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mardi 31 octobre 2023

 L'iris blanc













Fabcaro et Didier Conrad, d'après Uderzo et Goscinny

Ed Hachette, 26/10/2023, 48 pages.

Jules César ne sait plus que faire ! Les légionnaires baissent les bras, on ne compte plus les mutineries et autres désertions ! Mais c’est sans compter sur Vicévertus, médecin chef des armées romaines, spécialiste de la communication, qui permet de parvenir à remotiver le camp de Babaorum après une hypothétique mais inévitable défaite du dernier village rebelle… Vous le connaissez, ce village peuplé de valeureux guerriers ripailleurs, bagarreurs qui n’ont peur que d’une chose… Notre médecin romain va les transformer en bisounours… Et on est à deux doigts de le voir devenir un village ou règne l’amour, la compassion grâce au sérieux « travail sur soi » enseigné par Vicévertus. Le scénario n’a rien d’extraordinaire, il n'est pas sans rappeler d’autres scénarios bien connus : le domaine des Dieux, le devin, Obélix et compagnie, toutefois les auteurs se sont appliqués à mettre la vie en Gaule au goût du jour, avec son CGV, ses charinettes, ses techniques de communication bien connues aujourd’hui du grand public, ses chansons à la mode, euuuhh … gauloise, revisitées par notre fidèle barde et qui m’ont fait plus que sourire…

Comique également le changement dans les rapports entre personnages, Obélix aborde les sangliers à sa façon, on se bat, oui, mais poliment, on se dit des gentillesses, on achète même les poissons d’ordralphabétix, c’est dire !

Question jeux de mots, on est servi, il serait même bon de lire au moins deux fois le volume pour ne rien manquer. J’ai très envie de citer certains dialogues, mais je m’abstiens pour permettre à chacun de les découvrir ! On y retrouve le style de Fabcaro pour notre plus grand plaisir !

Un volet très « feel good » parmi les meilleurs « post Goscinny et Uderzo ».


jeudi 26 octobre 2023

 Il était deux fois
















Franck Thilliez

Ed Fleuve noir, 4/06/2020, 528 pages


J’ai attaqué ce roman avec grand enthousiasme. Le départ prometteur semblait bien appartenir au registre fantastique avec l’histoire d’un gendarme venu se renseigner, suite à la disparition de sa fille, sur les allées et venues des clients de l’hôtel de Sagas, village perdu quelque part en Haute Savoie, qui s’installe pour la nuit et se réveille dans une chambre différente de celle dans laquelle il s’était couché, ne reconnaissant ni ses affaires, ni sa propre personne… Mais cet aspect fantastique combiné avec des chutes d’étourneaux par centaines dans la région, n’était sans doute que le fruit de mon imagination. Qu’importe ! On est tout de même mêlé à une enquête complexe : un gendarme, Gabriel, qui a perdu la mémoire, un autre gendarme peu enclin au départ à se pencher sur le problème de Gabriel, un individu qui semble bien vouloir ronronner à la gendarmerie. Mais un corps inconnu est retrouvé, celui d’une jeune femme… Et l’enquête reprend, un peu lourdement au départ, dans un récit un peu long, mais on imagine bien que c’est pour traduire les hésitations, les difficultés qui la font patauger… Puis l’action commence, dans le troisième tiers … et on ne lâche plus le livre qu’à regret. La complexité de l’enquête réside dans le fait que les indices sont difficiles à décrypter, que les liens entre les personnages restent très longtemps un mystère, que beaucoup de non-dit de la part de témoins potentiels subsiste dans la première moitié du roman.

Question meurtre, on est servi, question horreur, c’est du cent pour cent thriller made in Thilliez et on y adhère, bien que l’on trouve le mobile des crimes plutôt capillotracté. Certaines scènes peuvent blesser la sensibilité des lecteurs, personnellement, je les ai trouvées fascinantes. Toutefois, sauf erreur de ma part, Thilliez ne cite pas ses sources comme le fait Beuglet ou Norek, c’est dommage car je continue à me demander si ce qu’il décrit est issu de faits réels ou si elles sont le fruit de l’imagination de l’écrivain.

Cette trilogie dont je n’ai pas encore lu le troisième volet fait désormais partie des classiques du genre, à lire absolument !

mercredi 11 octobre 2023

 

Jean-Luc et Jean-Claude












Laurence Potte-Bonneville

Ed Verdier, 25 août 2022, 160 pages


Le roman s’ouvre sur une étrange scène, un prologue qui place le lecteur en contact avec de mystérieux acteurs : une créature sauvage, un humain inerte, les deux en contact involontaire sous l’eau, sorte de mise en bouche qui précise un contexte très flou que l’on reliera ou pas avec le reste de l’œuvre, quelques points communs avec un événement futur pouvant se dégager.

Puis on entre dans le récit, on fait connaissance de Yolande Baudier, qui habite à proximité du café où commence l’histoire, retraitée qui observe et constate l’arrivé d’un personnage qui entre au café.

Si le début peut paraître confus en raison de l’emploi de la troisième personne du singulier pour présenter ce premier acteur et décrire le comportement des personnages principaux, Jean-Luc et Jean-Claude, la situation s’éclaircit rapidement, même si les propos des deux amis installés au bar sont quelques peu incohérents, ce qui permet de les cerner.

Jean-Luc et Jean-Claude sont deux individus inséparables. Jean-Luc semble veiller tant bien que mal sur son ami Jean-Claude, diabétique. Les deux viennent d’un foyer, sont sous tutelle et curatelle, sont encadrés par un éducateur et connus de Jacqueline, la propriétaire du café qui connaît les interdits et s’impose pour les empêcher de transgresser.

Le contexte le permettant, les deux amis se retrouvent en voiture avec Florent, ce jeune homme qui consommait à leur côté chez Jacqueline, et se retrouvent dans une situation proche d’une aventure que l’on pourrait qualifier d’extraordinaire étant donné le peu de repères de nos héros qui se mettent en danger : les deux reçoivent un traitement médicamenteux indispensable à leur santé physique ou mentale.

Un beau roman sur le handicap, la fragilité de certains êtres qui ne peuvent s’aventurer dans des lieux inconnus sans subir de graves perturbations, un roman sur la détresse des personnes en situation de précarité. Si l’on s’attache rapidement à Jean-Claude et son ami parce qu’on imagine fort bien leur situation et les dangers qui les guettent, on a parfois du mal à cerner florent, intermédiaire en difficulté lui aussi, mais qui reste un personnage secondaire.

L’autrice nous offre également une agréable promenade en baie de somme, avec quelques repères sur sa faune, sa flore, ses dangers, un milieu sauvage qui ajoute une certaine ambiance au roman.

La fin brise hélas la routine du récit, la sortie scolaire et ses ados difficiles à gérer, scène avec des dialogues qui m’ont sortie du confort relatif dans lequel je m’étais installée semble plaquée n’aide pas à comprendre la situation de Jean-Claude. Comment est-il arrivé à là ? je n’en dirai pas plus pour éviter de divulgâcher.

Deuxième bémol : le prologue : s’il y a une similitude entre la scène de départ et la fin, on notera une incohérence entre la situation initiale et la situation finale.

Un roman court, qui laisse en tête une ambiance générée par ce périple en baie de somme, et le souvenir de deux êtres fragiles et attachants.

 

 

 

lundi 2 octobre 2023

 

Chocolaté












Samy Manga

Ed Ecosociété, 22/03/2023, 136 pages


En refermant ce livre, je me sens encore plus amère que le chocolat que je consommais sans me poser de questions, à part peut-être quelque interrogation sur le goût généré par la teneur en cacao des carreaux absorbés goulûment. C’est bon en cas de déprime dit-on ! Considération d’occidental gâtée, c’est l’idée qui me vient à l’esprit, et je me demande vraiment qui doit être déprimé dans cette histoire, certainement pas les Européens qui vivent dans l’opulence, mais plutôt les planteurs de cacaoyers exploités, abusés, décimés par les traitements dangereux qu’on leur impose, maintenus dans la pauvreté à coup de sermon de prêtres blancs qui leur promettent une place de choix dans l’au-delà, usés après leur courte vie de labeur.  

Un sentiment de honte, voilà ce que je ressens à la lecture de ce roman marquant qui raconte l’histoire d’Abéna, élevé sur l’exploitation de son grand-père et participant activement jusqu’à son adolescence à la production des précieuses fèves, l’or vert qui leur permet de vivre bien pauvrement, pour satisfaire les caprices des occidentaux.

Désormais, prélever un carreau dans une tablette ne pourra plus pour moi, être un acte anodin car si on peut s’en douter vaguement, parce que cela se produit bien loin, la consommation du chocolat vendu par des empires qui s’enrichissent toujours plus est à l’origine de la déforestation, de la fin de la biodiversité, de la mort d’individus quasi esclaves, du travail d’enfants victimes de la gourmandise des pays riches, d’enfant qui n’ont trop souvent même pas vu ne serait- qu’une barre de chocolat, leur vie se réduisant aux semences, à l’irrigation, et ne voyant que des cabosses et des fèves de cacao. Triste réalité.

Je me console en me disant que le commerce équitable se développe dans ce domaine, j’ai eu la chance de visiter l’été dernier, une fabrique de chocolat équitable qui travaille avec deux plantations de Sao Tomé, le maître chocolatier se rendant régulièrement sur les exploitations, et garantissant des conditions de travail et des salaires décents à ses cultivateurs, tout en assurant la scolarisation des enfants. Ce chocolatier a choisi d’abandonner son commerce avec le Ghana pour cause de déforestation. J’ajouterai que ce chocolat ne contient ni lécithine de soja, ni huile de palme. C’est rassurant.

Ce beau roman, œuvre d’un auteur camerounais engagé, connu pour ses écrits poétiques et qui termine son récit par un magnifique poème, est de ces écrits qui font avancer, qui parviennent à faire réfléchir et évoluer. Un roman qui devrait être lu par le plus grand nombre.