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dimanche 31 mars 2024

 

Rendez-vous à Kerloc'h













Françoise Bourdin

Ed Belfond, Pocket, 1/04/2006, 320 pages



Je n’avais jamais lu de roman de Françoise Bourdin, et le challenge solidaire m en a fourni l’occasion. Je suis très vite entrée dans l’histoire, ce roman me paraissait alors très facilement lisible, trop facilement lisible avec une intrigue sous la forme d’un gros secret de famille trop prévisible trop vite dévoilé, des personnages sans relief, et pour cause, un pater familias tyrannique qui fait la pluie et le beau temps, qui se vautre dans un questionnement qui le tourmente depuis au moins trente ans, mais bon, il ne faut surtout pas connaître la vérité au risque de perdre la face et devoir rendre des comptes.

Ce roman, parsemé d’histoire d’amour, de personnes qui se haïssent, puis s’adorent, de fuite de l’être aimé, de chagrins de toute part, de divorce, font immanquablement penser à quelque roman à l’eau de rose que l’on met très peu de temps à oublier.

Le deuxième personnage, le fils, Loïc, diabolisé pas son père, fait vraiment figure de demi-dieu pour lequel le monde de la biologie marine est prêt à se mettre à genou : bardé de diplômes, physique d’apollon, et pourtant, pas vraiment de personnalité, avec une excuse cependant : l’autorité paternelle annihile toute velléité de résistance.

J’ai choisi ce titre parce que je me suis dit que j’allais me retrouver sur ma terre natale, sauf que l’autrice dissémine dans son livre, des prénoms, des noms de ville en breton en laissant bien entendre qu’il s’agit de l’appellation bretonne, y ajoute des crêpes bien sûr, en annonçant qu’on les fait sur une grande plaque ronde, oui, une tuile à galettes quoi, un billig, ce mot francisé pouvait apparaître dans la mesure ou elle cite le mot « tamic » qui voudrait dire « petit bout » , elle cite des noms de famille comme Le Marrec et Coatmeur, bref, il ne suffit pas de saupoudrer le roman de mots breton pour se sentir en Bretagne, ça sonne faux, ça fait cliché.

Mitigée donc, disons que je n’ai pas passé un mauvais moment de lecture.  

jeudi 21 mars 2024

 Génial, ma mère est morte















Jennette Mc Curdy

Ed JC Lattès, 7/02/2024, 400 pages


La première fois que j’ai lu ce titre, je dois avouer qu’il m’a un peu choquée, et le livre, après lecture de quelques critiques, ne provoquait pas d’envie urgente de le lire pour moi. Le déclencheur, ou plutôt la déclencheuse fut Kittiwake qui m’a assuré que ce roman me plairait.

Je m’y suis donc collée ! Ce que je prenais d’ailleurs pour un roman n’était autre que l’autobiographie de Jennette Mc Curdy à laquelle on ne peut que s’accrocher pour ne plus lâcher jusqu’à la fin.

On y fait connaissance dès le début, d’une famille qui ressemble à une banale famille américaine, Mais on s’aperçoit vite qu’il y a comme un problème : une mère toute puissante et désireuse de voir sa fille chérie devenir une célèbre actrice, et ce, dès ses huit ans. Une mère malade, atteinte d’un cancer qu’elle saura mettre en avant pour parvenir à ses fins. Une mère aimante ? peut-être le croit-elle, cette femme envahissante, hystérique, étouffante, méprisante pour les uns, trop entreprenante pour les autres. Il y aurait beaucoup à écrire sur son compte, mais je préfère laisser aux futurs lecteur la découverte de ce personnage, rebondissements et surprises garantis.

Cette histoire , c’est avant tout l’histoire de Jennette, actrice réalisatrice américaine toujours active, et qui nous livre son cheminement,  elle raconte ce parcours tracé par sa génitrice, sa maman à qui elle voulait absolument faire plaisir, à tel point que l’on pourrait se demander si, petite fille, elle ne réalisait pas qu’elle subissait les  mauvais traitements d’une mère manipulatrice, si adolescente, au lieu de tout rejeter, elle n’était pas victime d’un syndrome de Stockholm (question que je me suis posée tout au long du récit).

Cette biographie se compose de deux parties : avant maman et après maman, la deuxième partie se lit en tenant compte de l’enfance et l’adolescence de l’actrice, elle ne surprend pas, elle captive toutefois, parce que Jennette, on s’y attache, on serre les dents, on voudrait la voir évoluer pour se défaire de cette éducation stricte, sans choix possibles à part ceux de Madame Mère. Puisse ce livre la délivrer de ses démons !

J’ai beaucoup aimé faire connaissance de Jennette, connaître le travail des studios, l’envers du décor (est-ce toujours si rose d’être célèbre ?), le problème de ces enfants du cinéma qui n’ont rien demandé et que l’on place en casting, le parcours semé d’embûches pour percer dans ce milieu. Je sors ravie de cette lecture, et finalement, le titre, il cache bien des aspects de la vie de Jennette, à la fois sérieux et ironique, pour le comprendre, il faut entrer dans le livre, ce que je conseille vivement.

mercredi 13 mars 2024

 

Le peuple de l'abîme












Jack London

Ed livre de poche, 18/08/2021, 224 pages


1902 : Jack London bien qu’ayant vécu des années de galère, évoluant au gré des emplois qu’il pouvait trouver jusque vers 1894, décide de s’immerger dans les quartiers pauvres de Londres. Cette décision, il la prend en tant que journaliste et on constater que cet écrit, en plus d’un témoignage est un reportage complet sur la condition des miséreux de White Chapel, et plus que cela car on peut, entre les lignes, y voir une critique de la politique anglaise, côté obscur du beau règne de la reine Victoria, défunte au moment où notre journaliste déambule dans les rues, côté obscur  du règne d’Edouard VII, une analyse de la société anglaise en insistant sur la répartition des richesses, l’emploi, la précarité et l’injustice ambiantes.

Il commence son expérience en tentant de demander les services de l’agence Cook qui, trouvant cette idée saugrenue, refuse de coopérer comme si on demandait à ses employés de se rendre en enfer voire de signer leur arrêt de mort. On retrouvera ce comportement chez d’autres individus tels que le conducteur du cab qui l’emmène dans l’East end, le détective qui lui loue une chambre dans laquelle il pourra se réfugier en cas de problème et bien d’autres qu’il rencontrera sur son chemin de misère.

Puis commence sa descente aux enfers où il côtoiera une misère noire, une misère extrême, avec pour compagnons de route, des hommes qui cherchent leur pitance dans la boue, à l’affut du moindre noyau de cerise à croquer, des hommes qui se retrouvent, faute de place dans les asiles, dans l’obligation de marcher toute la nuit dans Londres, car la loi interdit de dormir lorsqu’on est dans la rue, il faut sillonner Londres, y compris se rendre  du côté de Westminster, attendre l’ouverture de Green Park à 5 heures du matin où, épuisé, on s’effondre sur les pelouses. Avec un peu de chance, on peut, de temps à autres, avoir une place à l’asile en échange de travail, un travail avilissant voire dangereux contre un quignon de pain sec et un peu de farine mélangée à de l’eau…

Ce que je décris, n’est que la face visible de l’iceberg hélas, on ira de surprise en surprise en constatant que les animaux sont largement plus nantis que ces groupes humains, que la haine n’a pas de limite, que les œillères de la bonne société londonienne sont très efficaces.

Etude très fouillée, Jack London va jusqu’à fournir des documents sur les procès et les peines des contrevenants aux lois, à établir le bilan des comptes d’une famille type, de ses besoins vitaux, montrant combien les revenus, lorsqu’il y en a, sont insuffisants, il fournit des statistiques qui renseignent sur la mortalité infantile, sur le statut des femmes, sur l’habitat et bien d’autres aspects du quotidien dans l’East end.

Ce livre, je l’ai ouvert après avoir visité le quartier de White Chapel au cours d’une visite conférence sur les pas de Jacque l’éventreur, durant laquelle la conférencière a bien insisté sur les conditions de vie dans ce quartier, terreau fertile pour les meurtres étant donné que les autorités ne s’y risquaient que rarement. J’ai donc doublement apprécié cet écrit : d’abord parce qu’il s’agit d’une intéressante analyse de la situation, et parce que j’y ai retrouvé des lieux, des noms de rues que j’ai parcourus, Un ou deux bâtiments qui existent encore aujourd‘hui. Cela m’a permis de relativiser, la noirceur absolue de la deuxième moitié du XIXème siècles et du début du XXème qui a laissé place à des conditions de vie qui, si elles ne sont pas idéales pour tous, respectent un peu plus les droits humains.