Pages

mercredi 30 août 2023

 La papeterie Tsubaki













Ogawa Ito

Ed Picquier, 3/06/21, 402 pages


Le titre de ce roman m’a interpellée parce que les papeteries, comme les librairies ont toujours exercé une certaine attraction sur ma personne. J’ai donc décidé de m’investir dans cette lecture. Je pensais tout de même entrer dans un roman qui renfermerait une certaine action, et c’est le cas, toutefois ce n’est pas ce que j’attendais, je pensais plutôt à une intrigue qui me mènerait jusqu’au bout du récit, il n’en fut rien. Mais aucune importance, car l’action, elle est disséminée dans tout le roman, elle émane d’Hatoko notre héroïne, écrivain public que l’on vient voir quand on veut offrir ses vœux, se marier, faire passer un message important, et même envoyer une lettre de rupture. L’autrice raconte toute la petite vie de cette jeune femme disciplinée, consciencieuse, qui vit dans l’ombre de l’aînée, cette grand-mère défunte qui l’a élevée, formée à son métier et pour laquelle elle se montre respectueuse tout en livrant un ressenti mitigé en se rappelant l’extrême sévérité de cette aïeule, son exigence quant à la calligraphie, son attitude autoritaire face à une enfant qui n’a pas connu ses parents. Hatoko, la douceur incarnée exprime tout de même une certaine amertume.

Ce roman, c’est aussi l’histoire d’un quartier de Kamakura où les voisins ont créé des liens rassurants et où règne une paix reposante, c’est une belle promenade dans le Japon et sa culture, avec quelques-unes de ses habitudes alimentaires, un pique-nique au milieu des cerisiers en fleurs, ses temples, ses fêtes, ses saisons…

C’est aussi l’histoire d’une papeterie où il fait bon s’arrêter pour prendre le thé, sentir les odeurs d’encre, de papier, acheter des crayons et discuter. On y apprend tout le cérémonial à respecter quand on est écrivain public et que l’on rédige des lettres et que l’on envoie du courrier : choix du papier, qui déterminera celui du crayon ou de la plume, choix du timbre en fonction de l’objet de la missive et de son destinataire, formules diverses, calligraphie...

Les relations d’Hatoko avec les personnes qui passent dans la papeterie sont très intéressantes à observer, Hatoko, souveraine dans son commerce et clairvoyante, saura adapter son comportement et ses réponses en fonction de son interlocuteur, pour nous faire découvrir toutes ses facettes.

Un roman très lent, très zen qui fait du bien et qui fournit une paix intérieure.

La fin est très belle, je n’en dirai pas plus. J’ai commencé ce roman, hésitante et mitigée, je le termine charmée et convaincue qu’il s’agit d’un très bon roman.

dimanche 27 août 2023

 Petit traité sur l'immensité du monde













Sylvain Tesson

Ed Pocket, 7/04/2005, 192 pages


Sylvain tesson, dans ce très bel exposé emprunt de sincérité, nous livre la philosophie de sa vie. Par les innombrables voyages au cours desquels il se fait l’égal de la nature, refusant tout moyen de transport moderne, tolérant tout de même le vélo, il nous montre comment il lui devient possible d’agir sur le temps et d’entrer en communion avec la nature. Il justifie son besoin de voyager par cette énergie qui l’habite, qui le brûle, qui l’amène à partir. il explique clairement les conditions de vie du vagabond moderne.

Par cet écrit, il nous livre sa vision de la vie, ses choix, ses envies, il communique son besoin de solitude, son désir de terminer sa vie en solitaire, sa soif des grands espaces, son profond respect pour la nature, les expériences qui justifient ses choix, véritable démonstration accompagnée d’exemples et d’anecdotes qui aident à comprendre le personnage.

Si, certains passages tels que les mentions d’auteurs qui ont pu guider son écrit et quelques passages répétitifs, ou encore quelques lignes durant lesquelles Sylvain Tesson s’envole dans une prose philosophico littéraire difficile à assimiler parfois, d’autres chapitres sont passionnants : j’ai beaucoup aimé son exposé sur sa condition d’alpiniste incorrigible qui l’a amené à escalader églises et cathédrales, tours et bâtiments, j’ai parcouru avec grand intérêt le chapitre consacré aux bivouacs et aux activités auxquelles il se livre durant ses périples.

Je n’ai pu m’empêcher d’imaginer le vagabond qui pense en marchant, et je suis persuadée que ce livre, il était bien inscrit dans son esprit, bien avant d’être couché sur le papier.

Cet écrit court mais profond et édifiant qui permet de cerner le personnage, je ne l’oublierai pas. Il m’a vraiment donné envie de poursuivre la lecture des aventures d’un homme à la personnalité hors du commun.

vendredi 25 août 2023

 Uriane











Charles Vella

Ed BOOKS ON DEMAND, 24/02/2023, 170 pages.


Voici un bien curieux roman qui m’a surprise dès les premières lignes. Une précision : d’ordinaire, je lis peu de fantasy, et je m’aperçois que, n’ayant pas vraiment lu la quatrième de couverture, je me retrouve face à des elfes, je n’ai rien contre les elfes mais mes préférences littéraires ne vont pas naturellement vers les créatures qui peuplent ces romans.  Et pour que je parvienne à me plonger dans un écrit de ce style certains aspects me sont indispensables : le récit doit contenir de l’humour et les créatures seront les bienvenues si elles sont mêlées à la population humaine. Par chance, ces deux conditions sont réunies dans ce court roman qui regorge d’humour, et de l’humour noir souvent, ce que j’aime particulièrement et un mélange d’êtres humains, dont on lira la genèse un peu particulière, fruit de l’esprit de l’auteur et bien imaginée, et d’elfes noirs ou drows.

L’héroïne, une demi-drow par sa naissance, père humain et mère drow, est tout à fait particulière, j’ai beaucoup apprécié ce personnage qui aurait pu s’avérer antipathique de par sa fonction de tueuse à gage et qualifiée d’assassine, terme délicieux employé par Charles Vella, mais ce n’est aucunement le cas, au contraire, sous sa carapace de guerrière, elle déploie des trésors de sensibilité qui justifient l’attachement que l’on peut ressentir à son égard. Personnage particulièrement comique dans les passages où elle bichonne ses animaux de compagnie préférés, les crapauds.

L’histoire a de quoi tenir en haleine : une « guérilla entre deux, voire trois groupements à caractère religieux : celui des crucifiés, secte intolérante qui fera réfléchir sur le respect de l’orientation sexuelle, celui des brûlés qui assureront la formation de Dame Crapaud.

Du suspens, donc, mais aussi quelques rebondissements et de la surprise, ce qui fait de ce roman une petite pépite. Merci à l’auteur de nous offrir son humour décapant !

jeudi 24 août 2023

 L'allègement des vernis












Paul Saint Bris

Ed Philippe Rey, 12/01/2023, 352 pages


Enorme coup de cœur !!!!

J’ai savouré ce roman comme on admire une œuvre d’art, d’abord globalement, un ensemble harmonieux, un puzzle avec chaque pièce indépendante quoiqu’indispensable parce que formant un tout, une sorte de carte mentale ayant pour objet, la très célèbre Monna Lisa, et pour problématique, sa restauration, et tout ceux qui y sont étroitement liés : personnages historiques, protagonistes, public, éléments contestataires, et employés du Louvre.

Si le personnage principal, Aurélien et conservateur d’un département du musée, fait figure d’individu plutôt taciturne qui traverse cette aventure comme un fantôme, sans avoir réellement de prise sur les décisions, se laissant porter par les événements, il regorge de culture artistique et ses pensées nous emmènent dans le monde de l’art et nous invitent à côtoyer des spécialistes qui seront ensuite mis en évidence dans des chapitres qui leur seront consacrés. Il est difficile de parler des personnages sans divulgâcher. Je peux tout de même affirmer que chaque intervenant possède un tempérament coloré qui déterminera une action originale voire comique, je ferai particulièrement un clin d’œil à Homéro, personnage intéressant que je laisse chaque futur lecteur découvrir.

Et puis l’on apprend beaucoup sur la restauration des œuvres, sur les vernis, sur les supports, sur les techniques, sur la Joconde elle-même, tableau célébrissime et méconnu à la fois. Moi qui ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les personnes capables de décrypter un tableau, de relever dans ses détails, des notions de peinture inconnues du public, de faire parler la couleur et émerger le message délivré par l’œuvre, je me suis de suite installée dans ce livre, m’en déloger fut chose difficile. Si je l’ai lu en numérique, je crois que je vais me procurer la version papier pour avoir le plaisir de le feuilleter et de le posséder.

Comme pour tout roman, je me suis demandée comment cette histoire allait se terminer, j’ai été surprise, perplexe, amusée, apaisée, la fin commence bien avant les dernières pages par un événement qui amènent lentement la dernière page, magnifique et reposante dernière page.

Voilà, je n’en écris pas plus sous peine de trop dévoiler. Ce roman, je l’ai bu jusqu’à la lie. C’est un roman qui invite à continuer à lire sur les œuvres d’art, sur le Louvre, sur la Joconde et son créateur.

Un très beau premier roman, une réussite qui j’espère, encouragera l’auteur à nous régaler d’autres écrits.

lundi 21 août 2023

 Inconnu à cette adresse













Kathrine Kressman Taylor

Ed livre de poche, 23/02/2002, 96 pages.


1932, Deux amis vivant aux Etats-Unis se séparent : Max est resté en Amérique tandis que Martin a regagné l’Allemagne, nous informe la première lettre de Max. « C’est une Allemagne démocratique que tu retrouves, Une terre de culture ou une magnifique liberté politique est en train de s’instaurer » C’est ce qu’affirme Max. Nous ne sommes qu’en 1932 et une amitié éternelle semble unir les deux amis. Amitié menacée dès 1933, après la chute de la République de Weimar, par l’arrivée au pouvoir d’Hitler, qui s’atténuera et disparaîtra pour des raisons idéologiques, le national-socialisme faisant des ravages dans une certaine proportion de la population allemande.

Un écrit court mais poignant qui montre l’absurdité de la guerre et la façon dont le führer parvint à galvaniser les foules pars ses talents d’orateur pour les amener à accepter l’inacceptable. On observera l’attitude des deux hommes : incompréhension de Max, fanatisme grandissant de Martin s’accompagnant de la « haine du juif » prônée par le gouvernement.

Un roman épistolaire court mais efficace et complet que les professeurs d’histoire devraient étudier avec les élèves, certains le font certainement, pour en extraire de nombreuses connaissances sur cette terrible période.   

Inconnu à cette adresse, affirma Kathrine Kressman Taylor, est fondé sur quelques lettres réellement écrites que l’auteur a choisi de romancer et de publier en 1938 dans Story Magazine, et qui connaîtra un tel engouement que le Reader digest le publiera à son tour. Un grand succès donc, aux Etats-Unis. Il est bien dommage de se dire que cette publication impensable dans l’Europe, sous le joug allemand aurait été de suite censurée.

C’est avec une énorme boule au ventre que j’ai parcouru cet écrit qui m’a rappelé Mon ami Frédéric et l’ami retrouvé, des écrits tout aussi poignants.

dimanche 20 août 2023

Soie













Ed Folio, 2/01/1997, 114 pages


Alors que les premières phrases de ce roman m’invitaient à parcourir un récit classique qui allait m’emmener dans le sillage du héros, Hervé Joncour, mon état d’esprit est devenu très instable lors de ce parcours littéraire d’une œuvre dont la découverte ne se fait pas sur une route droite, de façon linéaire, mais dans les méandres de l’écriture. Je suis passé de mon confort de lectrice, à de l’étonnement, de l’admiration et, je dois l’avouer, de l’agacement parfois. Si cette histoire semble écrite en toute simplicité, on notera quelque originalité comme ce leitmotiv retraçant le voyage du héros vers le Japon qui revient régulièrement comme un refrain, transformant le récit en une sorte d’œuvre musicale avec un thème et des variations.

L’auteur peut surprendre également en alternant entre pudeur, les passages érotiques étant voilés et annoncés par un timide « ils s’aimèrent », et scène pornographique, une lettre décrivant en détail, une relation entre le héros et l’autrice de cette lettre.

Une bonne partie du roman n’est que poésie, entre envolées d’oiseaux colorés, soies délicates, finesse de la culture japonaise et amours impossibles et, par contraste, l’effroyable guerre qui survient dans le pays du soleil levant.

Et Hervé Joncour ne fait que passer dans ce décor, sans s’imposer malgré sa présence affirmée, sans faire de bruit, transformant ses pérégrinations en habitude, sans s’émouvoir par son comportement, Ses états d’esprits étant décrits pas le narrateur et offerts à l’appréciation du lecteur.

Mon bémol concerne certains passages confus ce qui provient peut-être de problèmes de traduction, ce qui m’a amenée à relire plusieurs fois certains passages pour comprendre et poursuivre ma lecture.

Un bien curieux roman que je suis heureuse d’avoir découvert.


samedi 19 août 2023

 

Tant que le café est encore chaud












Toshikazu Kawaguchi

Ed livre de poche, 14/09/2022, 204 pages


Vous lecteurs, qui passez par-là, n’hésitez pas à vous offrir un bon moment de bien-être dans le café « funiculi Funicula ». C’est un endroit à part, un nid douillet à l’ambiance familiale qui sent bon le café et le beurre maison dont le patron est si fier. On y entre, on s’y sent comme chez soi. On y résout ses problèmes aussi, car ce café possède une belle particularité : on peut y retourner dans le passé à condition de respecter quelques règles strictes que je vous laisserai découvrir, sauf peut-être une qui tombe sous le sens et que les amateurs de voyages dans le temps comprendront : aller dans le passé ne peut faire changer le présent. Alors ? A quoi bon ? La lecture de ce roman aidera chacun à répondre à cette question, car si on note l’importance de vivre le moment présent, retourner dans le passé, même pour quelques minutes peut faire évoluer les pensées, effacer les non-dits perturbateurs, faire grandir son âme.

Dans ce bar, on côtoie des personnages touchants et profondément humains, on cultive l’accueil, on se love dans un cocon rassurant et dans une ambiance chaleureuse, on s’enrobe de culture japonaise, et on s’édifie de façon constructive.

On peut lire sur la page qui lui est dédiée, les étiquettes « fantastique », « voyage dans le temps » et je suis entièrement d’accord. J’ajouterais bien « roman philosophique » : bien que cet aspect soit souvent sous-entendu, quelques notions y sont bien présentes.

Un roman court, mais d’une richesse inouïe !

Les contes de la bécasse












Guy de Maupassant

Ed livre de poche, 170 pages.


Le vieux baron des Ravots, grand amateur de chasse, organise des diners auxquels il convie ses compagnons chasseurs. Seront servies les bécasses issues de la chasse et un rituel désigne l’heureux convive qui pourra déguster les têtes de ces oiseaux. Le sort l’ayant désigné, l’heureux élu doit raconter une histoire à l’assemblée présente. C’est là le fil conducteur de ce recueil de nouvelles.

Un recueil d’histoires captivantes, qui ressemblent à celle que les anciens pouvaient se raconter au coin du feu, à la recherche de la sensation forte, de la peur qui épice les histoires, des dernières nouvelles d’autrui, d’un certain commérage, du constat des défauts de nos pairs… Ces nouvelles s’inscrivent dans le mouvement du réalisme qui exige une description des individus regroupés en classes sociales, les mettant en scène et décrivant leur quotidien, incluant dans les dialogues, leur dialecte lorsqu’il s’agit de personnes issues des classes ouvrières. Les contes de la bécasse mettent en évidence les travers de la société, les grivoiseries des hommes, les défauts des uns et des autres, les croyances, la folie.

A titre d’exemple, l’un des premiers récit, Pierrot, met en avant l’avarice et la cruauté des individus,

La peur montre les superstitions et la folie qui s’empare d’une famille, on peut y voir une présence active de l’auteur qui, atteint de syphilis, transmet ses hallucinations aux lecteurs. Cette histoire n’est pas sans rappeler le Horla, cette longue nouvelle décrivant un individu qui sombre dans la démence.

Un Normand, un fils, les sabots semblent bien dénoncer la condition de la femme soumise à la volonté masculine.

Mais Maupassant ne se contente pas de décrire, on le sent omniprésent dans ses écrits. Il suffit de consulter sa biographie pour comprendre. La nouvelle, un fils, peut être considérée comme quasi autobiographique puisqu’elle rappelle les enfants que l’écrivain n’a jamais voulu reconnaître.

La dernière nouvelle, l’aventure de Walter schnaffs, est une dénonciation de la guerre qui dégrade et avilit l’homme.

Mais ces considérations littéraires ne sont pas indispensables à la lecture, on peut découvrir les nouvelles avec la curiosité d’une personne qui écoute des contes, chacune d’elles renfermant un suspens de courte durée, sachant que le dénouement est proche, des nouvelles tantôt angoissantes, tantôt comiques ou encore attristantes voire révoltantes.

J’ai choisi ce recueil parce que mon professeur de français nous avait demandé de la lire et que je n’ai pas dû beaucoup l’ouvrir à l’époque. Je me rattrape donc plusieurs dizaines d’années après. Mieux vaut tard que jamais !


vendredi 18 août 2023

 Auschwitz













Pascal Croci

Ed Emmanuel Proust, 30/09/2015, 64 pages


Je dois avouer que lorsque j’ai reçu cette bande dessinée, j’ai eu peur de l’ouvrir en sachant ce que j’allais y trouver. Mais devoir de mémoire oblige, j’ai fini par m’y plonger pour y trouver des illustrations terribles et effrayantes, certes, mais ô combien réalistes et soignées !

La première planche nous emmène en ex-Yougoslavie en 1993 : Kazik et Cessia se souviennent et racontent l’enfer du camp de concentration. L’arrivée des déportés, la terreur en guise d’accueil, les exécutions pour l’exemple, la façon dont on fait plier ces hommes et ses femmes assimilés à du bétail, Le quotidien du camps qui n’existait pas, on n’était jamais sûr d’être vivant le lendemain, les SS s’arrangeant pour assurer une insécurité permanente en changeant les lieux de travail, comment on fournit un confort tout relatif aux déporté Tchèque en ne séparant pas les familles et en ne prenant pas leur bagages, pour les voir ensuite basculer dans l’horreur, sans omettre une certaine solidarité existant entre déportés.

Côté Allemand, on côtoie des personnages impulsifs et montrant une violence extrême, où pondérés et affichant un certain calme, mais qu’importe, ce sont tous des tortionnaires qui semblent jouir de la souffrance d’autrui.

Cet ouvrage semble bien être le fruit d’un long travail de recherche, l’auteur ayant rencontré des membres de l’amicale d’Auschwitz qui avaient organisé une exposition sur la shoah et qui ont accepté de témoigner, ainsi que certainement un énorme travail d’illustration qui montre parfaitement la terreur et la violence tout en évitant le voyeurisme et qui montre un lieu fermé, au milieu de nulle-part ou le temps semble s’être arrêté, un enfer plongé dans le brouillard.

Le personnage principal, Kazik, personnage de fiction, est né en hommage au principal témoin de Pascal Croci, Mr Kazimierz Kac qui perdra son épouse et sa fille durant leur déportation.

L’auteur établit clairement le lien entre l’ex-Yougoslavie et Auschwitz afin de rappeler que les camps de concentration n’appartiennent pas au passé, des images de la guerre entre 1991 et 2001 lui ont rappelé que ce passé peut ressurgir.

Cet ouvrage n’expose pas seulement un travail parfaitement documenté sous la forme d’une bande dessinée, il comporte une interview très intéressante de l’auteur au sujet de son travail.

Cette bande dessinée devrait passer entre les mains d’une majorité de lecteurs !

mercredi 16 août 2023

Faites votre glucose révolution












Jessie Inchauspé

Ed Robert Laffont, 5/05/2022, 368 pages


Je suis tombée sur cet ouvrage dont je n’avais jamais entendu parler en me promenant dans une librairie. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les conseils de nutrition qui y figurent sont à quelque chose près le régime que m’a indiqué une nutritionniste afin de limiter les sucres et perdre du poids.

Je me suis donc procuré le livre et l’ai dévoré goulûment pour la simple raison qu’il m’expliquait le pourquoi d’un tel régime, pourquoi ingérer les aliments dans un certain ordre, ce que la nutritionniste ne m’avait pas expliqué.

Jessie Inchauspé, précise bien, dès le début qu’il ne s’agit pas d’un livre mettant en avant un régime alimentaire mais bien de fournir des informations quant à nos habitudes. Elle fournit « des conseils pratiques » tirés de découvertes scientifiques et ne donne aucun avis médical, à chacun, donc, de s’adapter.

Après une passionnante et conséquente introduction sur le glucose et sa grande famille, saccharose, amidon et autre fructose, sans oublier sur les fibres, elle explique combien ces « sucres » dont nous avons besoin en quantité raisonnable, sont mauvais pour la santé, ce que nous sommes censés savoir étant donné l’abondante littérature de ces dernières années sur leur méfaits, les livres de régime IG bas, de recettes en tous genres. Son objectif est donc d’aider chacun à réduire les pics de glycémie pour supprimer les fringales.

Notre biochimiste ne se contente pas d’affirmer, ce livre est le produit de ses propres expériences avec un certain nombre de participants qui ont accepté de se munir de capteurs et de lecteur de glycémie et d’appliquer sa méthode. Apparemment, ces conseils permettent vraiment de perdre du poids, toutefois, le régime que j’avais fait ne permettait de maigrir qu’en limitant fortement les féculents et en supprimant les autres sucres. Et ça marche ! La méthode de l’autrice, elle, autorise les desserts dans la mesure ou les sucres sont freinés et leur ingestion par l’organisme limités par la consommation préalable des légumes et des protéines, l’ingestion d’un verre d’eau vinaigrée avant les repas, petits déjeuners sans sucre (où très limité), sport en fonction des possibilités de chacun, particulièrement une peu de marche après les repas, conseils sur le contenu des éventuelles collations, consommation des glucides accompagnée de légumes ou de protéine, ce qu’elle appelle «habiller ses glucides ».

Ce livre a remporté un tel succès que Jessie Inchauspé a édité un deuxième ouvrage reprenant les quatre grands conseils prodigués dans ce livre avec d’originales et savoureuses recettes. Un livre que je me suis procuré afin de ne pas rester sur ma faim. Une mine d’idées est également disponible sur Instagram.

Je n’aurais sans doute pas écrit une telle critique, ni conseillé ce livre si le régime que j’avais suivi avant d’en connaître l’existence n’avait pas porté ses fruits parce que je me méfie beaucoup des recettes miracles concernant les régimes alimentaires.

Une belle découverte !

vendredi 11 août 2023

 

Ceux qui s'aiment se laissent partir













Lisa Balavoine

Ed Gallimard, 12/05/2022, 160 pages



Je referme un bien beau roman autobiographique qui regorge de sincérité et dans lequel le lecteur se laisse porter par le déroulé de l’enfance de l’autrice, par ses regrets, par son ressenti, pas sa nostalgie, une nostalgie qui laisse son emprunte à ce très beau texte.

Le récit commence par un appel, on prévient la jeune femme que l’on a trouvé sa maman dans un appartement laissé à l’abandon. Commence alors un long monologue entre la fille qui s’adresse à sa mère à la deuxième personne du singulier, qui retrace le chemin de sa vie depuis ses premiers souvenirs d’enfance. On comprendra que tout n’a pas été toujours facile dans la vie des deux êtres qu’un lien très fort unissait pour oublier leur solitude.

Puis vient l’impossible deuil : regrets, amertume, sans aucun doute ce qui se passe quand on n’a pas eu de communication vraie avec l’autre, quand on n’a pas pu exprimer ses sentiments, quand on n’a pas pu dire, ni je t’aime, ni je te déteste parce que des sentiments parasites et une vie semée d’épreuves a amené à dire le contraire de ses pensées. Lisa Balavoine exprime bien ces moments, où, alternant entre colère et tristesse, son travail de deuil s’éternisait et qu’elle était partagée entre le souvenir de son enfance et ses réflexions sur sa façon d’agir alors qu’elle était devenue mère à son tour, alors que sa vie explose et qu’elle est menacée de voir revenir son passé, comme une malédiction qui se transmet.

Un récit difficile à supporter parfois quand on sait qu’il est vécu par une petite fille qui en gardera les stigmates, malgré la résilience qui opère, mais également le récit d’une vie comme on peut, hélas, en rencontrer couramment.

Lu dans le cadre des 68 premières fois.

jeudi 3 août 2023

La moustache












Emmanuel Carrère

Ed Folio, 16/06/2005, 182 pages


Le sujet abordé par Emmanuel Carrère m’a fait sourire, car il n’est effectivement pas rare que lorsqu’un homme supprime sa moustache, on se demande ce qui a changé chez lui sans pour autant s’apercevoir que c’est cet élément de sa physionomie qui lui fait défaut. Dans ce récit, c’est bien pire, et dès le début, je me suis sentie admirative de l’écriture d’Emmanuel Carrère qui part de trois fois rien pour donner naissance à un écrit de plus de cent pages, moi qui parfois me demande comment on fait pour se documenter quand on écrit un roman, la réponse ici est claire : on laisse divaguer sa pensée, on y ajoute une peu d’effet papillon et la magie opère.

Si l’idée de départ m’a fait sourire, je m’attendais à quelque chose de beaucoup moins dense. Et j’ai vraiment peiné en lisant ce roman, j’ai trouvé le sujet de départ complètement dilué et le récit est devenu dans mon esprit, un beau baratin, bien écrit certes, Emmanuel Carrère maîtrisant sans aucun doute, la pratique de la langue de Molière, mais trop éparpillé : l’auteur avait-il besoin de décrire le scénario du film que l’épouse du héros a regardé en l’attendant ? Et ce n’est qu’un exemple. L’auteur m’a donné à maintes reprises, l’impression de dévier, de sauter du coq à l’âne, de se répéter, de s’écouter écrire. J’avoue humblement avoir passé quelques pages parce que je trouvais cette lecture interminable.

La fin est surprenante et ne cadre pas avec l’ambiance du récit.

Lecture bien mitigée donc, je le regrette.