de même trouvé que mon chouchou Franck était plutôt effacé dans ce tome, il apparaît, silencieux souvent, pensif, l’auteur le dit âgé, oui un peu mais là il me fâche un petit peu ! Disons que Sharko fatigue, on comprendra, il en a tant enduré ! Il subit encore une épreuve qui enverrait un individu à l’hôpital pour plusieurs mois.  Il continue néanmoins à se montrer humain et ne s’efface pas sans raison : il laisse une belle place à Nicolas Bellanger qu’on a envie de voir évoluer, refaire sa vie et sourire à nouveau.

Vivement le prochain tome, (il va sans doute falloir attendre encore), je me demande d’ailleurs où en sera Franck, j’espère qu’il n’a pas encore envie de prendre une retraite qu’il mériterait amplement. Ce livre, de façon évidente, promet une suite, il suffit d’examiner la situation de certains personnages pour le comprendre.

J’attends donc avec impatience de retrouver ces amis auxquels je pense souvent en dehors de toute lecture. Je ne l’ai pas lu dès sa sortie, je le gardais pour les vacances et je l’ai fait durer, j’en suis là avec cette série ! aux lecteur qui n’ont jamais lu de livre de Franck Thilliez : âmes sensibles s’abstenir. 

samedi 23 août 2025

 Le silence de la ville blanche













Eva García Sáenz de Urturi

Ed Fleuve noir, 10/09/2020, 560 pages


Je viens de faire une magnifique découverte, et pour ma plus grande joie, je m’aperçois qu’il s’agit du premier tome d’une trilogie ! En fait il y a quatre tomes, de quoi agrémenter les longues soirées d’hiver, quel bonheur !

J’étais à la recherche d’un roman écrit par un écrivain hispanophone ou lusophone pour le challenge multi-défis, et je tombe par hasard sur ce thriller, mon genre préféré donc.

Si le héros, un inspecteur de police qui, s’il apparaît taciturne, a de sérieuses raisons pour cela : il est en fait dans le coma et annonce que les médecins ont décidé de le débrancher. Il s’agit là d’une infaillible façon de capturer le lecteur en éveillant sa curiosité. Et de son lit, il raconte l’affaire :

Un psychopathe enlève les jeunes gens par deux, les tue (je vous laisse découvrir le modus operandi, les expose dans un lieu historique de la ville de Vitoria-Gasteiz en commençant par un lieu datant du moyen-âge et en progressant à chaque crime, dans la chronologie par le choix du lieu. Ce n’est pas tout, il progresse de cinq ans en cinq ans, si des victimes ont quinze ans, les suivantes en auront vingt et ainsi de suite : Vitoria regorge de lieux historiques, impossible de prédire le lieu de la découverte suivante, de quoi semer la panique au poste de police et dans la population.

L’autrice ne se contente pas de raconter les faits, elle insinue entre les chapitres, une histoire de personnes datant des années 70, ajoute quelques indices qui seraient bien utiles aux enquêteurs.

On fait également connaissance du héros, l’inspecteur Unai Lopez de Ayala, dit le Kraken, entouré de sa meilleur amie Estibaliz, de son grand-père, sympathique personnage quasi centenaire. Un individu qui n’a pas froid aux yeux et dont j’ai adoré les répliques.

Ce roman ne m’a pas seulement captivée, il m’a aussi beaucoup émue, les crimes ne touchent pas uniquement les habitants lambda, il peut concerner des personnages devenus proches du lecteur. Les comportements des personnes ne m’ont pas laissé indifférentes, j’ai vraiment vécu ce roman comme si j’étais en plein cœur de l’histoire.

Ce livre est le fruit d’une documentation pointue, Eva García Sáenz de Urturi qui est entrée en contact avec les archéologues, des formateurs en profilage criminel, a étudié des cas réels, et affirme que ce roman est le plus autobiographique de la série, originaire de Vitoria, elle invite à la visite de cette belle et attirante ville, quelques-uns de ses personnages sont issus de ses souvenirs de jeunesse.

Je me suis également laissé bercer par la profusion de noms espagnols et Basques et de l’ambiance d’un pays que j’aime.

lundi 11 août 2025

 Dracula












Bram Stoker,

Ed Callidor, 18/10/2024, 576 pages


Après avoir vu le film de Luc Besson, inspiré de l’œuvre de Bram Stoker, j’ai eu envie de relire le roman, ma première lecture datant de trente ans. J’avais alors un excellent souvenir de cette lecture.

Heureux Hasard, on m’avait fait pour Noël, ce beau cadeau : Dracula illustré, roman intégral avec lettres manuscrites, coupures de presse, et autres documents dactylographiés. Un livre magnifique !

Si j’ai apprécié cette relecture, surtout au début, je dois avouer que je ressors mitigée de la seconde lecture, non pour une question de qualité du roman, j’ai un profond respect pour le travail de Bram Stoker, mais parce que j’ai trouvé que ce récit avait beaucoup vieilli.

Je vais donc distinguer ce que j’ai aimé : le contenu, et ce qui m’a moins plu :  le style, les pratiques scientifiques balbutiantes qui laissent perplexes, qui passaient à l’époque et ne sont pas recevables aujourd’hui et qui donnent à ce roman un aspect vieilli.

Concernant le contenu, même si aujourd’hui l’horreur n’a plus de limite, elle semblait savamment dosée en 1897, suffisamment pour impressionner le lectorat de l’époque, rappelons que l’affaire Jack l’éventreur hantait encore les esprits, et un monstre sanguinaire tel que le conte de Dracula avait son effet. Il faut dire que le suspens est de mise et la pression étudiée pour monter progressivement, l’auteur se montrant très généreux en allusions dès le début, sans jamais écrire le mot « vampire » auquel il préfère le terme de « non-mort »(Nosferatu). Les protagonistes sont placés face à une maladie inconnue, montrent une certaine naïveté en décrivant certains symptômes, ce qui peut faire sourire le lecteur tout en l’effrayant, car il sait, lui, de quoi il retourne, c’est ce qui m’a captivée en début de roman.

Concernant le contenu également, il faut reconnaître que Dracula est une référence : les signes de reconnaissance du vampire n’ont pas changé, et je pense qu’il est judicieux de lire ce roman si l’on veut asseoir ses connaissances à ce sujet.

Le style m’a quelque peu ennuyée, à tel point que je me suis demandé comment, alors que j’étais beaucoup plus jeune, j’ai pu poursuivre cette lecture riche de dialogues s’étalant sur la vie, le bien, le mal, la société, les considérations philosophiques, les éternelles congratulations des héros qui n’en finissent pas de se féliciter, d’être en admiration les uns pour les autres, en partie pour justifier la volonté de tuer le monstre venu perturber ce monde de bisounours, et par politesse. Il est vrai que le docteur Van Helsing mérite le respect car il est celui sans lequel aucune action n’aurait été entreprise, personnage dévoué à la cause de ses amis.

 

Quelques scènes par ailleurs, m’ont surprise parce que je les ai accueillies avec mon regard du XXIème siècle : les épisodes de transfusion font donc sourire, la notion de groupe sanguin n’est pas connue et au regard du nombre de transfusions reçues de quatre personnes au même receveur, il n’est logiquement pas possible d’assurer sa survie, ça passe en 1897, pas aujourd’hui. On assiste également, dans la deuxième moitié du récit, à une intervention avec trépanation, sur un homme aux blessures multiples, sans mesures d’hygiène sans bloc dans sa cellule, peut être suis-je pointilleuse, mais cela peut paraître énorme si on sort du contexte de l’Angleterre victorienne.

J’ai beaucoup apprécié la montée du suspens, le décalage entre les intentions de Helsing et de ses assistants et les faits réels, la poursuite du vampire jusqu’à l’assaut final.

Ce roman restera pour moi et beaucoup de lecteurs, une œuvre majeure, un incontournable.

jeudi 7 août 2025

 Everglades













R.J Ellory

Ed Sonatines, 10/04/2025, 456 pages



Garret Nelson, shérif adjoint dans un conté en Floride, est grièvement blessé au cours d’une intervention et se retrouve sans emploi, son handicap l’empêchant désormais d’exercer son métier. Mais le destin œuvre pour lui : il accepte un poste à la prison de Southern State, établissement construit dans un milieu hostile, un travail bien difficile sans un minimum de vocation.

Et l’auteur présente comme souvent, un personnage qui cherche sa personnalité, qui se pose de grandes questions quant à son ressenti, sur la vie en général, sa vie, sa solitude, ses parents, et sur les événements qui surviennent, qui peuvent heurter sa sensibilité (de même que celle de la lectrice que je suis).

Dès le début du roman, alors qu’il arrive pour prendre son poste, on se demandera comment il résistera entre prisonniers et gardiens sans états d’âmes capables d’assister à une exécution à la chaise électrique sans émotion parce qu’endurcis par leurs années de pratique.

Je suis entrée dans ce roman, parce que R.J Ellory, c’est une valeur sûre, je sais que j’y apprendrai beaucoup, je sais également qu’il y aura des scènes violentes et qui mettent mal à l’aise,  mais tant pis, j’apprécie vraiment cet auteur. 

Le sujet dominant le roman, est bel et bien la peine de mort. L’auteur nous invite à réfléchir à ce sujet : le pire crime la justifie-t-il ? Pour certains des crimes cités dans le livre, on a envie de dire « oui » tout en se demandant si cette peine de mort toujours pratiquée aux Etats Unis résout le problème de la criminalité, et si la justice est en droit de priver un individu de vie. Et puis ces personnes ont des familles, pitié pour elles. Un point reste à mettre en évidence également, parce que les prisons américaines ont de nouveau recours à la chaise électrique, ce procédé barbare, faute d’approvisionnement en produits nécessaires à l’injection létale. Ce roman nous plonge dans cet univers et montre ce que peuvent ressentir les condamnés qui croupissent dans le couloir de la mort.

Garret Nelson essaiera d’ajouter un peu d’humanité et de communiquer avec certains détenus, et l’on sent que sa présence à Everglades sera le point de départ d’un long cheminement.

Par ailleurs, entre action, enquête, étude du milieu carcéral, il y a tout ce qu’il faut pour capter l’attention du lecteur : l’action monte progressivement, des événements se succèdent, on retrouve cette alternance de chapitres qui entretiennent le suspense, il ne manque rien. Il nous tient en haleine jusqu’à la dernière page !

Cet auteur anglais a expliqué à une connaissance qu’il vend surtout en France, qu’il a des difficultés à se faire éditer aux Etats-Unis qu’il semble connaître parfaitement, de même qu’au Royaume Uni qui, paraît-il, ne souhaite pas éditer des policiers qui se passent au Etats-Unis. Réservons-lui donc cet accueil qu’il mérite amplement. Je n’ai jamais été déçu en lisant ses romans.

mardi 5 août 2025

 La Route (Bande dessinée)














Manu Larcenet, 

Ed Dargaud, 29/03/2024,160 pages


Après la route, roman que j’ai beaucoup aimé, la bande dessinée qui s’ouvre sur d’énormes nuages de cendre. Pas de doute, on entre bien dans l’univers de Cormac McCarthy.

Cette BD m’a captée, piégée et fascinée : captée parce que pas moyen de la refermer, piégée parce que je me suis, comme pour le roman, attachée à ces deux personnages quasi seuls au monde, et parce que je voulais m’assurer que le récit était fidèle au travail de l’auteur du roman, et fascinée parce que je n’ai pu m’empêcher d’essayer de me mettre à la place de ces survivants.

Bien qu’admirant l’écriture, les dialogues, le rendu des émotions, grande fut mon inquiétude à la lecture du roman, mais les images, je me les créais, et pour garder le moral, je les rendais fugace, c’est ce qui me permet de lire les thrillers les plus effrayants. Plus grande devient mon inquiétude en parcourant la BD, car je réalise vraiment l’horreur de la situation : ce roman transpire et communique la peur, la peur de mourir de faim, la peur des rencontres incertaines, des morts, de la violence. On peut se rassurer en se disant qu’il s’agit d’une fiction, mais dans ce post apocalyptique, on n’a affaire qu’à des hommes, pas de hordes de zombies, pas de mutants, rien de tout cela, seulement des hommes, comme nous, qui vivaient sur notre bonne vieille Terre, alors il est logique de s’imaginer que l’humanité pourrait subir un tel sort. C’est ce qui fait de ce livre une découverte effroyable.

Cette bande dessinée est extraordinaire par le rendu de ses images, la noirceur qu’elle véhicule. On me l’a prêtée et j’ai choisi de lire le roman avant, je ne le regrette pas, car j’aurais eu des difficultés à comprendre certaines scènes dans lesquelles les personnages sont noyés dans la cendre et où l’action est difficile à analyser. Par ailleurs, je pensais que cela se lirait rapidement car les dialogues sont succincts, ce que l’on peut comprendre quand on est dans une situation de survie, mais il est important de bien analyser chaque vignette de cette bande dessinée si fidèle au roman.

A présent il me reste le film, j’ai peur mais je le regarderai…

dimanche 3 août 2025

 Un été chez Jida










Lolita Sene,

Ed du Cherche midi, 11/01/2024, 176 pages


La romancière nous invite dans une famille, une famille Kabyle arrivée des montagnes d’Algérie, et qui s’est installée en France  après la guerre. On y fait connaissance de Jida, la grand-mère, pilier de la famille, maîtresse dans sa maison, mère nourricière, autorité incontestable.

L’héroïne, Esther passe l’été chez Jida. Parmi les membres de cette grande famille, l’oncle Ziri, fils préféré de Jida, se livre à des rapports incestueux avec Esther alors âgée de 9 ans. Jida le sait, mais protège son fils. C’est lorsque la cousine d’Esther se plaint que la situation s’envenime, que l’ambiance familiale déjà fissurée par des faits antérieurs liés aux mariages forcés et à l’éducation des filles, semble imploser.

Et Esther tente de construire sa vie, chemine sans aide et finit par porter plainte à son tour, se confiant à des personnes qui minimisent les viols subis par la jeune femme qui se révolte en refusant la culture kabyle.

Si la moitié du récit met en avant l’inceste subit par les filles de la famille, certains passages insistent sur l’éducation inhumaine des filles, les châtiments du père, les mariages forcés avec des hommes qui reproduisent ces châtiments avec leurs filles. Il s’agit donc également de la dénonciation de violences faites aux femmes et de l’éducation qui leur est réservée. L’autrice raconte également la jeunesse de Jida, son mariage, sa vie de femme jusqu’à ce qu’elle rejoigne son mari à Marseille à la suite de la guerre.

Esther aux souvenirs hésitants et dilués est heureusement secondée dans ce roman choral, pas Camille, sa cousine, Leila, sa mère qui culpabilise, par Jida dans son témoignage qui aide à comprendre la situation de ces femmes soumises à la loi des hommes, à la loi du silence que l’on ne peut excuser mais dont on comprend l’origine.

La romancière exprime avec beaucoup de justesse, ce que peut ressentir une femme victime d’inceste tout au long de sa vie, combien elle a besoin pour penser ses blessures, de la compréhension et de l’appui de son entourage et de la justice.

Un sujet grave abordé avec beaucoup de délicatesse, un très beau premier roman.

jeudi 31 juillet 2025

 

Malu à contre-vent












Clarence Angles Sabin

Ed Le nouvel Attila, 22/08/2025, 192 pages


Un roman que l’on ne peut pas, à mon sens, le qualifier de roman du terroir, trop peu d’éléments culturels, trop peu de tradition, trop peu d’acteurs pour mettre en avant les coutumes d’une région. L’autrice nous offre plutôt une succession de scènes de la vie d’une famille d’agriculteurs, famille incomplète avec un père, une grand-mère, une mère omniprésente qui se manifeste en coulisse à travers le mal-être de Malu.

Malu est une adolescente, et, fait surprenant, on ne perçoit de cette adolescence que la transgression : Malu enterre les agneaux morts sur une colline à l’insu de son père, constituant un véritable cimetière.  Malu, dévouée à sa famille possède un certain esprit rebelle : sa seule contestation, c’est le souhait qu’elle manifeste de ne pas aller au collège, elle qui ne semble avoir aucun lien particulier avec ses pairs, sa priorité étant sa famille : la grand-mère qui l’a élevée et son père qu’elle aide activement à la ferme.

Clarence Angles Sabin introduit ses lecteurs dans le milieu agricole : dureté des travaux, travail épuisant soumis aux aléas de la météo, difficultés de l’élevage, rentrées d’argent souvent insuffisantes.

J’en suis arrivée à me demander si une quelconque action allait venir briser la monotonie des descriptions dans ce milieux où l’on croise très peu de monde, où les journées sont ponctuées par la vie de l’exploitation exposée aux vents, au froid de l’hiver, à la sécheresse d’été.

Mais la deuxième moitié du roman est plus riche en événement : La grand-mère vieillit, et Malu redouble d’effort pour entretenir la santé de l’Aïeule…

De ce récit, j’ai aimé les belles descriptions de paysages, la quasi personnification des collines chère à la grand-mère et à l’enfant, l’écriture ciselée qui rend le livre si agréable à parcourir. J’ai moins aimé le côté morbide du récit : partout rôde la mort, si bien que chaque événement qui survient laisse imaginer que la faucheuse se dissimule, prête à survenir à la moindre occasion.

La fin m’a laissée amère car elle heurte ma sensibilité et me laisse un sentiment désagréable, réaction qui m’est personnelle, ce qui ne signifie pas vous, lecteur, vous la vivrez de la même façon.

J’ai tout de même découvert un très beau premier roman.

vendredi 25 juillet 2025

 Ceux qu’on aime













Victoria Hislop,

Livre de poche, 30/09/2020, 192 pages


Je me suis une fois de plus fait plaisir en lisant un roman de Victoria Hislop, merveilleuse écrivaine qui sait si bien conter et qui permet de mettre en mémoire des pans d’histoire que l’on ne mémoriserait pas si bien s’ils n’étaient pas inclus dans un roman où évoluent des personnages attachants, haineux, conciliants, qui permettent de découvrir toutes les facettes d’un événement.

C’est le troisième roman que je lis de cette autrice et je retrouve une trame identique : un personnage se retrouve en contact d’un ou plusieurs autres qui expriment leur intérêt pour le passé, et la narration commence : ce premier personnage se fait le témoin d’une époque et livre son parcours jusqu’alors inconnu de l’interlocuteur.

C’est ainsi que j’ai découvert que la Grèce avait une histoire mouvementée aux gouvernements instables voire inexistants puisque durant la seconde guerre mondiale, le gouvernement se réfugie en Crète. Et la Grèce sera le théâtre de violences, de tension entres royalistes sympathisant avec les nazis et communistes, reproduction à plus petite échelle de ce qui se passa dans le reste du monde. Après l’occupation, la famine, la soumission aux Allemands, la guerre civile et l’engagement des communistes dans les milices organisées à l’extérieur du pays, la guérilla, la déportation dans les îles, le putsch qui met une junte au pouvoir durant sept ans. Nos personnages seront malmenés à l’extrême dans ce tourbillon de folie meurtrière.

Ces événements, c’est Thémis qui les raconte, Thémis est la benjamine d’une famille perturbée par des soucis matériels, une mère instable, un père absent, une discorde entre les aînés et les plus jeunes. On y fera connaissance d’une aïeule dévouée qui saura apaiser les tensions. Tous prendront des chemins différents tous plus cahoteux les uns que les autres.

Le parcours de Thémis peut se montrer surprenant, elle n’est que courage, volonté et acharnement. On ne peut que s’attacher à cette jeune femme douce qui saura faire preuve d’une persévérance extrême. Cela surprend si l’on en juge par le comportement de cette grand-mère tranquille et sans histoire dont on fait la connaissance au début du récit.

Ce roman m’a vraiment captivée, j’y ai beaucoup appris sur la Grèce, pays que j’aime particulièrement et sur son histoire. J’ai aimé retrouver des lieux où je suis passée lors de mon voyage en Grèce l’année dernière.

 

dimanche 13 juillet 2025

 

Le tube de coolidge












Sonia Hanihina

Ed JC Lattès, 21/08/2024, 270 pages


Yacine est beau, Yacine a un succès énorme auprès de la gent féminine, et c’est Jeanne qu’il choisira pour devenir son épouse. Le couple s’installe, l’avenir est prometteur : elle est laborantine, il sera médecin. Tout est pour le mieux, du moins le pense-t-on.

Mais cet embryon d’amour semble bien s’affaiblir rapidement, et mourir avant d’avoir vécu : on l’apprend par Mona, première fille née de cette union, qui découvre des enveloppes contenant des radiographies, des clichés attestant les violences subies par Jeanne.

On découvrira les travers de Yacine à travers le récit que Mona fait de son enfance, un homme violent et bien plus encore, un homme qui mène le lecteur de surprise en surprise, un monstre de malhonnêteté inspirant le dégoût, appelant à une compassion sans limite pour Jeanne, la victime qui comme beaucoup de femmes subissant des violences, ne semble pas songer à quitter cet individu, par peur, par manque de moyens, pas espoir de voir la situation s’améliorer.

Mona racontant son enfance perturbée et ses peurs, effectue un véritable travail de psychanalyse qui lui permettra de s’en sortir tout en conservant ses fragilités, reniant pendant un temps, ses origines et son nom pour laisser opérer la résilience et se faire faire un tatouage Tunisien, celui qui est dessiné sur la couverture du livre. On y verra également les idées parfois contradictoires des adolescents et des jeunes adultes qui se construisent.

Je regrette que certains passages soient trop peu explicites, j’ai dû relire plusieurs fois certaines pages, ne comprenant pas ce que la jeune femme voulait exprimer. L’alternance des chapitres ou Mona raconte et d’autres chapitres étalant les résultats d’examens, permet tout de même de briser la monotonie du récit, toutefois, j’aurais aimé que ces passages montrent les conséquences de ces résultats, plus de réaction de la part de Jeanne, plus de ressenti que celui d’une femme qui subit et qui protège tant bien que mal ses enfants. En fait, les résultats semblent ne pas coïncider avec le reste de la narration, un décès, une grossesse, mais pas une suite qui contredit l’exposé des médecins.

Par ailleurs, des modifications intervenant dans la narration : on passe du « tu » qui s’adresse au père, à un « il », que l’on ne comprend pas et obligent à retourner quelques pages avant pour tenter de faire un lien entre les paragraphes. Il s’agit là d’un style d’écriture, pas celui que je préfère.

Si ce roman aura dans mon souvenir, le goût amer laissé par le problème des violences faites aux femmes, il me laisse une impression de lecture laborieuse, particulièrement à la fin.

jeudi 10 juillet 2025

 

La route


La Route



Cormac Mc Carthy

Ed Olivier, 4/03/2008, 256 pages

Ed Points, 3/04/2023, 256 pages.


J’estimais que 1984 de Georges Orwell était le roman le plus marquant de toutes mes lectures. Mais je n’avais pas lu la route. Deux romans à présent me laissent un goût amer, et en même temps, je dois dire que j’ai apprécié d’être happée de la sorte.

La route, je l’ai faite avec nos deux héros : l’homme et le petit garçon. Ce roman peut paraître fade et sans vraiment de relief puisqu’il ne reste sur la Terre, que de la poussière, des détritus, et la mort qui rôde partout, contrariée parfois par quelque horde d’individus errant et tentant de suivre une destinée avortée.

Mais l’impression de fadeur s’efface face à l’ampleur des dégâts : sur une Terre devenue inhospitalière, deux individus fouillent les décombres, il n’y a plus de lumière, plus d’espoir de retrouver le Monde d’autrefois, et les questions surviennent : les deux êtres ne sont plus personne, l’absence de nom n’est pas un hasard, les conversations sont réduites au minimum : qu’y a -t-il à dire  si ce n’est exprimer une peur viscérale de rencontrer des malfaisants, de mourir de faim, de rassurer en vain l’enfant, plus aucun projet si ce n’est un vague espoir en allant vers la mer, de retrouver un peu de vie.

Une étrange impression m’est venue à l’esprit en lisant le récit : je me suis placée en témoin de cette situation désespérée, compatissant et marchant aux côtés de l’homme et de l’enfant, et en même temps j’étais eux : j’étais l’homme qui luttait pour la survie de deux êtres seuls au monde, j’étais l’enfant qui n’avait plus que ce père, l’enfant qui ne connaîtrait pas ses pairs, l’enfants avec son esprit d’enfant et la sensibilité qui qui faisait ployer l’adulte en l’amenant à aider autrui.

Que de dureté ! Un enfant à qui on apprend à manier une arme, qui doit apprendre à se priver, à contrôler ses peurs, un enfant qui n’a pas envie de jouer parce que comme les survivants, il doit se protéger.

 

Un roman vraiment très angoissant. J’ai accompagné les personnages tout en me demandant durant la première moitié du livre, ce qui avait bien pu se passer sur Terre et comment les hommes en étaient arrivés  là. Mais je me suis dit que finalement, peu importe, car l’objectif de l’auteur n’était pas de montrer comment les hommes se sont détruits, mais de mettre en évidence les réactions d’individus dans ces conditions extrêmes : plus question de regret, le passé ressurgit brièvement, mais l’instinct de survie reprend sans cesse le dessus, Dieu est mort et plus aucune loi ne vient protéger l’individu. C’est vraiment glaçant, d’autant plus glaçant que par rapport à d’autres post apocalyptiques mettant en avant des hommes transformés par je ne sais quelle manipulation génétique, ou des sectes d’individus effrayants, ce roman, bien que fiction, pourrait parfaitement concerner l’humanité tout entière. C’est sans doute ce qui constitue un vrai sujet d’angoisse.

Je ne vais pas m’arrêter là cependant : il me reste la BD que l’on m’a prêtée, en l’ouvrant je me suis dit qu’il valait mieux lire d’abord le roman, puis le film (peur !).

Donc si on est angoissé de nature, il vaut mieux éviter un tel roman. Je ne regrette toutefois pas d’avoir lu ce classique.