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samedi 1 novembre 2014

La tyrannie des parents d'élèves




Notre société de consommation produit des mécontents, des exigeants et ce dans bien des domaines, et le secteur de l’éducation n’est pas épargné, c’est ce qu’essaie de montrer Anne Topaloff  dans son ouvrage : les mécontents et exigeants se couvrant dans le cas présent de la casquette de parents d’élèves. Elle ne se contente pas de citer des faits mais tente d’expliquer pourquoi dans nos établissements, des parents se montrent tyranniques. De nos jours affirme-t-elle, on ne défend plus un idéal politique, « on s’est battu pour plus de justice sociale, mais on n’a pas révolutionné le système économique » alors aujourd’hui, on croit qu’on peut faire changer les choses  dans le domaine de l’éducation, on projette sur ses enfants, pensant qu’on peut changer leur vie. Concrètement, cela  crée un profond malaise dans le corps enseignant, générant le ras le bol que peut ressentir un professeur aux deux tiers de sa carrière.
Le parent tyrannique, précise  l’auteure, est partout, depuis l’école  de banlieue, jusque dans les quartiers  favorisés,  en passant par les écoles de campagne, sans oublier les zones sensibles. Il peut exercer cette tyrannie de bien des façons, depuis la parole déformée par l’enfant, le régime alimentaire et les repas de cantine, la mauvaise note, et, peut-on y  croire , la pédagogie dans sa propre classe ou dans le cours dispensé par le professeur.  Cet exposé d’Anne Topaloff, bien documenté reflète en partie la triste réalité : un certain pourcentage de ces parents d’élèves mettent en péril l’institution scolaire : en défendant leur enfant (sa parole contre celle de l’enseignant), en critiquant tel ou tel professeur devant le rejeton, en sapant  son autorité, en se permettant d’intervenir sur les programmes, c’est ainsi que j’ai moi-même pu voir des parents faire changer la méthode de lecture de l’enseignante, exiger que l’on rende un objet confisqué parce que le chérubin avait assuré qu’il ne jouait pas avec en classe et insinuer  que c’était l’enseignante qui ne disait pas la vérité,  élaguer la liste de fourniture, jugeant tel ou tel matériel inutile, contourner le règlement en le faisant contourner par la même occasion aux enfants,  décider de huit jours de vacances supplémentaires, ne pas assurer la mémorisation des leçons et se plaindre que l’enfant ne réussisse pas en mettant en cause la compétence de l’enseignant,  déposer des mains courantes pour  une raison ou une autre, intervenir auprès  d’enfants  sur la cour pour régler les problème eux même, faire jouer leurs relations pour faire fléchir une directrice, voire taxer de fainéants les professeurs toujours en vacances. Qu’ils viennent y voir, et qu’ils restent ne serait-ce qu’une journée en classe avec 20 à 30 enfants. Ils comprendront peut-être pourquoi les temps de pause sont nécessaires et pourquoi la dépression se situe au deuxième rang des maladies professionnelles chez les enseignants. J’ajoute ces réflexions personnelles afin de démontrer que cet ouvrage n’invente pas  les difficultés rencontrées au quotidien dans le corps enseignant.  Anne Topaloff cite à plusieurs reprises Christophe Lermuzeaux, directeur de l’hôpital psychiatrique de la Verrière, qui depuis trente ans travaille sur l’observation des pathologies mentales spécifiques aux enseignants, et qui constate une « nette dégradation des relations entre parents et professeurs », facteur de stress supplémentaire pour les jeunes enseignants peu sûr d’eux. 
Cet exposé tente de donner une idée  aussi  complète que possible des coulisses de l’école, toutefois un deuxième tome ne serait pas superflu pour expliquer une autre forme de stress des enseignants : manque de structure d’accueil des enfants en grosse difficultés, accueil d’enfants en situation de handicap dans des classes dont  l’effectif ne permet pas une prise en charge ad hoc,  refus des parents de faire confiance quand il s’agit de proposer des solutions pour aider l’enfant, parfois handicapé et pour lequel  la formation du professeur est plus que légère, aides en personnel dispensées au lance pierre… 
Cet ouvrage montre bien à quel point l’école est en danger, et combien l’égalité des chances relève aujourd’hui  de l’utopie parce qu’un pourcentage non négligeable de parents refusent d’accorder leur confiance à l’enseignant.



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