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dimanche 27 avril 2025

 

Six versions

Les orphelins du Mont Scarclaw




 








Matt Wesolowski,

Ed Les Arènes, 12/01/2023, Point, 5/04/2024, 312 pages


J’ai apprécié de découvrir un thriller dont la narration me semblait originale, un peu comme ces romans chorals dont les protagonistes expriment leur version des faits. Les faits paraissent simples : Harry Saint Clair Ramsay, propriétaire des lieux, découvre sur le mont Scarclaw dans le nord du Royaume Uni, le corps d’un jeune homme, Tom Jeffries, noyé dans les marécages. Les investigations aboutissent à une probabilité d’accident et s’arrêtent là.

Quelques dizaines d’année après, Scott King, réexamine le dossier et livre les informations dans un podcast intitulé « six versions », pour les besoins duquel il interroge les adolescents, devenus des adultes, sur les faits. On apprendra au fils des interviews, les faits et geste de chacun, leur tempérament, la vie de leur groupe, on y verra mêlé, les personnages secondaires.

Il est intéressant après le témoignage d’un personnage, de lire la vision d’un de ses pairs et d’essayer de se faire une idée d’un fait rapporté par le principal concerné.

Pour pimenter ce récit, l’auteur y inclut du fantastique, une créature dont on ne connait pas vraiment la nature : bête ou femme, terrifiante dite Nanna Varech qui ponctue le récit et semble omniprésente.

Toutefois j’ai trouvé la lecture parfois longue, particulièrement lorsque Scott King commente les témoignages, ce qui pourtant est important pour respecter la forme de podcast que prend le roman, et affiner les informations livrées par les protagonistes. J’ai eu tout de même hâte de percer ce mystère bien que le suspens m’ait paru un peu dilué dans cette mer d’informations diverses. Des informations qui auraient dû me mettre sur la piste car le dénouement m’a paru évident, c’est sans doute l’une de facettes du génie de l’auteur : occulter des informations en se servant d’autres informations, le plaisir n’en est que plus grand en fin de lecture.

Un roman pas simple à lire et capable de vous faire passer de bons moments de lecture.

 

mercredi 23 avril 2025

 Le livre d’Anna












Madeline Roth

Ed La fosse aux ours, 16/03/2024, 114 pages


Anna fête ses dix-huit ans. Sa mère lui remet les carnets qu’elle a écrits depuis sa naissance, racontant des détails de sa vie de bébé, de jeune enfant, d’adolescente, livrant à sa fille ses joies, ses soucis, ses espoirs, son amour. A nous, lecteurs, elle offre son expérience de mère, ses doutes, les manques qu’elle ressent concernant cette famille monoparentale qu’elle a d’abord souhaitée, et qui évoluera en générant quelques difficultés.

Ce roman m’a aspirée dans les premières pages, peut-être parce qu’il m’a ramenée à ma propre découverte de ce que pouvait être la maternité et les premiers temps avec un bébé, ce que l’on ressent en les regardant grandir, mais hélas j’ai commencé à trouver la lecture un peu longue vers le milieu, me disant que cette littérature n’est pas pour moi.

Je reconnais toutefois que ce journal est rempli d’amour, de douceur et de tout ce qu’une maman est capable de donner à son enfant. J’ai trouvé très beau, ce geste d’écriture, cette preuve d’amour par le biais de carnets qui seront remis à sa fille parvenue à l’âge adulte. Ne devrait-on pas tous agir ainsi pour transmettre à nos enfants, notre expérience de parents ?

Si le début peut paraître mièvre car se déroulant dans un milieu ou règne le calme et l’entente, on s’apercevra rapidement que nous ne sommes pas dans le monde des bisounours.

J’ai tout de même découvert là, un beau récit plein de sincérité.

 

mardi 22 avril 2025

 

Moi, Tituba, sorcière












Maryse Condé

Ed Folio, 13/09/1988; 288 pages


C’est grâce à la plume magnifique de Maryse Condé que j’ai fait connaissance de Tituba, dont ne subsistent que quelques informations aujourd’hui. Tituba serait née avant les années 1670 quelque part en Amérique du sud et aurait été amenée à la Barbade après avoir été vendue comme esclave, puis rachetée par un Pasteur, Samuel Parris et emmenée à Salem dans la région de Boston.

A quelques détails près, l’autrice raconte sa vie dans un récit certainement proche de la réalité, du moins ce qu’on en connaît. Quel parcours difficile que cette route de souffrance de l’esclave ! Maryse Condé s’est attachée à cette femme à la situation certainement représentative de la condition des esclaves au XVIIème siècle, mettant l’accent sur la pratique religieuse des blancs qui n’est aucunement basée sur l’amour du prochain mais sur le pouvoir que confère l’appartenance à une communauté dominante, l’effacement de la culture des Africains assimilés à du bétail, coupables désignés de tous les maux, ce qui s’avère confortable pour les maîtres.

Maryse Condé présente une femme dont on suit la vie avec grand intérêt, une femme qui avance à coup de machette dans la vie, une femme bonne, aux qualités multiples, bien surprise de se voir qualifier de sorcière, terme qu’elle semble à peine connaître, une femme aimante pour les hommes qu’elle croisera sur son chemin, des individus souvent peu scrupuleux qui semble bien résumer la vision des hommes de l’écrivaine, sans généralisation toutefois.

L’autrice mets également l’accent sur le puritanisme des chrétiens, leur vision manichéiste de la vie, leur peur du malin omniprésent dans le quotidien, et dont ils se déchargent sur tout ce qui ne leur ressemble pas et qu’ils éliminent de leur esprit à coup de confession et de prière.

La question que je me suis posée tout au long du roman : Tituba est-elle une sorcière ? La réponse est une question d’appréciation de ses actions. Si on considère qu’elle est capable de « dits » sortilèges que je laisse aux futurs lecteurs de ce récit le soin de découvrir, on affirmera qu’elle remplit les conditions qui en font une femme capable d’agir sur les éléments et les individus. Sa volonté, tout au long de son parcours, de soulager, de guérir, d’apporter la paix avec les moyens à sa disposition dans la nature et quelques qualités indispensables à son travail, telles la psychologie et l’intuition n’en font une sorcière que par rapport à une époque donnée, une époque où ce que l’on n’expliquait pas était l’œuvre du diable et les sorcière leur instrument.

Ce roman fait partie de mes pépites de cette année, je me suis laissé bercer doucement par cette merveilleuse autrice à l’écriture à la fois douce, ferme et ciselée. C’est le deuxième roman que je lis, le premier étant rêves amers que j’ai également beaucoup aimé. Je ne compte donc pas m’arrêter là !

 

dimanche 20 avril 2025


Ajouter de la vie aux jours

 

 











Anne-Dauphine Julliand,

Ed Les Arènes, 10/10/2024, 137 pages


Ce livre m’a été conseillé parce que je subis actuellement une épreuve douloureuse, et je me suis empressée de me le procurer. Je me suis vite aperçue que face à la souffrance éprouvée par l’autrice, je devais relativiser autant que possible. Quelle belle personne que cette femme qui n’a pas hésité à partager sa souffrance, que de larmes a -t- elle dû verser, que de force de caractère a-t-elle dû se forger pour enfin entrevoir de la lumière dans sa vie.


Si parfois, certains passages sont difficiles à supporter, notamment sur l’absence ressentie à certaines occasions où l’habitude voulait que ce fils, mort la veille de ses 18 ans, soit présent aux côtés de ses parents, d’autres appellent au soulagement, il s’agit pour moi de tous ces passages dans lesquels on sent à quel point la vie reprend le dessus, où, passées quelques étapes du travail de deuil, ses défunts deviennent partie intégrante de sa personne, où elle comprend aussi que bien des bribes de vie qui se présentent  constituent de beaux instants de bonheur, que chaque jour amène son lot de bien-être, que vivre pleinement un jour qui ne ressemble jamais au lendemain qu’il est inutile d’envisager, peut offrir la sérénité à qui veut bien l’accueillir. Son cocktail : accueillir le beau, l’agréable, ne pas chercher à lutter contre son ressenti, prendre soin de sa personne, loger dans l’écrin de son cœur, ceux que l’on a aimés pour qu’ils y restent vivants à jamais. Quel parcours !

 

À travers cet écrit, Anne-Dauphine Julliand nous aide à comprendre que nous possédons tous des ressources pour faire face à l’inconcevable bien que pour cela, il faille cheminer et que la route s’avère  chaotique, semée d’épreuves et demande du courage, de l’abnégation lorsque l’on doit exister et agir pour ceux qui restent, on imagine bien que des épreuves que la vie nous réserve, on puisse sortir grandi.


lundi 14 avril 2025

 

L’île des souvenirs

 










Chrystel Duchamp

Ed de l'Archipel, Livre de poche 24/01/2025, 288 pages


Ce thriller psychologique me laisse perplexe. Si je me suis réjouie en découvrant le récit aux allures de thriller classique si l’on peut qualifier de la sorte un thriller, avec son lot de flics aux tempéraments variés, les investigations dans le voisinage, les alibis des proches, l’intervention du médecin légiste quasi divertissante si on considère le comportement et l’humour du personnage, l’enquête qui stagne… toutefois la deuxième partie montre une rupture après la présentation du crime et l’enquête et je dois avouer que je me suis un peu ennuyée face à cette présentation des nouveaux intervenants, de leur parcours et de cet aspect documentaire que prenait le roman.

Il s’agit donc pas que d’un roman policier, mais d’un écrit qui expose les méandres du cerveau et de la mémoire montrant comment son fonctionnement offre des possibilités de manipulation sur les individus. Un roman malgré tout bien ficelé.

La dernière page m’a mise très mal à l’aise, je me suis demandé si je devais saluer le génie de l’autrice ou me sentir à la fois culpabilisée et piégée. Cela a quelque peu atténué le plaisir de lecture que j’avais éprouvé dans la première partie. Dans quel but Chrystel Duchamp nous sert les trois dernières lignes. Serait-ce de la dérision, une farce montrant sa capacité à bluffer le lecteur ? Je n’y répondrai pas, mais vous, qui passez par cette chronique, vous trouverez peut-être des éléments de réponse.

 

jeudi 10 avril 2025

Un avenir radieux













Pierre Lemaître

Ed Calmann Levy, 21/01/2025, 592 pages



J’ai été enchantée de retrouver les personnages de Pierre Lemaitre attendus depuis un certain temps et de les apprécier d’autant plus que je les connaissais bien. L’auteur les a façonnés et amenés avec leurs défauts, leurs qualités, leur tempérament, et ce qui m’a amusée, c’est que face à une situation donnée, j’ai pressenti les réactions de chacun des adultes face à diverses situations. Les enfants, on les a vus grandir, principalement Colette, cette petite fille à peine éduquée par une mère toxique, aimée de ses grands-parents, et qui au cours de ce tome, prend de l’assurance et saura nous surprendre !

Je me suis retrouvée plongée dans cette famille, qui, même si elle sort de l’ordinaire avec ses membres appelés à la célébrité, m’a simplement rappelé la mienne avec les liens qui se tissent entre les personnes, les inimitiés, les affinités, l’oubli momentané des différends dans les situations douloureuses, la solidarité qui s’exerce dans ce cas.

Comme dans les tomes précédents, l’auteur divisent son récit en sortes de volets qui se succèdent, ce qui brise habilement la monotonie d’un récit :

Le volet Geneviève, celui que je préfère, où il est question de cette femme manipulatrice qui peut paraître sotte mais qui se montre capable des pires calculs pour arriver à ses fins. Sa méchanceté m’a fait bondir à maintes reprises.

Le volet François, qui se retrouve malgré lui au sein d’une machination orchestrée par les services secrets, volet qui m’a souvent ennuyée, les services secrets n’étant pas au centre de mes intérêts.

Le volet des parents qui vieillissent et qui maintiennent le lien entre les enfants et leurs conjoints, une bien longue histoire à présent.

Ce livre m’amène à penser que j’aime les sagas, bien que je n’en ai pas lu énormément alors que je me rends compte que je m’éclate avec cette littérature.

Un regret, apparemment, il s’agit du dernier tome et je reste sur ma faim Par rapport à la situation d’un des personnages qui n’aboutit pas, peut-être n’était-ce pas prévu par l’auteur. Je suis disposée à en parler en MP, je serais curieuse de comparer mon ressenti avec celui d’autres lecteurs.