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mercredi 13 mai 2020


L'attrape Coeur

J.D.Salinger
Ed Lafont


1951 : Jérome David Salinger nous offre un roman certainement original pour l’époque, qui a dû contrarier une bonne partie de la société américaine, et qui aurait déjà pu s’intituler la cause des adolescents. Il faudra attendre quelques années pour que l’on écrive sur une période aussi difficile de la vie d'un être humain. 


J.D.Salinger, par ce récit, nous livre un véritable plaidoyer en faveur des adolescents. Il  confie la parole à l'un d'eux : Holden, avec sa façon de s’exprimer des ados de l’époque, qui peut faire sourire aujourd’hui, si on  la compare avec le jargon de nos jeunes, car à l’époque, pas de verlan, de l’argot déjà, pas mal de qualificatifs empruntés au registre  familier voire injurieux, des phrases qui terminent par « et tout », un langage qui reste compréhensible et ne justifie aucun glossaire contrairement à des romans comme "Fief" de  de David Lopez ou "Grand frère" de Mahir Guven. Je salue au passage le travail du  traducteur qui a dû bien s’amuser !


Notre ados, donc, Holden Caulfield, nous raconte son aventure. Il se présente, noyant cette présentation dans une abondance de détails, relatant des événements qui n’ont pas forcément de liens, il expose ses trois jours de fugue, met sur le même plan, sa fugue, le problème des canards de Central Parc l'hiver, les désagréments causés par son voisin de chambre qui s'assoit toujours sur le bras du fauteuil, la mort de son frère... Il raconte de façon extrêmement  confuse, ce qui témoigne de son désordre intérieur, il se cherche, se détruit pour espérer se reconstruire, c’est du moins le projet qu’il laisse entendre : devenir un adulte, se marier et assurer le bien-être de sa famille. Son projet, il le présente durant ses déambulations dans la ville de New-York, errance à la fois effective et symbolique. 


Ce qui est formidable dans son exposé de sa vie, de ses soucis, de ses amours, c’est la façon dont il communique : ses idées inconscientes s’échappent pour aller droit se loger dans la tête du lecteur sans que celui-ci ait beaucoup d’effort à fournir, ainsi donc l’auteur est parvenu à ses fins : faire comprendre le mal être d’un jeune, et faire reconnaître que l’on ne passe pas de l’état d’enfant à l’état d’adulte sans une transition souvent douloureuse.


On comprendra rapidement le personnage : 

Holden transgresse, c’est que tout ado qui se respecte sait le mieux faire : il cherche à braver les interdits en buvant de l’alcool, en côtoyant une prostituée, en quittant son établissement, en n'écoutant pas les conseils de ses interlocuteurs,    

Holden  déteste ou plutôt, il rejette : le cinéma qui lui a pris son frère aîné parti à Hollywood, il déteste les profs, il déteste d’une façon générale, les adultes, il déteste ses pairs par peur,  il déteste à outrance… Mais une chose est certaine, à travers son intarissable bavardage, on ressent un amour profond à l’égard de sa famille.


Après une courte adaptation  à ce parler d’adolescent confus et bagarreur qui polémique volontiers, on sourira en lisant certaines de ses affirmations, de ses évaluations abusives ("Je devais bien avoir fumé ce jour-là trois cartouches de dix paquets"…"Sous le manuel, il y avait un tas de carnets, des carnets elle en a dans les cinq-mille…"), on s’attache, on se demande ce qu’il va devenir, comment va se terminer cette histoire. On interprète ses paroles, on se demande s’il finira par sortir de sa chrysalide, et puis on se dit que oui, certainement, et on comprend alors combien le passage à l’état adulte est laborieux. On comprendra également que cette période est celle de toutes les déviances et de tous les danger qui menacent les futurs adultes.

Un classique à ne pas manquer .



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