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lundi 29 avril 2024

 

Et chaque fois mourir un peu.












Karine Giebel

Ed Récamier, 28/04/2024, 480 pages


J’ai un peu hésité avant de me lancer dans cette lecture qui me faisait peur : un roman certes, mais aussi un effrayant exposé des horreurs et des effets de la barbarie humaine. Je me suis malgré tout engagée sur le chemin de Grégory, infirmier envoyé par la croix rouge, sur les lieux de crimes des hommes contre leurs semblables, là où la guerre fait d’innombrables victimes, là où la faim sévit, là où les séismes précipitent hommes, femmes et enfants sous les décombres, et partout où des mines antipersonnel amputent, dévisagent, tuent. Je ne regrette pas de m’être intéressée à ces événements sinistres, couchés sur le papier certainement pour rappeler combien le monde est malade et combien l’homme est capable de faire du mal sans limite, mais aussi pour saluer la bravoure et le sang froid de personnes comme ce héros qui ressent un besoin irrépressible de soulager, de soigner, d’apporter de l’amour à autrui.

Karin Giebel nous le présente sous toutes ses facettes : individu dévoué à la cause humaine, mais aussi un personne victime de grande souffrance dans sa vie privée, et qui deviendra une « tête brûlée », mettant son désarroi au service des autres, un être rempli d’une foi à soulever les montagnes, regorgeant d’une confiance en soi à toute épreuve voire capable de témérité.

La psychologie des personnages m’a passionnée, l’autrice nous amenant à comprendre que l’on ne gomme pas la fuite et le changement de situation, la torture, la peur, la culpabilité infligée par les bourreaux. Cet exposé fait de ce roman, un thriller psychologique de grande qualité.

Ce fut donc un coup de cœur qui me laisse sur ma faim : j’attends avec impatience le tome suivant.

                                       

 

 

vendredi 19 avril 2024

 

Au nord de la frontière












R.J Ellory

Ed Sonatine, 21/03/2024, 496 pages



J'ai été enchantée de constater que l’un de mes auteurs de thriller préféré, R.J Ellory, ait publié un nouveau roman. Cette fois, il nous propose un bout de chemin, avec Victor Landis, chérif dans un comté de Géorgie. et quel chemin !

Victor Landis est un chérif solitaire au passé douloureux : perte de sa mère, relation délicate avec son défunt père, brouille sérieuse avec son seul frère. Ce dernier meurt dans de terribles souffrance, assassiné par … ? C’est là le sujet de l’une des investigations, car en effet, deux enquêtes vont s’entrecroiser.

Les écrits de cet auteur semblent bien renfermer de profondes similitudes, je l’affirme après avoir également lu Vendetta et les Anges de New York : notre policier solitaire est poursuivi par ses démons et chemine vers des vérités et des solutions qui l’aideront à avancer avec l’aide de personnages prompts à lui ouvrir les yeux.

C’est au contact de l’ex-femme de son frère et de sa fille de onze ans, Jenna, qu’il découvrira son humanité et la possibilité de créer des liens forts.

Mais à trop vouloir se rapprocher du soleil, on peut se brûler les ailes, et c’est ce qui fait le suspens qui précipite la lecture dans le dernier tiers du roman.

SI certains événement sont effroyables, l’ensemble du récit se parcourt sans trop de sensations fortes, contrairement à Vendetta qui peut donner la nausée.

J’ai aimé le cheminement du héros, son évolution, sa détermination. J’ai parfois eu des difficultés à fixer les noms de certains personnages car ils sont nombreux, toutefois, on situe assez rapidement les bons, les moins bons et les manipulateurs sans conscience qui font observer sans scrupule, la loi du silence et qui tissent savamment leur toile d’araignée dans les Etats concernés.

J’ai aimé le maniement de la langue (quoique la traduction ne rend sans doute pas exactement compte du parlé des Appalaches) et les tempéraments qui transparaissent à travers ce parler local.

Un livre à vraiment conseiller aux amateurs de policiers, un livre qui attise la curiosité du lecteur soucieux et impatient  de savoir quelle sera l’issue pour notre héros qui, du début à la fin, marche sur un fil tendu sous lequel rougeoient des braises.

samedi 6 avril 2024

 Les guerres précieuses












Perrine Tripier,

Ed Gallimard, 12/01/2023, 192 pages



Est-ce l’histoire d’une maison ou l’histoire d’Isadora ? A moins que… et très probablement, la maison soit le personnage principal et Isadora est son âme. Isadora pourrait être aveugle, aucune importance, de ce refuge, elle connaît le moindre recoin, la plus petite tuile, tout craquement lui est familier, tout dommage devient blessure. Et pourtant Isadora a dû quitter ce havre paix pour la maison de retraite, et Isadora se rappelle et nous livre un récit emprunt de nostalgie mais si plein de vie.

On y goûte saison après saison, la joie des retrouvailles entre cousins, les aventures sylvestres d’une poignée de gamins, les repas en famille où il fait bon se retrouver, les mystères du grenier, les rivalités, les peines, les éclats de rire et telle, la première gorgée de bière, les petits plaisirs : le chocolat chaud du papa,  dégusté à la mauvaise saison, celui qui réchauffe le corps et le cœur, les glissades dans les neiges d’hiver, la petite fleur qui naît sous le timide soleil du printemps.

Cette maison, Isadora l’a chérie au point de tourner le dos aux amants, de fuir les animations qui attirent d’ordinaire tant les jeunes filles pour choisir la solitude, pour rester maître d’elle-même et de son milieu de vie, pour se livrer à son autre passion : la lecture au coin de la fenêtre.

Ce roman est une petite pépite, un bonbon que l’on suce avec parcimonie, que l’on voudrait faire durer. En racontant sa nostalgie des temps anciens sans dissimuler les émotions d’Isadora, saison après saison, l’autrice réveille en nous d’agréables souvenirs, on se laisse bercer par son écriture ciselée, on se trouve comblé par tant de poésie.

Au moment ou j’écris ces lignes, mon être frissonne de plaisir et mon âme est en éveil.

Ne passez pas à côté de ce bijou littéraire, un livre que l’on se doit de garder sur sa table de chevet pour, de temps en temps, se faire plaisir en lisant un passage.

 

 

mercredi 3 avril 2024

 

Le silence












Denis Lehane

Ed Gallmeister, 27/04/2023, 448 pages


Sous quelle étoile est-elle née cette femme, confrontée à la violence dès son plus jeune âge, violence considérée comme légitime puisqu’elle venait de ses géniteurs. Et quelle route chaotique !

Si le roman peut paraître long à certains moment, nombre de pages sont indispensables pour apprendre à connaître ce personnage central du récit, non pour excuser ni pour compatir, mais pour comprendre ce parcours et pour se mettre à sa place : et c’est ce que j’ai pu ressentir souvent en cours de lecture : comment réagirais-je si, comme l’héroïne, on enlevait ma fille, que je devais me débattre pour la retrouver, me heurter à une communauté qui a fait vœux de silence, aidée par un parrain qui a savamment tissé une toile d’araignée pour entretenir la peur, le doute, l’inaction des autorités et pour paralyser la population.

De quoi dispose-t-elle ?

 D’une fameuse conviction, d’une certaine force physique, comme de persuasion, de suite dans les idées, du langage approprié pour faire passer ses idées, j’ai d’ailleurs beaucoup apprécié les dialogues et le répondant de Marie-Pat.

Et c’est dans cette ambiance de ségrégation que se déroule d’histoire, une histoire sordide qui prend sa source dans les générations antérieures, un racisme qui se transmet insidieusement dans des communautés qui,  en toute logique et bonne foi, rejette ce qui est différent, ce qui ne correspond pas à leur façon de vivre.

Pour faire passer son message, l’auteur commence doucement, par un certain questionnement émanant de Marie-Pat, puis s’ensuivent quelques réflexions des collègues, pour cheminer vers les horreurs que peuvent proférer les blancs à l’encontre des populations de couleur. Il n’hésite pas à employer des termes d’une violence inouïe, sans doute beaucoup plus employés dans les années 70.

Je me suis sentie bien malmenée tout au long de ce livre, malmenée par l’injustice, malmenée par le peu de belles personnes rencontrées sur le chemin de Marie-Pat, malmenée par les individus qui mettent leur génie au service du mal, malmenée par une fin pour laquelle je me suis demandé si la justice s’exerçait sans vraiment pouvoir répondre à cette question.

Bel exploit de l’auteur, le message est passé, c’est le plus important.

mardi 2 avril 2024

La bibliothécaire d'Auschwitz













Salva Rubio - Loreto Aroca

Ed Rue de Sèvre, 31/08/2022, 142 pages



N’ayant pas lu le roman, je découvre à travers cette bande dessinée, l’histoire de la courageuse Dita, qui s’est vue, comme ses pairs, privée de liberté, privée d’école, placée en ghetto, déportée dans le pire des camps de concentration, placée avec ce groupe d’hommes et de femmes installés dans le camp BIIb, vitrine du camp d’où on ne voyait pas les chambres à gaz ni les fours crématoires, et qui servait probablement à bluffer la croix rouge où tout autre étranger venu visiter l’endroit.

 

Cette partie du camp reste tout de même sous la surveillance des nazis, on y souffre avec l’héroïne, de la famine, de la terreur infligée par Josef Mengele, médecin chef du camp, tortionnaire notoire, mais on y agit : Dita alors âgée de 14 ans, n’hésitera pas, soutenue par Fredy Hirsch, à se lancer dans l’organisation d’une bibliothèque en proposant les quelques ouvrages disponibles au péril de sa vie, car les livres sont évidemment interdits dans le camp. Cette histoire n’est pas sans rappeler la clandestinité et le trafic qui s’opérait dans les camps, très bien expliqué par Primo Levi, dans son ouvrage : si c’est un homme. Le fait d’organiser une bibliothèque dans le camp ne m’a donc pas surprise.

 

Un ouvrage poignant et. Ce n’est pas le premier que je lis, et pourtant je tombe des nues à chaque fois que je constate à quel point la méchanceté humaine est sans limite.

 

Cette bande dessinée est magnifique, les idées y sont clairement exprimées, le dessin agréable, les teintes appropriées.

J’ai apprécié en fin d’ouvrage, l’annexe apportant des précisions sur les lieux, les faits historiques, la création de cette bande dessinée. Elle apporte de précieux renseignements, Elle invite à lire le roman, ce que je ferai certainement.